mercredi 18 août 2021

Laurent Brun : quelques faits de bon sens sur l’Afghanistan…

Laurent Brun

 Avec les États Unis on n’est jamais déçus : c’est le chaos quand ils interviennent militairement, et c’est le chaos quand ils partent.Leurs guerres amènent de nombreux morts. Et sous leur tutelle, l’application du libéralisme amène des marchés de reconstruction juteux pour quelques trusts occidentaux, mais ne crée aucune structure sociale apte à construire et défendre un état de droits. Les états fantoches qui en ressortent sont corrompus et inutiles. Quelques infos pour mieux analyser la situation :

:1)L’économiePIB = 19 Md$L’afghanistan est un pays agricole (27% du pib et 42% des emplois) mais l’irrigation est mauvaise malgré de nombreux fleuves. De ce fait, la famine apparaît lorsque les pluies ne sont pas assez abondantes comme en 2018. 21% de la population rurale vit dans l’extrême pauvreté et 38% des ménages ruraux subissent des pénuries alimentaires.Le système de transport est très mauvais (beaucoup de routes ne sont pas asphaltée).Les installations énergétiques datent des années 60/70, pratiquement n’a été construit ces dernières annees. En 2009, une ligne à haute tension est construite par l’Inde pour relier l’Ouzbékistan à la capitale grâce à 1.400 pylônes. Elle permet une électrification satisfaisante de la capitale en important l’électricité. A l’échelle du pays 6000 GWh ont été consommées en 2019 dont seulement 1115 GWh produits dans le pays, malgré la présence de charbon, de gaz, de pétrole.Les ressources minérales (pierres précieuses, métaux), très importantes, ne sont pas exploitées ou exploitées de maniere artisanale

.L’industrie (12% du pib et 18% des emplois) n’est pas développée malgré cette richesse minière. La plus grosse exportation concerne les tapis qui font travailler 1 millions de personnes.

Le secteur des services représente 39% de l’emploi et 56% du pib, probablement du fait de l’aide internationale.

2) l’aide internationale8 milliards de dollars par an financent les ONG, les entreprises et, dans une moindre mesure le Gouvernement, notamment l’armee (350000 soldats et policiers, dont on a vu l’efficacité). Certains de ces soldats, déclarés par des chefs de clans pour toucher des aides, n’existent d’ailleurs même pas (probablement 15% des troupes officielles).

Pour 2022 les États Unis prévoyaient par exemple 3,3 Md$ dont 1 pour l’aviation afghane, 1 pour les munitions et pièces des unités terrestres et 700 millions pour la solde des soldats. Autrement dit, plus de 2/3 de l’aide revient immédiatement à l’économie états unienne qui produit les hélicoptères de combats, les munitions et l’équipement.

Cette aide internationale semble pourrir totalement la situation. La masse d’argent injectée ne soutient pas l’économie locale mais au contraire la détruit. L’économie ne peut absorber ces sommes. Les donateurs importent des biens et services dont le pays ne maîtrise pas la technologie. Cela fait exploser le déficit commercial et ne peut pas pérenniser l’activité. Par exemple, quand la France donne des tracteurs et des engrais chimiques pour développer l’agriculture, elle tue l’économie locale qui produisait des outils et des engrais plus archaïques puisqu’ils ne sont plus achetés, et puisque le pays ne produit pas de pièces de rechange ou de la chimie lourde, elle devient dépendante de l’aide internationale ou des importations.En 2019 les importations représentent 8,5 milliards (exportation de 1,5 Md$). Le budget de l’état dépend à 40% de droits de douane sur les importations.

3) La corruption L’Afghanistan est l’un des pays les plus corrompu du monde.

Le narco trafic est la première ressource officieuse du pays. La culture du pavot a explosé (328000 hectares cultivés en 2017 selon l’ONU, en hausse de 60% par rapport à 2016 et multiplie par deux par rapport à 2006).L’administration est gangrenée par la corruption, à la foi du fait de l’économie parallèle et aussi par rapacite vis à vis de l’aide internationale qui fait souvent l’objet de prédation ou de racket.

Plusieurs scandales ont éclaté et ont touché les officiels. La Kabul Bank, l’institution financière privée la plus importante du pays, qui gère les salaires de 220 000 fonctionnaires, un tiers des dépôts et 57 % des emprunts, a été l’objet de révélations sur sa gestion frauduleuse (pertes estimées à environ 900 millions d’USD). Aucun des accusés n’ont été poursuivis. L’attribution d’un contrat d’extraction du pétrole en 2010, d’un montant de 3 milliards de dollars, à deux cousins du Président Hamid Karsai, qui avaient été condamnés pour trafic de drogue aux Etats-Unis et emprisonnés dans les années 1990 ont aussi montré que les plus hautes autorités étaient corrompues.

Le système politique, sous tutelle américaine, fait lui aussi l’objet de tractations permanentes, bien éloignés d’affrontements sur des projets de société différents. Tout le monde conduit la même politique, la diversité des candidatures n’étant qu’une concurrence de clans différents. Début 2020, la re élection d’ashraf Ghani a été contestée par son concurrent abdullah-abdullah. Les États Unis sont intervenus pour que les deux ennemis se partagent les postes. C’est une pratique courante.4) Le développement social L’Afghanistan est 208e sur 228 au classement mondial de l’Indice de Développement Humain en 2018. L’aide internationale n’a eu aucun effet sur ce niveau.Le PIB par habitant est de 524€ soit l’un des plus bas du monde. Résultat : 60% de la population est sous le seuil de pauvreté, 30% de chômage.

Seulement 38% de la population est alphabétisée. 15% du budget de l’état serait dépensé dans l’éducation mais l’État n’assure pas la formation des professeurs en nombre suffisant, ni la fourniture de matériel scolaire, donc la majorité des écoles construites sont des coquilles vides. Un rapport d’un sénat de 2012 évalue : « Certains experts affirment qu’en moyenne un enfant afghan n’a que 2 heures de présence à l’école par jour, c’est-à-dire un seuil qui ne permet pas l’apprentissage des connaissances de base. »Le système de santé est totalement archaïque et les dépenses de santé représentent 2,32% du budget de l’état en 2019.

Le système légal et judiciaire est totalement archaïque et corrompu.Les dépenses militaires représentent 262 m$A noter qu’une grosse partie des dépenses militaires ne passent pas par le budget de l’état. Les réseaux de téléphone mobile se sont rapidement développés et compteraient 15 millions d’abonnés. La compagnie privée de téléphonie mobile Roshan (3,5 millions d’abonnés) serait le premier investisseur du pays et l’un des premiers contribuables. L’un des principaux actionnaire est l’Agua Khan, qui vit en France. On peut imaginer que les profits sont à la hauteur des investissements… Le hasard faisant bien les choses, la France a consacré plusieurs millions d’euros au soutien du développement du réseau de téléphonie mobile au titre de l’aide au développement…

L’Etat étant inexistant, inutile et inefficace, ce n’est pas pour rien que le succès social des talibans passe par les madrassa, les écoles coraniques, l’aide sociale, et les tribunaux coraniques jugés moins corrompus…On peut donc dire que l’échec occidental sous conduite américaine est total.


 

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