CHILI : ET MAINTENANT L'ÉPREUVE DU FEU – Par Maïté Pinero
CHILI : le candidat de la gauche, Gabriel Boric, remporte l’élection présidentielle - Le jeune député de 35 ans a battu, avec 56 % des voix, le candidat d’extrême droite, José Antonio Kast,
Le 21 décembre 2021
Rien ne nous empêchera de nous réjouir infiniment de son accession au pouvoir. On se réjouit encore plus de la mobilisation militante, surtout celle du parti communiste, qui a modifié la participation populaire entre les deux tours. Espérons qu'elle se maintiendra car elle seule peut transformer les promesses en réalités. Faire du berceau de l'ultra libéralisme un pays interdit à l'ultra libéralisme se heurtera à un mur. On voit bien comment, au Pérou, Pedro Castillo est empêché de gouverner.
Par ailleurs, au Chili comme ailleurs, des dirigeants de gauche sincères conservent des œillères. Lors d'un débat avec Daniel Jadue, Gabriel Boric déclarait soutenir, non le gouvernement de Cuba mais les "Cubains qui manifestaient dans la rue". On n'a pas vu de manifestation d'opposants à Cuba, et Yunior Garcia qui les convoquait, a été exfiltre en Espagne par ses protecteurs. Revenu à un anonymat bien subventionné, il y coule sûrement des jours heureux. Cela devrait, espérons-le, aider le nouveau président du Chili à modifier son jugement et en tous cas à se méfier des propos rabâchés et idées toutes faites.
Qu'on le veuille ou non, la position concernant Cuba, est un marqueur en Amérique latine et ailleurs. Même si cela n'empêche pas le débat et les divergences sur le parti unique et les libertés.
Ceci dit, après les réjouissances légitimes, le court état de grâce de la victoire électorale, on va entrer dans la vraie épreuve du feu. L'enjeu chilien, quelles réformes et jusqu'où, est d'importance pour tout le continent. L 'exercice du gouvernement va rapidement obliger le nouvel hôte de La Moneda à reconnaître et s'appuyer, ou non, sur les larges avenues qui ont précipité et fêté sa victoire avec tant d'espoir. On se réjouit donc comme tout le monde, on se dit bien sûr que chaque chose en son temps, que tout va se jouer maintenant. Cependant, il s'y mêle aussi le souvenir de toutes les fois, où en Amérique latine et ailleurs, le même espoir a été déçu ou transformé en eau tiède. Il suffit de regarder la situation au Salvador après deux présidences du Front Farabundo Marti, celle du Brésil après deux présidences du PT. Les réformes sociales sont vite remises en cause quand on ne s'attaque pas au pouvoir de l'argent, sans réforme des structures de l'état. Et on finit par se dire que les intermèdes de gauche mollassonne au pouvoir semblent constituer des sortes de respiration au capitalisme pour mieux resserrer ensuite son emprise sur l'économie, le pouvoir, les cerveaux.
En effet, au Chili comme ailleurs, quand la gauche au gouvernement s'accommode, temporise, ménage la chèvre et le chou, elle crée une désillusion très difficile à effacer. On espère que le peuple chilien saura s'éviter cette épreuve mais la question lui est posée.
Maïté Pinero
Journaliste
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