Le culte du cargo et les énergies vertes
Par Dmitry Orlov – Le 28 octobre 2021 – Source Club Orlov
Les éoliennes et les panneaux solaires peuvent-ils remplacer les combustibles fossiles ? Beaucoup de gens semblent encore y croire, même après le récent flot de mauvaises nouvelles sur ce front, mais quelques personnes commencent déjà à se douter de quelque chose.
Bien que certains prétendent que les parcs éoliens et solaires ont un EROEI (Energy Returned on Energy Invested) de 5 ou même 7, il est facile de prouver que ce n’est pas le cas. Si, pour chaque kWh d’énergie investi dans la conception, la commercialisation, la production, l’installation, l’entretien, l’enlèvement et la mise au rebut en toute sécurité, ils devaient rapporter 5 ou même 7 kWh au cours de leur durée de vie utile de 20 ans, en supposant un coût de l’énergie constant (corrigé de l’inflation), ils produiraient au moins 400 % de profit pur ! Comparez cela à un dépôt bancaire ou à un placement à revenu garanti rapportant 3 % de plus que l’inflation (si vous pouvez en trouver un !). Sur les mêmes 20 ans, il ne produirait qu’un profit de 80 %, ce qui équivaut à un EROEI de seulement 1,8. Si les installations éoliennes et solaires étaient si lucratives, leurs promoteurs ne demanderaient pas de subventions gouvernementales ; ils fuiraient les foules frénétiques d’investisseurs criant « Tais-toi et prends mon argent ! ». Un tel taux de rendement, énorme et garanti, est quelque chose pour lequel on est prêt à tout risquer (même d’aller en prison).
Au lieu de cela, les secteurs de l’énergie éolienne et solaire sont devenus de gigantesques éponges à subventions publiques. Non seulement ils ont gaspillé de l’argent et des ressources naturelles, mais ils sont devenus un véritable casse-tête pour les gestionnaires de réseau, car ils ont réussi à faire passer en force des réglementations exigeant que les gestionnaires de réseau prennent toute l’électricité qu’ils produisent, quelle que soit la demande. Cependant, il y a généralement peu de risques qu’ils produisent un jour trop d’électricité ; par exemple, les parcs éoliens pour toute l’année 2021, pour toute l’Allemagne, ont produit à peine 20 % de leur capacité nominale et les parcs solaires à peine plus de 10 %. Quoi qu’il en soit, tout ce qu’ils ont à montrer pour plusieurs milliers de milliards de dollars de fonds publics gaspillés, et d’énormes étendues de terre et de mer gâchées par leurs installations, ce sont des tarifs d’électricité beaucoup plus élevés. En Russie, qui a jusqu’à présent évité ce fléau vert et s’est plutôt concentrée sur le développement de la capacité de production hydroélectrique et nucléaire, les tarifs de l’électricité sont 10 (dix !) fois moins élevés qu’en Occident. Ainsi, le véritable EROEI de l’éolien et du solaire n’est pas de 5 ou même de 7 mais bien inférieur à zéro : ils constituent un gaspillage net d’énergie.
Si cette analyse très simple suffit à démontrer que les parcs éoliens et solaires ne sont pas seulement non rentables mais qu’ils constituent un gaspillage net d’énergie, un examen plus approfondi révélerait qu’ils imposent également des coûts exorbitants au reste du réseau électrique. En effet, même si les installations éoliennes et solaires étaient entièrement gratuites, leur connexion au réseau électrique impose des coûts aux autres producteurs d’énergie, car leur production fluctue de manière aléatoire, en fonction de la disponibilité du vent et de la lumière du soleil, au lieu de correspondre à la demande d’électricité en temps réel. Cela oblige les autres producteurs d’électricité à gaspiller du combustible, que ce soit en tournant au ralenti ou en augmentant ou en diminuant rapidement la puissance, afin de compenser. Les tarifs de l’énergie fluctuent alors de manière vertigineuse (ils sont parfois négatifs les jours frais, ensoleillés et venteux et montent en flèche les jours froids ou chauds, couverts et sans vent), ce qui empêche les entreprises à forte consommation d’énergie de planifier leur production de manière à éviter les pertes financières.
Le problème de la production irrégulière d’énergie à partir de l’énergie éolienne et solaire, qui n’est pas adaptée à la demande d’énergie en temps réel, pourrait être résolu par l’introduction d’un stockage massif de l’énergie, mais le stockage de l’électricité n’existe pas, sauf pour quelques applications de détail, et sa mise à l’échelle ne ferait qu’aggraver le gaspillage global d’énergie. Il n’y a que quelques endroits sur Terre qui pourraient raisonnablement être utilisés pour le stockage massif de l’électricité : il s’agit des endroits où il y a un lac à haute altitude à proximité d’un lac à plus basse altitude qui pourraient être reliés entre eux à l’aide de pipelines, de pompes et de turbines ; toutes les autres idées de stockage massif de l’électricité se sont avérées jusqu’à présent être des ratés et, étant donné la physique du problème, elles le resteront probablement. Ainsi, il serait beaucoup plus rentable et économe en énergie, dans l’ensemble, de maintenir les parcs éoliens et solaires déconnectés du réseau électrique ; ce n’est pas aussi bien que de ne pas les avoir construits du tout, mais ce serait un grand pas dans la bonne direction. Pour ce qui est d’en construire davantage, voici une donnée intéressante : les prix au comptant du silicium polycristallin, un ingrédient majeur des panneaux solaires, ayant atteint le niveau le plus bas de 6,30 dollars par kilogramme à la mi-2020, ont depuis augmenté de 600 % pour atteindre 36 dollars par kilogramme et devraient continuer à augmenter au fil du temps.
Ainsi, l’EROEI effectif des parcs éoliens et solaires est comparable à celui d’un culte du cargo classique, dans lequel des tribus indigènes qui se sont habituées à l’indignité de vols réguliers leur apportant une aide humanitaire sous la forme, par exemple, de bière et de pizza, lorsqu’elles sont soudainement privées de cet affront à leur dignité indigène, se mettent à construire de fausses pistes d’atterrissage avec de fausses tours de contrôle et à allumer des feux de joie à la place des feux de piste, dans l’espoir d’attirer davantage d’avions de transport chargés de la bière et de la pizza susmentionnées. Les indigènes s’assoient alors et attendent que des avions de transport atterrissent, restant affamés et sobres. Finalement, la raison revient et ils s’enfoncent dans la jungle à la recherche de quelque chose à manger. En ce qui concerne les énergies renouvelables, nous n’en sommes pas encore là, mais il est peut-être temps d’essayer de faire avancer les choses, car si l’on continue à faire ces bêtises, beaucoup de gens finiront par avoir très froid et très faim – et par être très en colère aussi.
Le livre de Dmitry Orlov est l’un des ouvrages fondateurs de cette nouvelle « discipline » que l’on nomme aujourd’hui : « collapsologie » c’est à-dire l’étude de l’effondrement des sociétés ou des civilisations.
Il vient d’être réédité aux éditions Cultures & Racines.
Il vient aussi de publier son dernier livre, The Arctic Fox Cometh.
Traduit par Hervé, relu par Wayan, pour le Saker Francophone
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