Vladimir Poutine a reconnu l'indépendance des républiques sécessionnistes de Donetsk et Lougansk.
L'opposition communiste russe (21% des voix aux dernières élections) réclamait cette mesure depuis fort longtemps.
Avec cette décision, Moscou prend acte du refus ukrainien d'appliquer les accords de Minsk prévoyant l'autonomie des deux républiques et dissuade les néo-nazis de Kiev de tenter l'aventure.
Mais pour comprendre les origines de la sécession du Donbass, il faut se rappeler ce que fut la politique des nationalistes ukrainiens après le coup d'Etat de Maidan (février 2014).
"Le Monde diplomatique" l'avait fort bien expliqué à l'époque :
"Contrairement à ce qui a pu être écrit, la rupture des équilibres internes de cette nation fragile (l'Ukraine) n’a pas eu lieu le 27 février 2014, date de la prise de contrôle du Parlement et du gouvernement de Crimée par des hommes armés — un coup de théâtre qui serait la réplique de M. Poutine à la fuite du président ukrainien Viktor Ianoukovitch le 22 février. En réalité, le basculement s’est opéré entre ces deux événements, précisément le 23 février, avec la décision absurde des nouveaux dirigeants de l’Ukraine d’abolir le statut du russe comme seconde langue officielle dans les régions de l’Est — un texte que le président par intérim a jusqu’ici refusé de signer. A-t-on déjà vu un condamné à l’écartèlement fouetter lui-même les chevaux ?
M. Poutine ne pouvait rêver mieux que cette ineptie pour enclencher sa manœuvre criméenne. L’insurrection qui a mené à la chute de M. Ianoukovitch (élu en 2010), puis à la sortie de la Crimée russophone du giron de Kiev n’est donc que la dernière manifestation en date de la tragédie culturelle consubstantielle à cette Belgique orientale qu’est l’Ukraine.
A Donetsk comme à Simferopol, les Ukrainiens russophones sont en général moins sensibles qu’on ne le dit à la propagande du grand frère russe : la décrypter avec une ironie fataliste est devenu une seconde nature. Leur aspiration à un véritable Etat de droit et à la fin de la corruption est la même que celle de leurs concitoyens de Galicie. M. Poutine sait tout cela. Mais il sait aussi que ces populations, qui tiennent à leur langue, n’échangeront pas Alexandre Pouchkine et les souvenirs de la « grande guerre patriotique » — nom soviétique de la seconde guerre mondiale — contre un abonnement à La Règle du jeu, la revue de Bernard-Henri Lévy. En 2011, 38 % des Ukrainiens parlaient russe à la maison. Or la décision aventureuse et revancharde du 23 février a soudainement rendu le discours de Moscou véridique : pour l’Est ukrainien, le problème n’est pas que le nouveau gouvernement du pays soit parvenu au pouvoir en renversant le président élu, mais bien que sa première décision ait été de faire courber la tête à la moitié de ses citoyens".
Bruno Guigue
Le 22 février 2022
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