Cuba : L’Ukraine et le nouvel ordre géopolitique mondial
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Les entre-deux siècles, du moins les deux derniers, ont eu un effet crucial sur l’humanité. Aux 19e et 20e siècles, le capitalisme de libre concurrence se transforma en capitalisme monopoliste ; aux 20e et 21e siècles, l’ordre mondial né au milieu du 20e siècle, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, devint d’abord unipolaire après l’implosion de l’urss, et dès les premières années du 21e siècle, l’ordre établi commença à changer. Cuba d’où nous parvient ce texte, parce qu’en 1991, avec la forte clairvoyance de Fidel Castro a choisi de résister parce que la fin de l’URSS, selon lui, n’était qu’une nouvelle phase de l’impossibilité du capitalisme à son stade impérialiste, est mieux que tout autre capable de voir ce qu’il y a de nouveau parce que celui qui lutte doit dépasser la nostalgie tout en se nourrissant des leçons du passé. Ce qui s’est passé c’est que ni OBAMA, ni Trump, ni encore moins Biden n’ont été capable d’enrayer le mouvement et en forçant la Russie à envoyer un coup de pied dans le tas, ils ont accéléré un nouvel ordre. Face à la vision psychologisante de l’histoire de l’occident, celle-ci que nous partageons montre les forces à l’oeuvre, développement des forces productives, frein des rapports de production jusqu’à l’autodestruction… (note de danielle Bleitrach pour histoire et societe)
Auteur: Granma | internet@granma.cu
29 mars 2022 11:03:0Les tentatives de maintenir un monde unipolaire sous l’hégémonie des États-Unis sont à l’origine de cette « nouvelle guerre froide ».
Les entre-deux siècles, du moins les deux derniers, ont eu un effet crucial sur l’humanité. Aux 19e et 20e siècles, le capitalisme de libre concurrence se transforma en capitalisme monopoliste ; aux 20e et 21e siècles, l’ordre mondial né au milieu du 20e siècle, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, devint d’abord unipolaire après l’implosion de l’urss, et dès les premières années du 21e siècle, l’ordre établi commença à changer.
Nous avons abordé ce sujet il y a un peu plus d’un an dans la revue Cuadernos de Nuestra América du cipi dans un article intitulé Les États-Unis : du pouvoir intelligent au pouvoir stupide, dans lequel nous analysions comment les excès néolibéraux de la dérégulation et les tentatives ratées d’Obama de restaurer le capitalisme avec plus de néolibéralisme et de « pouvoir intelligent » avaient ouvert la voie à l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche et comment Trump avait pu remplacer la « capacité d’attraction » d’Obama par le « pouvoir stupide ». Cependant, ni Obama ni Trump, ni aucun des deux pouvoirs, n’ont été en mesure de changer le cours de l’Histoire.
On ne pouvait pas imaginer, au moment de la rédaction de ce premier article, que le successeur de Trump, Biden, persisterait dans la même voie et que, bien qu’incapable de changer l’Histoire, tel le joueur de flûte de Hamelin, il semble aujourd’hui capable, si on ne l’arrête pas, d’amener à la rivière (autrement dit à l’holocauste) non pas les rats ou les enfants (dans cette deuxième partie du conte dont on parle si peu), mais l’humanité tout entière. Il ne reste plus qu’à préciser ici, comme Marx le faisait remarquer dans la préface de la première édition du Capital, que tous les représentants politiques sont mentionnés ici pour ce qu’ils sont, des incarnations des intérêts et des rapports de classe, mais aussi des pays et des groupes de pays, de leurs intérêts et des classes dominantes.
Et dans le cas de l’Ukraine, le premier aspect à aborder, bien entendu, est de savoir pourquoi et comment on en est arrivé à la guerre ; le premier point nous amène à celui ou à ceux qui sont intéressés par la guerre, et aussi, et enfin, jusqu’où la guerre peut nous mener.
Il est indispensable, comme point de départ pour répondre aux questions ci-dessus, de rappeler l’idéologie du monroïsme et de l’américanisme, et sa vision géopolitique basée sur l’exceptionnalité supposée des États-Unis d’Amérique, que l’on retrouve facilement dans les écrits de ses fondateurs et – de manière encore plus évidente – dans la lecture qu’en fait Théodore Roosevelt après la victoire dans ce qui fut faussement appelé la guerre hispano-américaine, qui insiste pour réaffirmer cette exceptionnalité. La même idée persiste dans le temps et devient même agressive lorsqu’on lit que « Pour les États-Unis, l’Eurasie est la principale récompense géopolitique… À l’heure actuelle, une puissance non-Eurasienne est devenue prééminente en Eurasie et la primauté mondiale des États-Unis dépend directement de combien de temps et avec quelle efficacité ils pourront maintenir leur prépondérance sur le continent eurasiatique », signalait le politologue étasunien d’origine polonaise Zbigniew Brzezinski, ancien conseiller à la Sécurité nationale de l’un des pays occupant le nord des Amériques, dans son livre Le grand échiquier, l’Amérique et le reste du monde.
Le fait est que, dans la formulation originale de géopolitique, celui qui contrôle l’Eurasie contrôle le monde.
Si, comme Marx nous le rappelle à titre d’exemple, la mesquinerie et les furies de l’intérêt privé pouvaient rendre l’église anglicane plus disposée à pardonner le déni de 38 de ses 39 articles de foi que d’être privée de 1/39 de ses revenus pécuniaires, il ne nous semble peut-être pas surprenant aujourd’hui que la corporatocratie étasunienne agisse de la même manière…, avec ses partenaires les plus proches dans ce monde globalisé. Nous essaierons, pour ne pas être trop longs, de supprimer l’anecdotique dans ces lignes, puisque, ne vivant pas dans le monde « libre », nous savons presque tout, malgré tout ce que font les médias au service de cette même corporatocratie – dont ils font partie ou sont les employés – pour nous désinformer.
Bien des choses se sont passées depuis le début du 21e siècle. On ne compte pas les événements brutaux et l’augmentation des turbulences, des agressions, des violations des règles du Droit international, la prolifération des actions punitives, les sanctions contre tout État qui résisterait à l’establishment léonin imposé par la puissance hégémonique du monde unipolaire, y compris la violation des traités par cette même puissance – et aussi par ses alliés – au détriment des moins favorisés par l’ordre (le désordre ?) mondial imposé.
Le crime de l’invasion de l’Irak, basé sur le mensonge de l’existence d’armes de destruction massive, avec un général qui ne cessait de le proclamer à l’onu ; les mensonges pour tenter de cacher le crime de l’invasion, de l’occupation et de la fuite honteuse de l’Afghanistan ; les mensonges pour justifier les bombardements aveugles en Libye ; les mensonges pour nous informer de l’implosion et des massacres dans ce qui fut la Yougoslavie ; les mensonges sur les armes chimiques en Syrie et le pillage de ses ressources… et bien d’autres encore, y compris ceux qui, en invoquant l’Ancien Testament, tentent de sacraliser l’impunité dont jouit Israël pour intensifier sa mainmise sur les territoires palestiniens et poursuivre ses massacres.
Et si ces moments ne sont que quelques-uns des plus significatifs de l’ordre établi du monde unipolaire, on peut en signaler beaucoup d’autres, comme ceux liés à la mondialisation et à l’échec du néolibéralisme et de ses séquelles : les délocalisations industrielles, la financiarisation de l’économie, l’affaiblissement de la confiance dans la monnaie fiduciaire, l’inflation galopante et l’imminence de la stagflation, l’utilisation et l’abus du contrôle des mécanismes financiers internationaux pour punir les pays qui refusent de renoncer à leurs droits souverains, voire le vol et/ou le gel des ressources de ces États situées hors de leurs frontières…
Et tout ce qui précède, et plus encore, ainsi que l’aggravation des problèmes mondiaux– notamment le réchauffement de la planète et le changement climatique – accompagnent l’affaiblissement accéléré des États-Unis, jadis puissance hégémonique du monde unipolaire, qui ont été pendant toutes ces années le principal acteur de la tentative d’empêcher les changements qui garantiraient un nouveau monde, sans hégémonies, plus diversifié, équitable et juste. À cette fin, accompagnés de leur cohorte d’États vassaux, ils ont étendu et ont l’intention d’étendre l’otan, une organisation prétendument défensive qui aurait dû cesser d’exister après la disparition de l’urss et qui, depuis lors, est dirigée contre la Russie, identifiée par les États-Unis comme leur deuxième principal adversaire.
Ce sont les États-Unis qui, sans aucune pudeur de la part de leur président, essaient de se présenter devant la communauté internationale et l’onu comme les défenseurs des faibles et des agressés, alors qu’ils sont capables de créer de manière cryptique d’autres organisations bellicistes telles que le quad (Dialogue quadrilatéral pour la sécurité, groupe de coopération militaire composé des États-Unis, du Japon, de l’Australie et de l’Inde) et Aukus (composé de l’Australie, de la Grande-Bretagne et des États-Unis) dirigées contre la Chine, identifiée par ce pays du Nord comme son principal adversaire géopolitique, ce qui en fait la cible de menaces inapplicables si elle refuse d’« obtempérer aux ordres ».
Il n’est pas difficile de se rendre compte que la somme du « pouvoir intelligent » d’Obama et du « pouvoir stupide » de ceux qui lui ont succédé n’a fait qu’accélérer les événements qui ont conduit à cette situation délicate, où l’effondrement du monde chaotique, injuste, inégalitaire et unipolaire connu ne nous laisse aucune certitude sur ce que sera ce monde à venir. Les doses successives de stupidité qui s’accumulent jour après jour mettent désormais en danger l’existence même de la planète en raison de la possibilité réelle du déclenchement de la troisième guerre mondiale.
Et les premières de ces doses ont été liées aux tentatives de maintenir le monde unipolaire, avec les États-Unis occupant la position hégémonique et l’Europe complaisante à sa place de wagon de queue du convoi impérial, prête à renier les engagements pris après la dissolution de l’urss. Ainsi, l’otan a continué d’inclure des membres avec l’objectif on ne peut plus clair de rapprocher du cœur de la Russie les armes qui l’empêcheraient de répondre à une attaque surprise, même si cela devait éliminer la redoutable Destruction mutuelle assurée (mad), la seule garantie de non-utilisation des armes nucléaires qui existait jusqu’alors. Aucun des appels répétés de la Russie et du président Vladimir Poutine n’a été pris en compte, et la réponse a été celle que l’on connaît.
Dans cette nouvelle « guerre froide », dont nous avions déjà prévu plus tôt dans ces pages le réchauffement (Granma, 28 décembre/2021), les États-Unis, sous le couvert de l’otan, obligeaient (sic) la Russie, afin d’arrêter l’expansion de l’organisation belliciste « de l’Occident », à envahir l’Ukraine, bien que sous le nom sophistiqué d’ « opération militaire spéciale ». Et, bien que peu de gens aient remarqué et même spéculé (incités par le mouvement distrayant des mains du magicien qui les empêche de voir « sa » magie) sur ceux qui profitaient et ceux qui ne profitaient pas de la hausse des prix, notamment du gaz, du pétrole, du blé, des engrais, des aliments et même des affaires juteuses que la guerre elle-même représentait pour le complexe militaro-industriel des États-Unis, rien de tout cela ne pouvait cacher ce qui se passait réellement : la naissance d’un nouvel ordre mondial.
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