Les dirigeants AMÉRICAINS: EXPERTS incontestés en CRIMES de guerre…
Alors que les Américains et leurs alliés européens ne cessent de dénoncer les crimes de guerre présumés de l'armée russe en Ukraine, Pierre Lévy, du mensuel Ruptures, rappelle le passif de Washington en la matière.
Une nouvelle fois, dirigeants américains et européens, grands médias dominants et réseaux sociaux ont répandu leur indignation affichée, après le bombardement, le 27 juin, de Krementchouk. Seule la thèse ukrainienne, des dizaines de victimes civiles dans le bombardement d’un centre commercial, a été relayée comme parole d’évangile. La thèse russe, le ciblage d’un dépôt d’armes dans une usine attenante, n’a souvent même pas été citée.
Les
Etats-Unis et l’Union européenne veulent à tout prix éviter
d’apparaître comme «co-belligérants» dans la guerre en Ukraine. Ils le
sont pourtant bel et bien que ce soit par les sanctions, par la
fourniture massive d’armements lourds, par l’entraînement des troupes de
Kiev, par la mise à disposition de renseignements stratégiques.
Il y a une autre guerre encore pour laquelle les dirigeants occidentaux ne sont pas seulement «co-belligérants», mais bien en première ligne : la guerre de l’information
Il
y a une autre guerre encore pour laquelle les dirigeants occidentaux ne
sont pas seulement «co-belligérants», mais bien en première ligne : la
guerre de l’information. Certes, les conflits ont toujours fait une
première victime : la vérité.
Cette fois, une dimension nouvelle semble se dessiner : l’exploitation
en temps réel du concept de «crime de guerre». Et tout se passe comme si
les experts, à Washington notamment, avaient méticuleusement préparé
ces offensives médiatico-idéologiques en amont même du déclenchement des
hostilités.
Depuis des semaines, des bataillons de juristes et d’experts mandatés
par des Etats, des institutions et des ONG sont à l’œuvre : procureur de
la Cour pénale internationale, équipes conjointes avec plusieurs pays
parties prenantes, «plateforme de coopération judiciaire», envoyés
d’Etats en tant que tels… Il est à noter que deux organes de l’UE,
Europol et Eurojust, sont mobilisés. Censés, en temps normal, coordonner
les activités policières et judiciaires dans certaines affaires
transnationales, ils ont vu en un clin d’œil leurs compétences
opportunément élargies. Le tout pour «appuyer» le procureur général
d’Ukraine.
Jusqu’à
présent, les enquêtes et procès pour crimes de guerre étaient
postérieurs aux affrontements. Cette fois, les stratèges occidentaux
comptent bien que les investigations des dispositifs policiers et
juridiques saturent les réseaux sociaux et chaînes d’information, heure
par heure.
Car s’il y a un expert incontesté en matière de «crimes de guerre» depuis 1945, c’est avant tout à l’Oncle Sam qu’il faut décerner la palme toutes catégories
Car il n’y a jamais eu, et il n’y aura jamais de «guerre propre». C’est même la première raison qui légitime les nécessaires combats pour la paix, passés et à venir. Ce qui laisse pantois, c’est l’identité de ceux qui prétendent dénoncer les horreurs et atrocités au nom de considérations humanistes. A commencer par les dirigeants américains. Car s’il y a un expert incontesté en matière de «crimes de guerre» depuis 1945, c’est avant tout à l’Oncle Sam qu’il faut décerner la palme toutes catégories.
Du massacre de My Lai (Viet-nam, 1968) et de l’épandage de napalm sur les populations civiles vietnamiennes jusqu’au sinistre centre de détention et de torture de Bagram (base américaine en Afghanistan, à partir de 2002), en passant par les pyramides de corps dénudés et suppliciés à Abou Ghraïb (centre militaire US en Irak, dont les images sinistres de 2003-2004 ont fait le tour du monde), ce sont les auteurs de ces charmantes expériences qui s’indignent aujourd’hui des exactions alléguées en Ukraine. Il faudrait aussi évoquer les opérations dites d’«extraordinary rendition», véritables délocalisations à l’échelle industrielle de sites de torture vers des Etats consentants de l’UE.
Et que dire des déclarations restées célèbres de Madeleine Albright, récemment décédée ? En 2018, interrogée sur la mort de 500 000 enfants irakiens au cours de l’embargo et de la guerre contre ce pays, l’ancienne Secrétaire d’Etat répondait : «C’est une question difficile, mais oui, ce prix à payer en valait la peine». A-t-on jamais entendu un tel crime de guerre aussi ouvertement assumé et revendiqué ? Et c’est Washington qui ose donner des leçons aujourd’hui ?
On pourrait aussi rappeler qu’un seul pays a jamais utilisé la bombe atomique. En mai 1945, ce fut une décision américaine qui grava le nom des villes d’Hiroshima et de Nagasaki dans les pires horreurs de l’Histoire, et ce sans qu’aucune justification militaire ne l’imposât. En réalité, des livres entiers sont nécessaires pour relater les forfaits imprescriptibles ordonnés par Washington, tant il est vrai que l’histoire de ce pays est une longue suite d’interventions extérieures, ouvertes ou sous couverture, dont aucune ne se fit en gants blancs.
Aujourd’hui
encore, des millions d’Afghans connaissent une situation durable de
quasi-famine, résultat direct de l’occupation otanienne qui a fait
dépendre l’économie de ce pays du commerce de drogue et des subsides
occidentaux aujourd’hui coupés. Les conséquences effroyables de la
guerre au Yémen ne sont pas plus enviables. Et que dire de l’écrasement
et de l’humiliation du peuple palestinien sous occupation israélienne
depuis sept décennies ?
Or, nul ne peut imaginer réclamer que le président américain, le prince héritier saoudien et encore moins le Premier ministre de l’Etat hébreu soient traduits devant quelque Cour que ce soit
Quant aux dirigeants européens, beaucoup rêvent de construire une «Europe géopolitique». Certains, comme le ministre français Bruno Le Maire, et avant lui l’ancien président de la Commission européenne José Manuel Barroso, ont la franchise de nommer cela un empire.
Ça promet…
Pierre Lévy
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