dimanche 21 août 2022

Le « sociétalisme », voilà l’ennemi !

par Florian Mazé (son site) blog Agora Vox
lundi 15 août 2022

 

Définition : le « sociétalisme » est une posture idéologique et politique visant à survaloriser des problématiques sociétales généralement mal définies (les « valeurs », les « identités ») au détriment de la traditionnelle question sociale et ouvrière (pouvoir d’achat, conditions de travail, retraites, congés payés, chômage, assurance maladie, services publics). La perspective sociétale, de ce point de vue, est surtout électoraliste et démagogique.

JPEG Le sociétalisme utilise autant le registre de l’éloge que celui du blâme. Il existe un sociétalisme progressiste comme il existe un sociétalisme réactionnaire, rigoureusement ennemis, mais parfaitement complices, et très souvent bourgeois. De la NUPES communautariste, qui ne jure plus que par la créolisation, à des Patrick Buisson, pour qui tous nos problèmes viennent du modernisme et de Vatican II, tout ce beau monde de politiciens et de théoriciens appelle à des « valeurs », à la rigueur à des « vertus », à « l’identité » ou aux « identités », soit pour revenir au bon vieux temps fantasmé, soit pour ouvrir la porte à toutes les aventures.

 

Le sociétalisme couvre de vastes enjeux, mais souvent trop vastes pour être vraiment précis. Il déchaîne les passions ; il favorise toutes les démagogies possibles, de la droite de la droite à la gauche de la gauche. Le sociétalisme s’intéresse beaucoup à la sexualité, à la mort, à la religion, à la couleur de peau, aux mœurs, au rapport à l’étranger… Ces questions ne sont pas illégitimes, mais elles se réduisent, hélas bien souvent, à des slogans et à du simplisme.

 

Il suffit de brailler qu’on est POUR ou CONTRE pour être suivi et adulé par de grandes foules incultes. Vous pouvez, indifféremment, hurler Changement de sexe inscrit dans la constitution ! ou Les Transsexuels au bûcher ! À chaque fois, vous aurez des vues sur internet et vous arriverez même à déclencher des manifestations enthousiastes. Pareil pour l’euthanasie, le métissage, l’avortement, l’accueil des migrants ou les philosophes des Lumières… Braillez que vous êtes POUR ou CONTRE, ça suffira amplement, et surtout n’entrez jamais dans la problématique sociale, qui est celle des moyens et des personnels.

 

Exemple : que vous soyez partisan d’une ouverture totale des frontières ou, au contraire, d’une politique rigoureusement nationaliste et contre-immigrationniste, dans les deux cas, il faut un personnel et des moyens immenses pour gérer ce genre de choses sans que cela dégénère en un foutoir indescriptible. Autre exemple : si, comme Marion Sigaut, vous estimez que tous nos problèmes viennent des philosophes des Lumières, il faudra payer des fonctionnaires pour neutraliser les vilains enseignants qui, comme moi, commentent les ouvrages de Voltaire ou de Jean-Jacques Rousseau, sans compter, peut-être, le petit personnel qui devra inspecter les bibliothèques et brûler tous les livres sulfureux. Mais si, d’un autre côté, vous estimez qu’il faut entièrement remplacer le programme de philo en Terminale par l’étude des œuvres complètes de Houria Bouteldja ou de Greta Thunberg, il faudra encore des personnels formés et payés pour cette mission délicate.

 

L’euthanasie, c’est pareil. Les sociétalistes ultra-conservateurs en sont à soutenir l’acharnement thérapeutique au motif que, ma bonne dame, il n’est point permis de se substituer à Dieu pour donner la mort… Mais les sociétalistes ultra-progressistes en sont à désirer qu’on pratique l’euthanasie pour tous, une sorte de droit de l’homme, au moindre petit bobo. Mais, quoi qu’il en soit, il faut du monde soit pour maintenir la vie, soit pour éliminer les gens, et toujours pour gérer les cadavres. Derrière toute question sociétale se cache une question sociale, très matérielle et très personnelle : qui va bosser, pour quel salaire et dans quelles conditions ?

 

L’exemple de la peine de mort est sans doute, à cet égard, le plus comique et le plus sordide. Vous pouvez être à 100 % pour ou à 100 % contre ; de toute manière, aujourd’hui, on n’ira jamais plus loin que les slogans hystériques. D’abord, on tue qui, comment et pourquoi ? On tue les criminels ? Admettons. Mais certains estiment qu’un orgasme en dehors du mariage ou la lecture du Contrat social de Rousseau sont des forfaits gravissimes, peut-être plus graves que le trafic de drogue ou l’écrabouillage volontaire de piétons à la voiture volée. Et ensuite, surtout, question sociale : il faut du personnel pour tuer les gens (avec ou sans torture préalable) et pour gérer les cadavres. Imaginez que les bourreaux finissent par monter un syndicat ! Salauds de pauvres…

 

Jean-Luc Mélenchon et Éric Zemmour : les deux faces de la même farce

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Pour une fois, aux législatives, l’électorat français a été moins couillon qu’à l’ordinaire. Nous avons eu le bonheur de ne pas contempler dans l’hémicycle les deux trognes antipathiques du Éric et du Jean-Luc – qui sont exactement le même type humain : deux sociétalistes, indifférents à la vraie question sociale, deux intellectuels bourgeois.

 

L’un, Zemmour, a carrément négligé la question sociale dès le début de sa campagne électorale ; la retraite zemmourienne à soixante-cinq ans, on s’en souviendra encore dans deux siècles ! Quant à sa fameuse « bourgeoisie patriote », je me demande quel crâne d’œuf lui a soufflé une idée aussi débile, la bourgeoisie – y compris la catholique à la Buisson – n’ayant, par définition, par d’autre patrie (ni d’autre religion) que celle de son portefeuille.

 

L’autre, Mélenchon, ancien socialiste assez compétent sur la question sociale, a fini, comme tous les socialistes et apparentés, par nous faire du Terra Nova (et cela bien qu’il s’en défende), c’est-à-dire négliger (en partie seulement pour lui) la problématique sociale (et ouvrière) au profit d’un nébuleux projet, très sociétal celui-ci, de « créolisation » destiné à draguer ce qu’on appelle aujourd’hui l’électorat des banlieues (qui, d’ailleurs, n’en veulent pas forcément). Pour Mélenchon, la vieillesse a été un naufrage. Il se voulait Premier ministre, il ne fut même pas député. Comme son alter ego de droite Zemmour. Si l’on fait abstraction de la grosse NUPES optique (une association de circonstance qui ne trompe déjà plus personne), LFI du beau Jean-Luc ne parvient pas à être le premier parti d’opposition à l’assemblée.

 

Cet avertissement concerne aussi le RN. Il y a deux RN au sein du RN : l’un, ouvriériste, prolétarien, et l’autre, purement sociétal et très bourgeois. Si la tendance sociétale et bourgeoise venait à l’emporter, ce serait aussi la fin du RN.

 

En tout état de cause, que les sociétalistes aillent se rhabiller ! Le sociétalisme reste l’ennemi du vrai socialisme. Lorsque les questions sociétales l’emportent sur la question sociale, c’est toujours une tentative, à droite comme à gauche, pour déplacer le projecteur en dehors de ce qui fâche. Nous sommes nombreux à revenir de vacances, moi y compris. Mais on fait quoi, en définitive, pour les personnels des hôtels-cafés-restaurants qui, pour certains d’entre eux, travaillent pratiquement 365 jours sur 365, font deux journées en une, et pour un simple SMIC ? Et les pompiers en ce moment ? Et les soignants durant la crise du coronavirus ? Et tant d’autres ?

 

Florian Mazé

 

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