Absurde !
La sobriété, c’est bon pour les Français lambda et les vendeurs de cols roulés. Pas pour le PDG de TotalEnergies. On le sait, à la suite des profits exceptionnels réalisés par le groupe pétrolier en 2021 (16 milliards d’euros), Patrick Pouyanné s’est octroyé une gourmande augmentation de ses revenus annuels (+ 52 %) afin de déposer sur son compte en banque près de 6 millions d’euros.
Quant aux actionnaires de l’entreprise, nulle crainte, ils seront également à la fête : on a appris, la semaine dernière, qu’ils devraient toucher entre 35 et 40 % du bénéfice net de la société pour 2022, année record (déjà 18 milliards d’euros cumulés sur les six premiers mois). Bref, tout ce beau monde pourra s’acheter des monceaux de pulls bien épais cet hiver…
Pourquoi rappeler ces chiffres ? Parce que la grande majorité des médias, qui évoquent la grève menée par la CGT depuis dix jours dans les raffineries Total, ne le font pas. Les images de stations-service à sec, d’automobilistes désemparés par une possible pénurie, tournent en boucle. Mais pas un mot sur les raisons de cette colère sociale. Sur l’insupportable injustice de voir ces salariés, dont un certain nombre au Smic, obligés d’engager un bras de fer afin d’obtenir leur part du gâteau, une simple augmentation de 10 % des salaires dans une multinationale au chiffre d’affaires ronflant. Les irresponsables ne sont pas ceux qui réclament leur dû, mais ceux qui, une fois bien gavés, refusent de l’accorder aux autres. Voire d’en discuter.
La stratégie de TotalEnergies n’est pas nouvelle. Le groupe mise sur un pourrissement du mouvement, la crainte des Français de ne plus pouvoir aller au travail avec leur voiture et, au final, la mise à l’index des grévistes. Dresser les travailleurs les uns contre les autres pour éviter de parler partage des richesses, c’est aussi vieux que le patronat. La direction de l’entreprise l’avoue à demi-mot, d’ailleurs, préférant augmenter les importations – très coûteuses – pour contourner les raffineries qu’ouvrir la porte à la négociation. Mais rien n’est trop absurde pour qui veut maintenir coûte que coûte la sobriété salariale.
Laurent Moulourd Editorial de l'Humanité
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