Rien ne les arrêtera : il faut donc les arrêter
samedi 15 avril 2023 par Joseph Andras
"La minute qui vient n’est pas encore écrite".
"La France du passé a parlé. Nous en prenons note. Pour gagner, le
mouvement doit sortir des postures classiques et prendre des formes
inédites.", a déclaré Olivier Mateu, secrétaire général de l’Union
départementale CGT des Bouches-du-Rhône, en réaction à la validation par
le Conseil Constitutionnel de la réforme des retraites.
Après la promulgation express et névrotique de la réforme des
retraites, nous relayons dans nos colonnes un texte de l’écrivain Joseph
Andras publié par Mediapart.
« La sagesse, c’est la révolution », promet-il.
"1.
Que Macron dégage : l’énoncé atteint ce degré d’évidence qu’on rougit presque en l’écrivant.
2.
La quasi-totalité des salariés actifs rejette la réforme des
retraites. Jamais, chaque enquête l’atteste, le monarque ne s’est
trouvé à ce point isolé. Où qu’un dirigeant macroniste se rende dans le
pays, il est hué. Une chanteuse norvégienne, de passage à l’Olympia en
ce mois d’avril, a prié son public de lui apprendre deux ou trois mots
de français, et le public d’improviser en chœur : « Macron démission ! »
La formule, propulsée par les Gilets jaunes, a désormais valeur de
patrimoine culturel (quelque part entre la baguette et Piaf). Il ne
restera bientôt plus que Nemo pour soutenir le monarque (son chien, un
labrador croisé griffon). Mais la branche macroniste du Capital
s’acharne.
3.
Le peuple refuse la réforme : le monarque poursuit à marche
forcée. L’Assemblée nationale s’apprête à refuser la réforme : le
monarque recourt une fois de plus à la « censure provoquée ». Entre le
monarque et la rue – l’authentique parlement populaire –, il n’y a, à
nouveau, plus que les flics. Qu’on les retire et c’est la fuite de
Varennes. Il faut regarder à deux fois la photographie d’une des ailes
du Palais-Royal, prise ce 13 avril, pour se convaincre qu’on voit ce
qu’on y voit : une foule d’hommes en armes, casqués de bleu, parés de
boucliers, campe devant le siège du Conseil constitutionnel. Les neuf
nababs qu’il héberge allaient rendre un verdict aussi attendu que
dépourvu d’intérêt.
4.
Des poubelles crament et le détenteur autoproclamé de la
« force physique légitime » va couinant. Les médias de la cour ne se
lassent pas de questionner leurs invités soucieux de démocratie :
« Est-ce que vous condamnez les violences ? » Nous, nous ne condamnons
pas. Ou, plutôt, nous condamnons les violences de l’ordre imposé. Nous
condamnons les assauts du régime contre la volonté populaire. Nous
condamnons la furie ordinaire des mercenaires du régime : qui – pour
s’en tenir à la séquence actuelle – rendra son œil à Sébastien, cheminot
seine-et-marnais victime de l’explosion d’une grenade ? Qui rendra sa
rate à Laurie, lycéenne de Chambéry frappée par un tir de LBD ? Qui
rendra son testicule à ce jeune chaudronnier-soudeur de Laval, cible
d’un CRS ? Nous condamnons cet ordre imposé qui offre 84 ans d’espérance
de vie à ses cadres et 6,4 ans de moins, en moyenne, à ses ouvriers.
La violence, la voilà. Le reste n’est qu’affaire de discussions tactiques et d’autodéfense.
5.
Un ancien député lançait en 1984 : « Ceux qui ont pris
tout le plat dans leur assiette, laissant les assiettes des autres
vides, et qui ayant tout disent avec une bonne figure, une bonne
conscience : “Nous qui avons tout, on est pour la paix !” Je sais ce que
je dois leur crier à ceux-là : les premiers violents, les provocateurs
de toute violence, c’est vous ! »
À n’en pas douter, l’intéressé serait de nos jours « fiché S » et
publiquement menacé, aux côtés des Soulèvements de la Terre et de la
LDH, par un néomacroniste radicalisé connu sous le nom de Darmanin. Ce
député était, lui, connu sous celui de Pierre – abbé de son état.
6.
Bien sûr, Macron. Bien sûr, Darmanin. Bien sûr, la clique gouvernementale. Le premier a dit : « Je veux gagner de l’argent pour être riche avant d’entrer en politique »,
et il ne l’a pas seulement dit : il l’a fait. Le deuxième ressemble à
s’y méprendre au pétillant portrait que Marx, un jour de l’an 1871, a
composé de Thiers : « Passé maître dans la petite fripouillerie
politique, virtuose du parjure et de la trahison, rompu à tous les bas
stratagèmes […], menant une vie privée aussi infâme que sa vie publique
est méprisable – il ne peut s’empêcher […] de rehausser l’abomination de
ses actes par le ridicule de ses fanfaronnades » La troisième est un ramassis indistinct de millionnaires.
Bien sûr ceux-là, celles-là méritent la critique énergique.
Mais la critique éreinte. Et manque son objectif aussitôt qu’elle omet
de s’insérer dans une formulation positive. Macron, Darmanin et la
clique en question ne sont jamais que les visages de la « démocratie »
parlementaire capitaliste. D’autres ont agi de même avant eux ; d’autres
continueront après eux. Ne seraient-ils pas nés que la France
tournerait de la sorte. Car la prime importance en politique, c’est
l’ordre imposé – ses structures, ses institutions, son bâti.
7.
Lorsque l’élu centriste Charles de Courson devient une
figure majeure de l’opposition à l’extrême centre, quelque chose cloche.
Et ce « quelque chose » nous conduit tout droit aux dites structures.
Car Macron dégagé (à Vaduz, aux Bermudes ou aux Palaos : libre à lui),
car Darmanin écroué, l’ordre imposé, oui, restera inchangé. Il nous faut
le refondre tout entier pour rendre impossible la venue future des
Macron, des Darmanin et des millionnaires. Cette refonte structurelle ne
relève pas de quelque audace conceptuelle ou militante : l’humanité se
plaît d’ailleurs à la célébrer comme un temps singulièrement digne de
pensée, d’art et de discours – « révolution », on appelle ça. En France,
on la tient même, non sans raisons, pour sa véritable date de naissance
(c’est qu’il fallut, avant 1792, endurer l’insulte quotidienne d’être
un sujet).
Les adorateurs de l’inégalité se plaisent, sous notre ère, à
saluer les droits de l’Homme, l’abolition des privilèges et le suffrage
universel. Ils lancent même des gros avions tricolorer le ciel tous les
14 juillet et titrent un de leurs livres de campagne du mot
« révolution ». Ils saluent en somme une révolution expurgée de la
révolution. Ils louent une révolution imaginaire pour n’avoir plus à en
faire cas. Ils la décorent pour empêcher que le peuple ne la reprenne à
l’endroit où leurs aînés l’ont suspendue.
Car les privilèges, ils le savent, restent à abolir.
8.
Par révolution, il faut aujourd’hui entendre ceci, et ceci
simplement : un processus par lequel l’organisation collective de
l’existence, usuellement confisquée par une minorité argentée, devient
enfin l’affaire des gens ordinaires.
Par révolution, il faut donc entendre démocratie (sans guillemets).
L’État a 5 à 6 000 ans. Le capitalisme trois à six siècles.
Le parlementarisme trois siècles. Homo sapiens 300 000 ans. Les
adorateurs de l’inégalité jurent pourtant que le parlementarisme est le
cadre enfin trouvé, le terminus non discutable de notre espèce.
Rions franc.
9.
Tout reste à faire.
10.
On peut, dans l’espoir de rendre la vie des gens plus
vivable, s’approcher des affaires courantes (élections, propositions de
loi, recours en justice, et cætera). On peut chercher à corriger,
amender, rectifier, retoucher : on peut être réformiste. Les réformes –
les vraies – ont à l’occasion quelque sens dans le cadre en question.
Toujours ça de pris. De sauvé, de bricolé, d’arraché.
Inutile de rouler des muscles entre amis de l’égalité : la
révolution finira bien par apparaître comme la seule issue raisonnable
aux yeux des retoucheurs. Il suffit de ne pas perdre de vue qu’on
retouche l’ordre imposé comme on pomponne les feuilles d’un arbre dans
une forêt – de quoi s’épargner la déception ou l’amertume.
11.
Cet ordre n’a pas de légitimité, et cet ordre avance
actuellement sous les couleurs du macronisme. On a tout de même déniché,
aux dernières élections législatives, 11 et quelques pour cent
d’inscrits favorables à la branche macroniste du Capital. C’est
beaucoup, au regard du spectacle qu’elle nous propose, mais, rapporté à
l’ensemble de la population, ce n’est rien.
Autrement dit : ça ne vaut rien.
12.
Quand 11 % d’inscrits retiennent en otage tout un pays, le réalisme, c’est la révolution.
Quand, des années 1950 aux années 2020, l’abstention a pu
passer de 22 à 53 % et que le résultat d’un référendum a été foulé aux
pieds en 2005, la sagesse, c’est la révolution.
Quand un rapport du GIEC régional se prononce contre les
mégabassines agricoles après que les mercenaires du régime ont plongé
dans le coma un défenseur du monde vivant, le pragmatisme, c’est la
révolution.
13.
Les adorateurs de l’inégalité enserrent l’idée
révolutionnaire à ses plus sombres agissements historiques – Vendée,
Kolyma, laogai. Autant qu’eux, nous les connaissons. Nous pourrions même
ajouter : plus profondément qu’eux. C’est que nous avons, en nous, à
répondre des faits et gestes de chaque révolution de par le monde. Nous
ne dissimulons rien des loupés, des forfaitures et des crimes : ils
n’invalident pas l’idée ; ils nous convient uniquement à faire mieux. Et
nous disons, de concert, ce que ces personnes dissimulent : les deux
guerres mondiales, le recours à l’arme atomique et les boucheries
coloniales sont le fait d’élus, de libéraux, de représentants et de
parlementaires.
À quand le livre noir de nos « démocraties » ?
14.
Le peuple n’est pas considéré. La rue n’est pas considérée.
Les syndicats, fût-ce les plus dociles, ne sont pas considérés.
L’Assemblée nationale n’est pas considérée. Le monarque, ses adjoints,
ses mercenaires et ses médias continuent – ça ne s’invente pas – de
suivre leur « cheminement démocratique » contre la démocratie. Rien ne
les arrêtera ; il faut donc les arrêter.
Le cadre imposé, on l’a dit, ne le permet pas ; reste à promouvoir un autre cadre.
À le formuler positivement. À le donner partout à voir. Affirmons,
réaffirmons cette possibilité qui, de très loin, déborde la critique des
uns ou des autres, la négativité éphémère et impuissante. La tâche est à
la portée de tous, de toutes : au bar, au syndicat, au bureau, à la
machine à café, au club de sport, au piquet de grève, au jardin, au
journal, autour d’une barricade de fortune ou d’une table (et même,
curieuse activité, d’une table d’écriture...).
Passer d’un cadre à un autre passe, donc, par la prise en main
populaire de l’existence – la révolution. C’est-à-dire l’édification,
organisée, massive, méthodique et obstinée, de nouvelles structures à
même de livrer le pouvoir au peuple. En tout lieu l’espèce humaine a
nommé pareille tâche « socialisme ». Ou « communisme ». C’est du pareil
au même. La vie bonne pour le plus grand nombre, en substance.
La vie digne pour les dépourvus. La vie belle pour les démunis. La vie
juste pour les désavoués. La vie de « l’égalité sans tâche et sans
réserve ».
Il n’y a plus qu’à.
Note de P.
Les arrêter!
Certes !
Il y aura du boulot. A commencer par faire avaler à la Borne ce sourire criminel qu'elle promène devant les caméras, fière de son impunité, du moins elle s'en croit, et sa complicité avec le triste dictateur qui s'acharne à nous couvrir de son mépris de psychopathe intouchable. Et puis dénoncer les ministres fascistes et leur sale esprit pétainiste. Ils installent tranquillement une dictature, comme dans le temps les Grecs, les Portugais, les Chiliens...Il provoque parce que c'est un lâche, et sa seule force c'est qu'il a l'armée et la police avec lui. Mais que certains se réveillent.....Et retournent leurs matraques, leurs grenades, leurs fusils, comme ceux du cuirassé POTEMKINE! C'est le début de quelque chose de déguelasse, l'aboutissement de l'enfumage criminel que Macron mijotait depuis sa scandaleuse réélection. Et qui nous conduit à l'inimaginable.
A moins que le peuple Français décide de faire bloc, pour chasser les intrus criminels.
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