lundi 31 juillet 2023

Écoutons l’Afrique, d’où souffle un vent nouveau, par Franck Marsal

Mais ce que n’ont surtout pas vu, ou pas voulu voir, les commentateurs occidentaux, c’est que le fait majeur de ce sommet n’est paradoxalement pas la Russie, ni même la relation entre la Russie et l’Afrique. Le fait majeur de ce congrès, c’est l’émergence d’une nouvelle Afrique, d’une Afrique qui émerge comme facteur décisif de rang mondial, d’une Afrique qui, après avoir vaincu il y a 60 ans le colonialisme direct, se bat aujourd’hui pour vaincre le néo-colonialisme, pour éradiquer la domination culturelle, économique et politique qui avait remplacé la domination directe politique.

Voici à ce titre la manière dont un quotidien d”Alger “le carrefour d’Algérie” résume le sommet :

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Quelques leçons du Sommet Russie-Afrique

Auteur : Omar Benbekhti

Premièrement, la Russie a montré que, contrairement aux pressions et velléités de l’Occident, elle n’était pas du tout isolée à l’échelle planétaire. Deuxièmement, ses apports pour le développement des pays africains, longtemps pillés et restés sous le joug de cet Occident prédateur, étaient beaucoup plus consistants que ceux habituellement «offerts» par les institutions capitalistes néocoloniales. L’ordre assuré par le chaos tel que mis en œuvre par les puissances impérialistes, ne paie plus et ne rencontre guère l’écho escompté. La peur ne sauve pas, et contrairement au dicton de chez nous, elle n’apporte pas la paix. Il faut accepter d’affronter les difficultés de la vie, avec ses hauts et ses bas. Cela exige des prises de conscience d’abord, mais aussi et surtout une forte dose de courage. Mettre le feu partout ne saurait constituer le contenu d’une politique internationale. Or c’est bien cela que fait l’Occident: mettre le feu partout. Enfin, on aura compris qu’en géopolitique, les symboles ne sont pas anodins. Aujourd’hui, par exemple, les Etats-Unis découvrent leur visage au Sahel, en prononçant des «sanctions» inutiles, fausses et futiles à l’encontre de hauts gradés maliens: ceci démontre qu’à présent, ce sont eux qui sont à la manœuvre, car la France a failli. Mais ils seront comme au Vietnam, comme en Afghanistan, chassés et s’enfuiront dans leurs avions. Leur Rambo et ses prouesses, c’est juste valable pour Hollywood. Tout le reste c’est de l’enfumade. Quant à leurs «droits de l’homme», ils sont bien mal placés pour en parler, eux qui ont commis les pires exactions en Irak, au Vietnam et ailleurs. Les peuples ont de la mémoire ! (note de danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

Écoutons l’Afrique, d’où souffle un vent nouveau, par Franck Marsal

Il faut consulter les médias africains pour avoir les vidéos des principales interventions des chefs d’états africains au sommet Russie – Afrique de St Pétersbourg.

47 pays africains étaient représentés à ce sommet, sur les 54 que compte le continent, dont 27 représentés au plus haut niveau (chefs d’états ou de gouvernement, vice-président, président du parlement). Les médias occidentaux ont unanimement communiqué sur le nombre de “17 chefs d’états”, afin de minimiser l’événement.

 
 Saint-Pétersbourg, Russie, 27 juillet (Prensa Latina) L’Afrique est prête à travailler avec la Russie car elle est un partenaire pour tous les pays du continent, a déclaré aujourd’hui le président de l’Union africaine, Azali Assoumani, lors de la plénière du Sommet Russie-Afrique.

Les organisations continentales ou régionales africaines ont également largement participé : Union Africaine, Communauté de l’Afrique de l’Est, Autorité intergouvernementale pour le développement, Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique, Marché commun de l’Afrique orientale et australe, Communauté de développement de l’Afrique australe, Communauté économique des États de l’Afrique centrale, Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, Union du Maghreb arabe et Banque africaine d’import-export.

La guerre en Ukraine a été évidemment largement abordée, ainsi que la rupture de l’accord sur le transit en Mer Noire des céréales ukrainiennes, dont la presse française a fait largement mention. En écoutant les interventions, on obtient sur ce sujet là aussi un autre son de cloche. Ainsi, dans sa conclusion, le président sud-africain Cyril Ramaphosa rappelle que ce qui préoccupe les pays africains, c’est l’augmentation du prix des engrais, nécessaires à leur propre production de nourriture :

“Outre notre volonté de soutenir un processus de paix dans le monde entier, ce conflit nous affecte aussi directement. Comme nous vous l’avons dit la dernière fois, en ce qui concerne la sécurité alimentaire, les prix de nos engrais ont augmenté.”

Cette question des engrais est centrale pour la sécurité alimentaire mondiale et plus importante même que celle des céréales. En effet, comme l’a rappelé le capitaine Traoré (dans un discours remarqué, dont nous diffusons la vidéo ci-dessous), les céréales ne sont pas un produit majeur des traditions alimentaires africaines, saut pour les pays d’Afrique du Nord. Or, un des motifs de mécontentement majeur de la Russie ayant abouti à la rupture de l’accord sur les céréales furent la quantité d’obstacles et de sanctions mis sur la commercialisation des engrais russes et le refus du gouvernement de Kiev de remettre en service le pipeline qui permet l’exportation de l’ammoniac produit par l’usine de Togliatti en Russie.

La plupart des interventions ont remis à l’honneur le glorieux passé de l’Union Soviétique et son soutien fraternel, sincère et efficace à la souveraineté des pays africains. Pour les pays africains, et cela ressort de nombreuses interventions, la Fédération de Russie est la continuatrice, dans sa politique africaine, de l’Union Soviétique.

Mais, ce que n’ont surtout pas vu, ou pas voulu voir, les commentateurs occidentaux, c’est que le fait majeur de ce sommet n’est paradoxalement pas la Russie, ni même la relation entre la Russie et l’Afrique. Le fait majeur de ce congrès, c’est l’émergence d’une nouvelle Afrique, d’une Afrique qui émerge comme facteur décisif de rang mondial, d’une Afrique qui, après avoir vaincu il y a 60 ans le colonialisme direct, se bat aujourd’hui pour vaincre le néo-colonialisme, pour éradiquer la domination culturelle, économique et politique qui avait remplacé la domination directe politique.

Voici ce qu’en dit Cyril Ramaphosa, président de l’Afrique du Sud, première économie africaine et membre fondateur des BRICS : “Nous ne voulons plus exporter des matières premières uniquement, les ressources minières et agricoles de notre continent. Nous voulons bien exporter des produits finis avec de la valeur ajoutée. Il faut également assurer le respect de ce que nous faisons au niveau national. Il faut arrêter les pays qui ne pensent qu’à leur propre bien-être et qui ne veulent qu’exploiter les ressources naturelles de l’Afrique, comme ils l’ont fait avant. Ils ont organisé la traite des esclaves, qui venaient du continent africain. Notre relation avec le reste du monde doit être basée sur le respect mutuel. Les pays africains, comme états souverains, doivent également pouvoir mener une politique extérieure indépendante.”

Le vent de la liberté et de l’émancipation souffle à nouveau en Afrique et il est depuis plusieurs années particulièrement fort dans l’ancienne AOF, l’Afrique Occidentale Française, la partie ouest de l’ancien empire colonial français. Après le Mali, la Guinée et le Burkina Faso, c’est le Niger qui vient de tomber. Le Niger, c’est le pays, où l’armée française pensait avoir trouvé refuge pour maintenir sa présence militaire dans la région, après avoir été expulsée du Mali.

Voici à ce propos les principaux éléments de la déclaration du président de la transition malienne, Assimi Goïta :

“Convaincu que la restauration de la paix, de la sécurité et de la stabilité est la pierre angulaire de tout développement, nous avons décidé d’assumer pleinement notre responsabilité première qui est de protéger nos populations et de défendre l’intégrité de notre territoire. Ce choix stratégique intervient après une décennie de présence des forces internationales, sans résultat tangible et dont le chemin consistait à entretenir la menace sur notre territoire et à nous maintenir dans la dépendance. C’est pourquoi, dans le cadre du renforcement des forces de défense et de sécurité, le Mali a noué avec la Russie un partenariat militaire dont je tiens à saluer la fiabilité. Ainsi, avec le soutien de la Russie, le Mali retrouve progressivement sa pleine souveraineté sur l’ensemble de son territoire et nos forces de sécurité opèrent en toute autonomie et en toute liberté d’action. Les forces maliennes sont désormais dans une dynamique offensive en reprenant du terrain et réduisant de façon significative les attaques ciblant les camps militaires et les civils, permettant ainsi le retour progressif des personnes déplacées et des services sociaux de base dans plusieurs localités. (…) Comme vous le savez, la région du Sahel en général et le Mali en particulier, est en proie depuis quelques années à une crise multidimensionnelle résultant de l’intervention de l’OTAN en Libye et cela a rendu les populations encore plus vulnérables, déjà confrontées aux effets combinés des facteurs sécuritaires, socio-politiques, économiques, climatiques, environnementaux et récemment sanitaires liés aux effets de la pandémie du COVID-19. (…) L’instrumentalisation et la politisation des questions des droits de l’homme doivent cesser, de même que le système “deux poids – deux mesures” (…). Le sommet de Saint-Pétersbourg nous donne l’opportunité de tracer ensemble les contours d’un espace commun de prospérité, de stabilité et de sécurité. Il reste entendu que ce cadre rénové sera élaboré sur la base des principes de respect mutuel, des relations d’égal à égal, et des intérêts partagés au bénéfice de nos populations. M. le Président, mesdames et messieurs, la situation économique mondiale est inquiétante. En effet, selon les prévisions, l’économie mondiale serait au bord de la récession en 2023. Cependant, nous avons des motifs d’espérance et demeurons particulièrement attentifs à une alternative qui se caractérise par l’émergence des BRICS. Les pays des BRICS se hissent au premier rang de l’économie mondiale et constituent des réponses fiables pour le continent sans contrepartie hypothéquant le développement de notre continent et l’épanouissement de nos populations. Ainsi, les BRICS constituent un espoir de soustraire nos pays d’un ordre international fondé sur la domination et la marginalisation. C’est pourquoi le Mali soutient des initiatives telles que créer une banque de développement pour le financement des infrastructures ou encore offrir de nouveaux mécanismes et moyens de paiement internationaux. (…)”

Enfin, je ne vais pas retranscrire l’intervention du Capitaine Ibrahim Traoré, président de la transition du Burkina Faso.

 

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