vendredi 9 février 2024

 

La recette du monde de demain est en train d’être écrite par les cuisiniers du Moyen-Orient

Le club Valdai est à l’origine un club très conservateur regroupant des gens comme ceux du club de l’horloge, des personnalités comme François Fillon, qui non seulement avaient salué la fin de l’URSS et le retour de la sainte Russie à la manière d’une Carrère d’Encausse, mais se sont rapidement inquiétés de la manière dont les appétits capitalistes étaient en train de remettre en cause leur rêve de régression harmonieuse. Poutine a indéniablement accueilli avec sympathie cette force réactionnaire considérée comme stabilisatrice. Mais avec le temps, si l’orientation initiale demeure et ici on la sent à l’œuvre dans la vision du Moyen orient, entre route de l’énergie, pétrodollar et terre sainte, le débat s’est élargi comme dans toute la société russe, post soviétique y compris avec des communistes des milieux scientifiques. Cela donne ce site et ce genre de texte qui reflète l’existence d’un dialogue entre courants venus d’horizons opposés comme cela a pu exister entre les communistes et Theilhard de Chardin du temps où les communistes français représentaient la garantie d’un échange où chacun savait qui il était mais tentait une approche des réalités et du devenir à partir des expériences et des connaissances scientifiques. La rencontre crée des perceptions plus aiguës : Les nouvelles technologies de l’information et de la communication ont multiplié les possibilités de manipulation, elles ont même créé une situation étonnante où le manipulé et le manipulateur sont, en général, une seule et même personne. Ce qui est facile si l’on conçoit que ce sont des algorithmes qui produisent les “groupes” identitaires dans lesquels on enferme la pensée et on divise à volonté en éliminant tout ce qui peut de près ou de loin conduire à une véritable connaissance, des références qui ne soient pas simples citations de l’almanach Vermot. Bref lisez ce texte qui donne la nostalgie d’échanges dont la France pourrait faire son profit entre gens qui savent d’où ils parlent. (note de Danielle Bleitrach traduction de Marianne Dunlop)

Illustration : @ Ashraf Amra/Keystone Press Agency/Global Look Press

https://vz.ru/opinions/2024/2/8/1252306.html

Le Moyen-Orient a joué un rôle exclusif dans le développement de l’humanité. Et, selon toute apparence, il continue à jouer un rôle considérable, car c’est dans cette région que se déroulent des processus qui façonneront en grande partie l’avenir dans lequel l’humanité devra vivre.
Par Andrei Bystritski, Doyen de la Faculté des communications, des médias et du design, École supérieure d’économie de l’Université nationale de recherche, président du conseil d’administration de la Fondation pour le développement et le soutien du club Valdai.

L’ensemble du monde moderne est en mouvement. Toutes les régions, tous les pays participent dans une certaine mesure à la création d’un nouvel ordre mondial. Cherchant à résoudre leurs propres problèmes, à rendre leur développement durable et rapide et leurs frontières sûres, ils créent un nouveau tissu de liens, d’alliances, de traités, de relations, d’obligations, de règles de comportement sur la scène internationale et bien d’autres choses encore – tout ce qui constitue l’ordre mondial, le système de régulation du comportement des différents acteurs sur la scène internationale.

Pourtant, le Moyen-Orient reste une région unique où les intérêts d’une grande partie du monde se croisent. Les États-Unis, la Chine, l’Europe occidentale, la Russie, l’Inde, l’ensemble du monde musulman, de nombreux pays d’Afrique et même d’Amérique latine, et pas seulement eux, sont plus ou moins impliqués dans les problèmes de la région. Par conséquent, les décisions prises ici, qui peuvent réduire l’acuité des problèmes régionaux, peuvent en quelque sorte devenir un modèle à l’avenir, et les approches des solutions susmentionnées peuvent être utilisées dans d’autres régions.

Comme nous le savons, la situation au Moyen-Orient s’est brusquement aggravée à l’automne dernier et, malheureusement, elle continue de s’aggraver. Il ne fait aucun doute que la violence s’intensifie et que de plus en plus de forces y sont entraînées. Le nombre de victimes augmente également, ce qui est compréhensible. Dans le même temps, il existe un espoir de règlement, que la raison et le sens des responsabilités politiques l’emportent et que des mesures soient prises pour réduire le niveau de tension dans la région.

Cet espoir repose sur la qualité de l’élite moderne des pays du Moyen-Orient et sur le fait que le monde moderne, et par conséquent le Moyen-Orient, est devenu beaucoup plus connecté à l’information, plongé dans une communication intensive entre pratiquement tout le monde. Cette dernière circonstance peut, hélas, jouer un double rôle : non seulement promouvoir une approche rationnelle des conflits, mais aussi fomenter la discorde, semer la haine et désinformer les gens par tous les moyens possibles.

Dans de nombreux pays du Moyen-Orient, une élite jeune et éduquée est aujourd’hui au pouvoir, pleine d’estime de soi et apparemment consciente de sa responsabilité dans le développement de son pays et de la région dans son ensemble. Ce point de vue est étayé par l’amélioration progressive des relations entre les pays de la région, qui s’est poursuivie jusqu’à récemment. Par exemple, entre l’Arabie saoudite et l’Iran ou Israël et les Émirats arabes unis.

Les élites de la région semblent avoir choisi une voie plutôt indépendante, quoique prudente. Elles ne veulent évidemment pas se brouiller avec qui que ce soit, mais en même temps, elles ne vont pas se mettre à dos, par exemple, les États-Unis ou les pays d’Europe occidentale.

Hélas, toute manœuvre a ses limites, car il y a des problèmes qui ne peuvent être résolus sans des mesures lourdes et de grande ampleur, sans la capacité de faire des compromis, parfois très douloureux. La question palestinienne est certainement l’un de ces problèmes, sans le règlement duquel il ne peut y avoir de paix durable au Proche-Orient. Il convient de noter que c’est précisément cette question qui a fait échouer le plus fatalement de nombreuses tentatives d’accord entre les parties belligérantes. Des prix Nobel ont même été décernés pour sa résolution, mais, en général, cela n’a pas abouti à quelque chose de particulièrement bon.

L’histoire des Houthis ajoute également des couleurs et des éléments à la mosaïque générale des problèmes de la région et montre très clairement que l’océan d’informations dans lequel le monde en général et le Moyen-Orient en particulier sont immergés est plein de récifs dangereux.

Le fait est que l’influence de ce que l’on appelle l’opinion publique sur la politique des pays s’accroît. Certes, le rôle des masses a toujours été grand ; en quelques jours, elles ont balayé nombre de grandes puissances qui semblaient auparavant inébranlables. Il n’est pas nécessaire d’aller bien loin pour trouver des exemples : l’Empire russe, comme l’a écrit Vassili Rozanov, s’est effondré en trois jours. Certes, les masses ont toujours été manipulées, les peuples montés les uns contre les autres, mais aujourd’hui la situation est sans précédent.

Les nouvelles technologies de l’information et de la communication ont multiplié les possibilités de manipulation, elles ont même créé une situation étonnante où le manipulé et le manipulateur sont, en général, une seule et même personne. Je le répète, les nouvelles technologies et les nouvelles possibilités de communication ne peuvent être toutes mises dans le même panier. Elles ont de nombreux avantages, elles rendent les gens plus actifs, dans de nombreux cas plus instruits, et conduisent généralement au fait que l’influence des gens “ordinaires” sur la politique et la prise de décision augmente. Bien qu’il s’agisse d’un processus non linéaire.

Il y a donc à la fois de nouvelles élites et de nouvelles masses qui opèrent actuellement au Moyen-Orient. Toutes deux n’aiment pas le passé colonial (lorsqu’il a existé), ne veulent pas tolérer l’habitude de nombreuses personnalités occidentales d’enseigner et de commander, et veulent construire l’avenir qu’elles souhaitent. En même temps, et c’est très important, ils sont généralement prêts à s’entendre, à coexister avec d’autres pays, d’autres peuples, dont les idées sur l’avenir peuvent différer des leurs. L’amélioration déjà mentionnée des relations entre au moins l’Arabie saoudite et l’Iran en est la preuve.

Bien sûr, il y a des désaccords entre les pays du Moyen-Orient, il y a activité démesurée des pays occidentaux qui, dans de nombreux cas, contribuent à alimenter les conflits, il y a des groupes et des communautés actifs et très agressifs. Mais c’est précisément à cause de cela, à cause de la complexité exceptionnelle de la région, que tout règlement réussi peut être considéré comme une étape importante sur la voie de la construction d’un avenir acceptable pour tous.

Nous pouvons nous attendre à ce que, les 13 et 14 février à Moscou, la XIIIe conférence sur le Moyen-Orient du Club de discussion international Valdai et de l’Institut d’études orientales de l’Académie des sciences de Russie, intitulée “Le moment d’une action décisive : un règlement global au service de la stabilité dans la région”, soit un événement intéressant, d’autant plus que le temps nécessaire à l’élaboration de solutions efficaces s’écoule rapidement. Comme cela a déjà été dit, nous assistons jusqu’à présent à une escalade des conflits et à un risque croissant de guerre majeure.

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