dimanche 25 février 2024

 

Toute l'histoire est l'histoire de la lutte des classes !

24 Février 2024 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #Front historique, #Théorie immédiate, #GQ, #Russie, #États-Unis, #Mille raisons de regretter l'URSS

Les Arméniens en 1915 sur la route de la mort

Supposons un événement :

"Un homme est mort sur la route". C'est le récit d'un fait. D'un "fait divers".

Un fait divers devient un fait historique quand, par exemple : l'homme qui est mort était important, c'était un roi, un martyr d'une cause juste ou un rebelle prestigieux ; ou sa mort constitue un scandale particulier par ses circonstances ; ou sa mort nous parait particulièrement injuste ; ou ce fait est représentatif de faits semblables et innombrables qui ne doivent pas continuer ; ou ce fait va déclencher, ou va servir de prétexte au déclenchement d'autres faits qui seront d'emblée situés par leurs acteurs au rang historique. Etc.

Mais l'homme n'est pas mort matériellement dans l'histoire même , mais quelque part sur la route, et c'est la réaction sociale au fait matériel qui le place dans l'histoire ... ou le relègue dans la chronique sans fin des faits divers.

L'histoire est donc un récit social qui s'appuie sur les faits, qui constitue leur vérité historique en les extrayant de leur chronique infinie, ou au contraire les y laisse à la mémoire puis à l'oubli.

Aussi, on peut se souvenir que Kojève, le philosophe hégélien libéral avait dit : "en mai 1968? il ne s'est rien passé, il n'y a pas eu de morts" (mais pourtant si, deux ouvriers de Sochaux, un étudiant maoïste à l'usine Renault de Flin ... Kojève ayant décidé de les laisser à l'oubli). Certains types de faits interpellent directement l'histoire, et la mort prématurée et violente notamment. Mais la plupart des morts de l'actualité meurt une deuxième fois dans les vingt-quatre heures.

D'autre part, comme Marx et Engels l'annoncent dès la première ligne du Manifeste du Parti communiste, toute l'histoire jusqu'à nos jours est celle de la lutte des classes. Il y a beaucoup de faits qui se sont produits dans le passé, et de faits importants, qui ne relèvent pas de la lutte des classes, mais ils ne seront pas alors des faits historiques selon notre conception.

Le processus d'extraction, de sélection et d'édition des faits dans le récit historique annoncé, commémoré et enseigné est étroitement lié à la lutte des classes, mais de manière confuse, obscure, déformée dans le domaine de l'idéologie. Nous, intellectuels révolutionnaires, notre rôle critique est de rétablir cette liaison dans la conscience.

Ce processus est réversible : princes, martyrs, rebelles, écrivent leurs noms sur le sable. J'ai eu la surprise il y a quelques temps d'entendre remettre en cause, par un historien ( qui se disait communiste par dessus le marché !), le fait même de l'existence de Spartacus ! Le contenu de l'histoire est aussi un enjeu de la lutte des classes (d'où l'existence, sur Réveil Communiste, d'une rubrique "front historique").

Le but de l'historiographie bourgeoise est de faire régresser l'histoire de la révolution prolétarienne, et celle de l'Union Soviétique, au rang de simples faits divers, de l'ordre du crime organisé, du meurtre de masse, du meurtre en série, ou de la catastrophe naturelle, ou de tout cela à la fois.

Parfois on veut objectiver le caractère historique des faits par leur ordre de grandeur, par le nombre : plus d'un million d'hommes ( et de femmes, et d'enfants) sont morts sur la route en Arménie, en 1915. Mais même dans ce cas il y a eu un choix. Les Arméniens malgré leur grand nombre n'ont été extraits que tardivement de la catégorie du fait de hasard ou d'infortune. Ils ne sont même pas comptabilisés habituellement dans les manuels scolaires dans le bilan de la Première Guerre Mondiale, grand épisode de lutte des classes s'il en fut jamais.

Incidemment, la phrase attribuée à Staline, "la mort d'un homme est une tragédie, celle d'un million d'hommes n'est qu'une statistique", est apocryphe. Il ne l'a jamais prononcée.

Les terroristes cherchent à s'objectiver dans l'histoire par la cruauté de leurs actes et le nombre de leurs victimes. Mais ni eux-même ni leurs victimes n'y entrent réellement. Le "Onze Septembre" , quels que soient les fauteurs des attentats, reste un fait divers spectaculaire qui n'entre dans l'histoire que par le biais de son utilisation diplomatique par les États-Unis pour revendiquer le droit d'intervention universel et donc, de facto, l'Empire mondial.

L'écriture de l'histoire (et sa représentation par des images) a toujours été un enjeu de l'histoire elle-même, et elle est devenue de nos jours un de ses principaux champs d'affrontement, puisqu'il n'est plus réellement possible à cause de l'arme nucléaire d'aller à l'affrontement ultime sur le champ de bataille - jusqu'à la guerre d'Ukraine, qui a peut être modifié les choses sur ce point : puisque le discours de propagande de l'Empire ne suffit pas, il revient à la guerre réelle.

L'histoire écrite par la bourgeoisie est une science sans conscience. C'est une apparence d'histoire et une histoire de l'apparence. Ça tourne en rond. Les marxistes le savent. Mais ce qu'ils ne savent pas toujours, c'est qu'ils sont devenus du même coup les seuls dépositaires de la conscience, les seuls qui restent dans le monde, et c'est un fardeau imprévu pour les matérialistes qu'ils sont.

Sa dernière adresse connue était à Moscou, au milieu du siècle dernier, et depuis, certains la cherchent encore.

G.Q.

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