Comment les médias occidentaux rapportent un massacre israélien
Par Caitlin Johnstone Agora Vox
Source : caitlinjohnst.one, 1er mars 2024
Traduction : lecridespeuples.fr (Substack)
Dans ce que beaucoup appellent désormais le « massacre de la farine », au moins 112 habitants de Gaza ont été tués et des centaines d'autres blessés après que les forces israéliennes ont ouvert le feu sur des civils qui attendaient de la nourriture dans des camions d'aide indispensables, près de la ville de Gaza, jeudi.
Les premières enquêtes menées par l'Observatoire Euro-Med des droits de l'homme ont révélé que la foule avait été la cible de tirs de fusils automatiques des forces d'occupation israéliennes et de chars israéliens, et que des dizaines de blessés par balle avaient été hospitalisés après l'incident.
La version israélienne des événements a bien sûr changé au cours de la journée, les responsables de la gestion des récits cherchant le meilleur moyen d'encadrer les informations accessibles au public d'une manière qui ne nuise pas aux intérêts d'Israël en matière de relations publiques. Actuellement, Israël admet que ses troupes ont effectivement tiré sur la foule après l'avoir nié précédemment, mais affirme que ce n'est pas ce qui a causé la plupart des victimes, disant que ce sont en fait les Palestiniens qui se sont piétinés les uns les autres dans une « bousculade » humaine qui les a mis en péril. En substance, l'argument actuel est le suivant : « Oui, nous leur avons tiré dessus, mais ce n'est pas pour cela qu'ils sont morts ».
Les forces israéliennes prétendent que les troupes israéliennes n'ont commencé à tirer sur les Palestiniens que parce que les soldats « se sentaient menacés » par eux, ce qui prouve qu'il n'y a aucune atrocité qu'Israël pourrait commettre sans se présenter comme la victime. Le ministre israélien de la sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, a profité de l'occasion pour féliciter l'armée israélienne d'avoir héroïquement repoussé les dangereux Palestiniens et pour affirmer que l'incident prouve qu'il est trop dangereux de continuer à autoriser l'entrée de camions d'aide dans la bande de Gaza.
Aussi terrible qu'ait été la machine à manipuler israélienne sur cette atrocité, les médias impériaux occidentaux ont été encore pires. La gymnastique verbale à laquelle ils se sont livrés dans leurs titres pour éviter de dire qu'Israël a massacré des personnes affamées qui attendaient de la nourriture serait réellement admirable si elle n'était pas aussi macabre.
« Alors que les habitants de Gaza affamés se pressent autour d'un convoi, un écrasement de corps, des coups de feu israéliens et un bilan meurtrier », peut-on lire dans un titre du New York Times, comme le résumé d'un épisode d'une série policière de Netflix.
« Une livraison d'aide chaotique devient mortelle alors que les responsables israéliens et gazaouis s'accusent mutuellement », indique un titre indéchiffrable du Washington Post.
« Biden déclare que les morts liées à l'aide alimentaire à Gaza compliquent les pourparlers sur le cessez-le-feu », affirme The Guardian. Des « morts liées à l'aide alimentaire » ? Sérieusement ?
« Plus d'une centaine de personnes ont été tuées alors que la foule attendait de l'aide, selon le ministère de la santé dirigé par le Hamas », titre la BBC. Le radiodiffuseur public britannique utilise ici une tactique éprouvée pour jeter le doute sur les chiffres des décès en les associant délibérément au Hamas, bien que les chiffres des décès du ministère de la santé de Gaza soient considérés comme si fiables que les services de renseignement israéliens les utilisent dans leurs propres dossiers internes.
« Au moins 100 morts et 700 blessés dans un incident chaotique », rapporte CNN, comme s'il s'agissait d'une fête étudiante qui aurait échappé à tout contrôle.
« Carnage sur le site d'aide alimentaire de Gaza au milieu des tirs israéliens », lit-on dans un autre titre de CNN, comme si le carnage et les tirs israéliens étaient deux phénomènes sans rapport l'un avec l'autre, mais qui, par malchance, se sont produits à peu près au même moment.
CNN fait également référence à plusieurs reprises aux meurtres en tant que « morts de l'aide alimentaire », comme si c'était l'aide alimentaire (ou son absence) qui les avait tués et non les militaires d'une puissance étatique très spécifique et très facile à nommer.
(Il est probablement utile de noter à ce stade que le personnel de CNN a rapporté anonymement, par le biais d'autres médias, qu'il y a eu une pression unique et agressive au sein de la chaîne pour biaiser les reportages en faveur des intérêts israéliens en matière d'information, principalement sous l'impulsion du nouveau PDG Mark Thompson).
Les médias français ne sont pas en reste, le mot « massacre » étant banni, de même que la moindre imputation de responsabilité à l'armée israélienne :
A Gaza, des dizaines de morts lors d’une distribution d’aide alimentaire, selon le Hamas (Le Monde)
Une distribution d’aide alimentaire tourne au chaos dans la bande de Gaza et Gaza : la meurtrière distribution de nourriture (BFM TV, dont un autre reportage est titré Distribution d'aide meurtrière à Gaza : « Le Hamas veut prendre d'assaut l'aide humanitaire, la contrôler et la vendre" affirme le porte-parole de l'armée israélienne », suggérant de manière ignoble que les morts seraient des combattants du Hamas qui voulaient priver la population de Gaza de secours)
Bande de Gaza : des dizaines de morts lors d'une distribution d'aide alimentaire (France Info)
Fusillade à Gaza : 100 morts lors d'une distribution alimentaire (RTL)
Plus de 100 morts à Gaza après l’arrivée d’un convoi d’aide humanitaire (Courrier International)
Plus de 100 morts à Gaza, alors que s'effectuait une distribution d'aide alimentaire (Radio France)
Gaza : une distribution d’aide alimentaire vire au drame (C à vous)
Des dizaines de morts lors d'une distribution alimentaire à Gaza, Israël ni sa responsabilité (Le Parisien, dont la première phrase de description dément le titre : « L’armée israélienne a reconnu avoir tiré sur une foule rassemblée près de camions d’aide humanitaire ce jeudi. »
Sauvant l'honneur de la presse française, L'Humanité titre : Guerre à Gaza : l’armée israélienne tire sur une distribution alimentaire, faisant plus de 100 morts
Voilà donc ce qui se passe lorsque les médias impériaux rendent compte d'un massacre israélien, au cas où vous seriez curieux et n'auriez pas prêté attention depuis le 7 octobre ou les décennies qui l'ont précédé. Les services de propagande de la presse occidentale opèrent d'une manière qu'il est généralement impossible de distinguer des stratégies de communication et de manipulation déployées par les responsables et porte-parole des gouvernements occidentaux, en présentant l'empire occidental et ses alliés sous un jour positif et ses ennemis sous un jour négatif.
Cela est dû au fait que les médias occidentaux n'existent pas pour rapporter les nouvelles et vous donner des informations sur ce qui se passe dans le monde, mais pour fabriquer un consentement au statu quo politique et à la structure de pouvoir dominante qu'il soutient. La seule différence entre notre propagande et celle d'une dictature impitoyable est que les personnes qui vivent sous une dictature savent qu'elles sont nourries de propagande, alors que les Occidentaux sont formés à croire qu'ils ingèrent des informations factuelles impartiales.
Voir Menaces israéliennes de guerre contre le Liban : la réponse de Nasrallah
La destruction de Gaza sensibilise de plus en plus d'Occidentaux à cette réalité, car plus les atrocités sont flagrantes, plus la machine de propagande doit se montrer maladroite pour les couvrir. Cela ouvre même les yeux au sein de l'appareil de propagande lui-même, ce qui explique que des employés de CNN dénoncent leur propre PDG et que des employés du New York Times déclarent à The Intercept que leurs patrons ont commis une faute professionnelle journalistique extrêmement grave en produisant une propagande d'atrocités alléguant des viols massifs commis par le Hamas le 7 octobre.
Le seul point positif de ce qui se passe à Gaza est que les Occidentaux se rendent compte que tout ce qu'on leur a dit sur leur société, leurs médias et leur monde n'est que mensonge. Des fissures apparaissent dans l'illusion, et ceux d'entre nous qui se soucient de la vérité, de la paix et de la justice doivent contribuer à attirer l'attention sur ces fissures. À partir de là, un véritable changement devient une véritable possibilité.
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