lundi 17 juin 2024

 

Le programme du RN c’est alléchant. C’est quand on goûte que ça pique

Le projet du Rassemblement national semble très favorable à ceux, nombreux, qui rencontrent de plus en plus de difficultés dans leur vie quotidienne, se sentent abandonnés et fragilisés par la société, de plus en plus exposés, eux et leurs enfants, à l'insécurité et à l'incertitude.

Parmi les nombreuses mesures annoncées, on peut citer entre autres la réindexation des retraites, l'augmentation des petites retraites, la revalorisation du minimum vieillesse, l'aide aux handicapés et aux proches aidants, la création d'urgences gériatriques, la lutte contre les déserts médicaux, une hausse des salaires de 10 %, la revalorisation des salaires des personnels soignants et des enseignants, une baisse de la TVA sur les produits énergétiques, le doublement du nombre de magistrats, la construction de 100 000 logements sociaux par an, l'aide à la réhabilitation de l’habitat ancien, la diminution des impôts des ménages...

Quand on fait le bilan de toutes les mesures impactant les recettes et dépenses sociales ou publiques (voir le détail plus bas), on trouve 26 mesures parmi celles listées augmentant les dépenses sociales ou publiques, ce qui est très positif. On trouve aussi 10 mesures diminuant les recettes sociales ou publiques au profit des ménages et des entreprises. Ces éléments du projet sont donc très alléchants, les ménages et secondairement les entreprises sont gagnantes, ce qui explique sans doute en grande partie le succès de Jordan Bardella aux dernières élections européennes.

Comment sont financées ces 43 promesses alléchantes ?

La très grande majorité (36) des mesures proposées augmentent les dépenses sociales et publiques et diminuent les recettes correspondantes, tandis qu'une petite minorité (7) de mesures diminuent les dépenses et augmentent les recettes. Une part importante de ces dernières mesures visent à exclure les étrangers de la protection sociale.

On trouve au cœur du programme du RN la baisse massive des recettes des assurances sociales (suppression des cotisations des entreprises notamment) et la baisse massives des recettes publiques, au profit des citoyens riches et des entreprises. Or on ne peut financer pour tous nos enfants une école de qualité de la maternelle à l'université, un hôpital qui soigne chacun de nous, une justice qui fonctionne bien, une police qui nous protège et des services publics dans les zones rurales avec moins de recettes. Les mesures alléchantes sont donc très loin d'être financées.

 

Le projet du RN : rupture ou continuité ?

Le projet du RN se situe ainsi dans la ligne des politiques menées depuis 10 ou 20 ans, avec une baisse continue des recettes publiques et sociales justifiant l'abandon progressif des services publics et de la couverture sociale. Comme on l'a dit de Macron, les promesses du RN n'engageront que ceux qui y croient. En effet, comment financer plus avec moins ? Tous ceux qui auront cru aux promesses alléchantes du RN risquent de se retrouver avec encore moins de services publics, avec encore moins de protection sociale pour eux-mêmes et leurs enfants. Difficultés, abandon, insécurité et incertitude ne feront que croître, à rebours des promesses alléchantes.

Les immigrés, que font-ils, que coûtent-ils ?

Tout reposerait alors sur l'exclusion des ménages étrangers de leurs droits sociaux et la restriction drastique de l'immigration. C’est d’ailleurs la suppression des droits sociaux des uns qui est censée financer les quelques mesures sociales pour les autres. Les étrangers immigrés seraient la cause de l'abandon de la plupart des Français, de leur insécurité sociale. Or, les étrangers font les travaux les plus durs et les moins bien payés, ils formaient l'essentiels de ceux qui ont continué à travailler durant la crise sanitaire pour continuer à apporter les services indispensables à la vie quotidienne (éboueurs, aides-soignantes, médecins étrangers, caissières, livreurs...). Sans eux, que serions-nous devenus ? Sans eux qui feraient les travaux les plus durs ? En outre, ils cotisent plus à la Sécurité sociale et au budget de l'État qu'ils ne leur coûtent, quoiqu'en disent certains.

En outre, sont-ils responsables de la baisse des recettes publiques et sociales ? De l'abandon des services publics ? De l'enrichissement extraordinaire des 1 % les plus riches au détriment de tous les autres qui voient leur condition de vie se dégrader ?

Rompre l'égalité de traitement entre Français et étrangers, c'est rompre l’égalité de traitement entre enfants au sein d’une même école, entre malades à l'hôpital ou entre salariés d’une même entreprise. C'est hiérarchiser la société encore plus qu'elle ne l'est, entre les bons et les autres. C'est la diviser encore plus. Demain, on bannira les étrangers, et après demain on bannira les Français les plus faibles ou les moins performants, pour le motif qu’ils coûtent... Non seulement ceux qui auront voté RN auront moins de services publics, mais une grande partie d'entre eux se trouveront stigmatisés pour une raison ou une autre : deux fois victimes.

Dans un tel climat d’exclusion, comment peut-on espérer avoir une société apaisée ? C'est construire une société encore bien plus violente qu'actuellement, bien plus divisée. Or notre force, c'est notre solidarité, c'est réduire les inégalités autant que possible, apaiser la société. Notre société en a bien besoin après tant d'années de gouvernement au bénéfice des immensément riches.

 Jean Luc Picard-Bachelerie   Agora Vox

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