lundi 15 juin 2020

BFM TV et Cie détestent les Gilets jaunes
mais adorent le Comité Adama Traoré
par Dominique Muselet

lundi 15 juin 2020, par Comité Valmy «  Extraits  de l’article de Dominique Muselet»

Pourquoi les médias sont-ils en extase
devant le comité de soutien à Adama Traoré ?

Il y a évidemment la fascination qu’opère la rédemption sur le commun des mortels. Voilà une famille dont les mauvaises langues prétendent qu’elle est composée d’un père, de quatre mères et de 17 enfants, dont 5 seraient des délinquants qui feraient régner la terreur dans certains quartiers, et qui, tout à coup, frappée par la tragédie, se convertit à ce qu’il y a de plus beau au monde aux yeux de médias, puisque ça nous vient des Etats-Unis, l’empire voyou du bien, et que ça arrange le gouvernement qui veut faire oublier sa gestion calamiteuse de la crise sanitaire et la cure de précarité qu’il nous concocte, je veux bien sûr parler de l’antiracisme. Une cause qui semble même avoir dépassé en beauté, en vertu, en urgence, et même en popularité, l’antisémitisme. Ce n’était pas gagné !
Loin de moi l’idée de me moquer de la rédemption, de l’antiracisme ou de l’antisémitisme, encore plus loin de moi l’idée de nier la douleur de perdre un être cher et la grandeur du combat pour la justice et la vérité.
C’est juste que tous les ingrédients sont réunis pour que les médias s’emballent. Et quand les médias s’emballent, tout devient possible. On a vu comment, aidés par la science, ils ont terrorisé toute la planète avec la pandémie du coronavirus, au point de nous faire tous enfermer pendant deux mois, de décourager les familles de renvoyer leurs enfants à l’école, de causer la faillite de centaines de petites entreprises et commerces, d’appauvrir toujours plus la population.
Le seul obstacle à leur adhésion totale et inconditionnelle au Comité Adama Traoré, c’est la police. Hélas, la police ne partage pas leur engouement pour la famille Traoré, ni leur foi du charbonnier dans sa rédemption. La police est méfiante par nature et le récent lâchage de son ministre l’a rendue plus méfiance encore. De plus, ce ne sont pas les simples policiers qui ont décidé de la militarisation de la police sous l’égide d’Israël qui a acquis, en plus de 50 ans de répression barbare des Palestiniens, une expertise reconnue par tous les pouvoirs policiers dans le domaine de la guerre contre son propre peuple. Ils n’ont pas non plus décidé de la nouvelle doctrine du maintien de l’ordre. On comprend qu’ils n’aient pas envie de servir de boucs émissaires à ce pouvoir en perdition.
Les médias qui ont soutenue aveuglément la police malgré toutes les exactions qu’elle a commises, avec la bénédiction de sa hiérarchie et de la justice, contre les gilets jaunes et dans les banlieues, ne peuvent pas se permettre de se fâcher avec elle. La sécurité est leur fonds de commerce et il y a une marge entre jouer avec le feu de la délinquance et se priver de ses sources dans la police. Que feraient-ils de leurs innombrables consultants justice police ?
Heureusement, les médias sont passés maîtres dans l’art de dire une chose et son contraire, de soutenir tous les camps (sauf les gilets jaunes), de ménager la chèvre et le chou, de critiquer, dénoncer, reprocher, mais pas trop, quitte à nier la réalité, à l’instar de la Macronie qui, fidèle à sa doctrine du en même temps, a choisi de « laisser manifester mais pas trop » comme l’explique avec un demi-sourire un policier du syndicat Unité SGP.
Et donc, les présentateurs tentent de se maintenir sur le fil du rasoir et de ne contrarier ni Assa Traoré, ni la police. Vont-ils faire un faux-pas ? Le suspense est grand. «  Tout de même, on a envie d’avoir une police irréprochable », entend-on avec stupeur un commentateur de BFM TV dire à un syndicaliste de la police. Comment la police n’est pas irréprochable ? BFM TV ne nous a-t-il pas toujours affirmé que les Gilets jaunes étaient les seuls responsables de leurs malheurs ?
Si seulement les médias étaient aussi irréprochables qu’ils demandent à la police de l’être !
Sur le coup de 19 heures, juste au moment où on avait enfin trouvé sur les plateaux un bouc émissaire qui mettait tout le monde d’accord, la police, le comité Traoré et les médias, à savoir la justice, sa lenteur, ses ratés et son deux poids deux mesures, le Juge des référés du Conseil d’état, ayant sans doute pris en pitié les pouvoirs en place et leurs porte-paroles médiatiques, a fait cesser le suspense, en décidant de suspendre l’interdiction générale absolue de manifester sur la voie publique. Ouf, il était temps. Ça devenait vraiment casse-gueule ! Même Macron aurait eu du mal à expliquer, pendant son allocution solennelle (enregistrée et retransmise) de dimanche soir, pourquoi on ne pouvait pas se réunir à 10 pour un mariage mais qu’on pouvait se réunir à 15 000 pour une manif de soutien à Adama Traoré.

À la différence des Gilets jaunes, le mouvement antiraciste ne menace pas le pouvoir

La seconde raison pour laquelle les médias adorent la famille Traoré et haïssent les Gilets jaunes, c’est parce que la famille Traoré, qui demande un procès équitable au nom de l’antiracisme en se réclamant de Black Lives matter, ne menace pas le pouvoir en place.
Ce n’est pas un mouvement social, à la différence des Gilets jaunes, comme Yves Veyrier l’a très bien dit sur LCI : « Un mouvement social a des revendications sur les salaires, les retraites, le chômage, là, non ». Le mouvement des Gilets jaunes était subversif. Il voulait que le peuple reprenne le pouvoir pour construire une société plus égalitaire et plus libre. Il s’attaquait pèle-mêle au capitalisme, à l’UE, à l’impérialisme, aux privilèges, aux actionnaires, aux banques, à Macron. Les luttes syndicales contre les réformes libérales sont elles aussi de moins en moins tolérées et de plus en plus durement réprimées.
Mais Black Lives matter, dont s’inspire le Comité Adama Traoré, s’accommode très bien du capitalisme et de l’ordre social établi, ainsi que nous l’explique Paul Street dans un article tout à fait passionnant intitulé : Qu’est-ce que les Black Panthers penseraient de Black Lives Matter ?  : «  Black Lives Matter fondé par trois militantes professionnelles des associations à but non lucratif et de la collecte de fonds (Garza, Cullors et Opal Tometi) ayant depuis longtemps des « liens étroits avec des entreprises, des fondations, des universités et des agences gouvernementales » – ne représente aucune menace similaire aux Black Panthers envers l’ordre établi … Il n’appelle pas à une large rébellion populaire contre les structures d’oppression combinées et interconnectées du racisme, du capitalisme, de l’impérialisme et du patriarcat. »
D’ailleurs, en août 2016, BLM a « obtenu 100 millions de dollars de la Fondation Ford et d’autres philanthro-capitalistes d’élite (dont la Fondation Hill-Snowden, la Fondation NoVo, Solidaire, JPMorgan Chase et la Fondation Kellogg) ». Dis-moi qui te finance et je te dirai qui tu es…
Croyez-vous vraiment que BFM TV, Castaner, les démocrates étasuniens et tous les progressistes occidentaux qui peuplent les allées du pouvoir encenseraient les manifestants comme ils le font et leur déclareraient allégeance en pliant le genou devant eux, si leur mouvement était véritablement révolutionnaire, au lieu de n’être qu’un mouvement « progressiste, rempli des dernières et meilleures idées libérales et sociales-démocrates pour créer un capitalisme américain plus juste, plus inclusif, plus démocratique et plus durable sur le plan social, économique et racial. »
Rien à voir avec les black panthers, comme l’explique encore Paul Street : « Nous croyons », écrivait en 1969 le ministre de l’Information des Panthers, Eldridge Cleaver, « à la nécessité d’un mouvement révolutionnaire unifié … informé par les principes révolutionnaires du socialisme scientifique. » Formés par de jeunes intellectuels noirs qui avaient lu Marx, Lénine, Mao, W.E.B. Du Bois, Malcom X et Frantz Fanon, les Panthers avaient fusionné le nationalisme noir avec le marxisme dans une opposition militante à tous les maux cités par King, en accord avec sa conclusion selon laquelle la « vraie question à affronter » au-delà des questions « superficielles » était « la reconstruction radicale de la société elle-même ».
La solution, selon les Panthers, était la révolution, une transformation de toute la société, à réaliser en combinant les forces des « prolétariats » noir, brun, jaune, rouge et blanc en opposition à l’empire capitaliste et raciste américain. Cette idée était le « Black Power » mais aussi et, plus largement, le « Power to the People » (« Pouvoir pour le peuple »). Comme l’a expliqué le jeune et légendaire Black Panther de Chicago Fred Hampton dans un discours prononcé en 1969 :
Nous devons faire face à certains faits. Que les masses sont pauvres, que les masses appartiennent à ce que vous appelez la classe inférieure, et quand je parle des masses, je parle des masses blanches, je parle des masses noires, et des masses brunes, et des masses jaunes aussi. Nous devons admettre que certains disent que le feu est le meilleur moyen de combattre le feu, mais nous disons que l’eau est le meilleur moyen d’éteindre le feu. Nous disons qu’on ne combat pas le racisme par le racisme. Nous allons combattre le racisme par la solidarité. Nous disons qu’on ne combat pas le capitalisme en rejetant le capitalisme noir, mais qu’on combat le capitalisme par le socialisme. »
Les Panthers, comme les Gilets jaunes, comme les Communards, comme tous ceux qui remettent en cause les fondements du capitalisme et le pouvoir de la bourgeoisie, ont fait, font et feront toujours face à une répression féroce, c’est même à cela qu’on les reconnait.
Dominique Muselet
15 juin 2020

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