La France reconnaît qu'un gendarme a été tué par l'uranium appauvri suite à une mission au Kosovo.
Le capitaine de Gendarmerie Henri Friconneau vient d'être reconnu “Mort pour la France” à la suite d'une longue procédure menée par sa femme
Le capitaine de Gendarmerie Henri Friconneau vient d'être reconnu “Mort pour la France” à la suite d'une longue procédure menée par sa femme
La
maladie emportera Henri Friconneau en quelques mois. Le départ d’un
combat judiciaire de longue haleine pour Laurette afin d’obtenir une
pension de veuve de victime de guerre. L’armée la lui refuse une
première fois après la mort de son mari, détenteur de la croix de
chevalier de l’ordre national du Mérite. Selon Marianne,
l’armée lui écrit un bref courrier afin de lui signifier que «la preuve
au service du décès des suites d’un angiosarcome n’a pas été apportée».
Il
faudra attendre le 21 juin 2019 pour que la cour d’appel de Rennes
donne raison à la veuve, après que cette dernière a tout mis en œuvre
pour constituer un solide dossier, regroupant notamment le calendrier
des bombardements, des études épidémiologiques montrant l’augmentation
des cancers dans la région de Mitrovica et le témoignage d’un expert
scientifique.
«La cour a repris nos arguments en reconnaissant un lien de causalité entre ce type d’exposition et un théâtre de guerre», expliquait Me Rachet-Darfeuille, conseil de Laurette Friconneau, citée par Marianne.
Dusan
Gujanicic, chercheur à l’Institut des études politiques de Belgrade,
souligne que l’affaire Friconneau représente le premier cas du genre qui
obtient une certaine médiatisation en France. De quoi donner des idées
aux familles d’autres militaires français décédés de cancer dont
l’exposition à l’uranium appauvri au Kosovo pourrait être la cause?
«En ce qui concerne les citoyens français, il nous reste à suivre l’évolution de la situation. Je ne saurais préciser le nombre de ceux qui pourraient tenter de porter plainte, mais je n’exclus pas quelque chose de ce genre dans un avenir prévisible», explique l’expert au micro de Sputnik.
Reste
que d’après Dusan Gujanicic, il est peu probable que le nombre de
plaintes qui pourraient être déposées en France dépasse celui de
l’Italie. En mars 2017, le quotidien italien Corriere della Serra rappelait que de nombreuses familles italiennes se battaient contre l’État.
À l’instar de Laurette Friconneau, elles souhaitent faire reconnaître
que la mort de nombreux soldats était liée à leur exposition à l’uranium
appauvri sur les théâtres de conflit, notamment au Kosovo.
Une décision de justice qui va remettre lumière l’affaire de l’UA?
Le
quotidien le plus diffusé de la Botte soulignait notamment la mort le
22 décembre 2015 de Gianluca Danise, membre de l’armée de l’air
italienne, des suites d’un cancer que lui et sa famille imputent à son
exposition à l’uranium appauvri. Gianluca Danise a notamment servi au
Kosovo. Avant sa mort, le vétéran de l’armée de l’air tenait un journal
en ligne qui avait ému une partie de l’Italie et mis en lumière la
problématique des soldats exposés à ce matériau de la mort.
«J’ai peur de mourir et de ne pas pouvoir donner un avenir à ma femme et ma fille […] J’ai peur de mourir avant d’avoir eu gain de cause face à la maudite bureaucratie militaire et civile…», y écrivait-il.
Gianluca Danise faisait également part du manque d’information et de protection des soldats italiens déployés au Kosovo:
«Nous avons vu les Américains et nous nous sommes demandé pourquoi ils marchaient équipés comme ça. Ils ressemblaient à des martiens. Ils ressemblaient à des personnages de ces films de type “Virus”», racontait Gianluca Danise.
«Ils
avaient de l’équipement pour manipuler des matériaux que nous n’avions
pas. Nous ne nous sommes jamais demandé pourquoi ils étaient si équipés,
nous avons pensé qu’ils exagéraient. Après le Kosovo, à mon retour de
la deuxième mission que j’ai effectuée en Érythrée, j’ai commencé à lire
les journaux et mon sang a gelé. C’était le moment où nous avons
commencé à parler d’uranium appauvri. J’espérais ne pas être parmi les
malheureux. Au lieu de cela, en 2010, cela m’a aussi touché. Tout a
commencé par un mal d’oreille et ma vie a été bouleversée», détaillait
le soldat transalpin.
Dusan
Gujanicic explique que les soldats italiens ont davantage été touchés
que leurs homologues français, car ces derniers servaient dans le nord
de Mitrovica, alors que les Italiens étaient stationnés à Metohija, à la
frontière avec l’Albanie, la région la plus intensément bombardée à
l’uranium appauvri.
© AFP 2020 JOEL SAGETLe
chercheur de l’Institut des études politiques de Belgrade espère que la
victoire juridique de Laurette Friconneau fera bouger les choses:
«Vu que le procès est gagné, la balle est maintenant dans le camp de notre État et de notre diplomatie. Il leur faut s’y consacrer pour expliquer au monde entier que ce qui s’était produit en Yougoslavie était une authentique catastrophe humanitaire. Toutes les organisations serbes susceptibles d’influer sur l’évolution de la situation devraient participer à cette campagne.»
L’expert
souhaite que son pays «promeuve» la vérité dans les milieux publics
français et en appelle au rôle des médias. Belgrade doit selon lui
encourager les familles de militaires français touchés à saisir la
justice afin que la France accorde une attention de plus en plus
sérieuse à la cette catastrophe humanitaire.
Si
Dusan Gujanicic est persuadé que le verdict de la cour d’appel de
Rennes peut poser un fondement légitime dans la lutte pour la
reconnaissance des dégâts causés par l’uranium appauvri, il sait que le
combat est loin d’être gagné:
«C’est une lutte prolongée, exténuante, ne promettant pas de résultats immédiats. Il ne faut pas sous-estimer l’opposition de certaines structures étatiques et paraétatiques, à laquelle se sont heurtées les familles des militaires italiens: plusieurs d’entre elles ont raconté avoir subi des pressions et avoir été intimidées par les autorités.»
Malgré
les dangers représentés par son utilisation, les munitions à l’uranium
appauvri ne sont toujours pas formellement interdites au niveau
international et continuent d’être utilisées sur les théâtres de conflit
à travers le globe.
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