Les applaudissements à 20h ont disparu, tout comme la reconnaissance de l’État pour le personnel soignant
Publié le 10/06/2020 à 17:25
Marie
Garcin déplore que malgré la pandémie, le gouvernement ne pense
toujours pas sérieusement à revaloriser les métiers hospitaliers.
Alors que la vie a repris son cours presque normal, que le fléau du Covid-19
disparaît progressivement de nos consciences et fort heureusement de
nos chairs, et que les portes de nos CHU et Ehpad s’ouvrent à nouveau,
ce qui était redouté se produit : la reconnaissance de l’État, passée
l’émotion de tout un pays, s’évanouit.
Ne pas oublier les soignants
Rappelez-vous
quand chaque soir, vous vous rassembliez pour nous applaudir à 20h pour
nous manifester votre soutien au titre de notre effort de guerre. Vous
célébriez notre bravoure à panser inlassablement vos plaies et répondre à
vos craintes. Le président de la République nous réserva même lors de
ses allocutions solennelles quelques belles tirades pour nous remercier,
nous les soignants, vos "héros en blouse blanche". Vos héros d’une
drôle de guerre en temps de paix, sans armes pour combattre ni général
pour nous guider dans le brouillard de l’incertitude. Bien que
l’accalmie qui suit le combat intense soit revenue, que l’espoir
renaisse et que nos cafés se remplissent avec cette légèreté si
caractéristique de notre façon de vivre, il ne faut pas rester sourd et
aveugle à cette colère des soignants qui elle augmente, gronde, rugit et
risque de s’intensifier.
Le mobile ? Le caractère profondément
inégal du versement de cette prime exceptionnelle aux soignants précisée
le 15 mai dernier. Selon les départements, les personnels de santé vont
percevoir une prime d’un montant de 500 ou de 1.500 euros, sur le
fondement d’une classification élaborée de manière arbitraire par
l’administration d’État. L’unité du territoire qui a gouverné lors des
différentes phases de déconfinement aurait-elle comme limite une
reconnaissance de nos personnels soignants à géographie variable ?
Nous avons été tous égaux face à la Covid-19 et avons lutté de concert
Nous
nous interrogeons sur cette différence de traitement : signifie-t-elle
que notre abnégation a été fluctuante selon les établissements ?
Signifie-t-elle que nos sacrifices ont été aléatoires selon les
territoires ? Signifie-t-elle que nos efforts ont été d’une inégale
intensité face à l’intensité ? Nous dénonçons cette forme d’injustice
puisque notre engagement pour faire reculer l’ennemi invisible a été
plein et entier à chaque instant, nonobstant la localisation de la ligne
de front, qu’elle ait été dans un Ehpad de Châteauroux, un CHU de Nice
ou un hôpital local de Poitiers. Nous avons été tous égaux face à la
Covid-19 et avons lutté de concert. Comment comprendre et accepter qu’un
centre hospitalier frappé d’un cluster longuement tu mais situé à
seulement quelques dizaines de kilomètres de la limite administrative
d’un département, ne soit éligible qu’à une prime de 500 euros ? Surtout
quand on sait que ce centre hospitalier a pu accueillir de nombreux
malades d’un département considéré comme figurant parmi les 40 les plus
touchés.
Reconnaissance de la nation
Partout
en France, dans nos campagnes, dans nos plaines, dans nos villes, dans
nos centres urbains, nous soignants, portions sur nos frêles épaules la
même peur, le même effroi, les mêmes craintes pour notre vie, celles de
nos patients et bien sûr de nos proches. Nous partagions les mêmes
rituels, manques et avaries de matériels ; mais les mêmes surblouses en
trop faible nombre, les mêmes complaintes d’aspirateurs artificiels, les
mêmes râles d’agonie, les mêmes rituels macabres et parfois aussi les
mêmes hécatombes inévitables et inarrêtables.
Le virus avait
partout la même intensité, la même violence et le même dessein mortel.
Nos corps portent encore les stigmates et les traces de cette tragédie ;
aujourd’hui nous rajoutons à ce fardeau une profonde blessure résultant
de cette différence de reconnaissance. La reconnaissance de la Nation
toute entière doit être universelle et non pas contingente, elle doit
être pleine et entière au diapason de notre engagement à vos côtés pour
sauver vos vies et celles de vos proches. Elle doit être celle de tout
un pays qui s’est soulevé ensemble et fraternellement contre
l’effroyable.
Nous appelons de nos vœux à une prime universelle et nous demandons aussi une véritable réforme de l’hôpital
Nous
appelons de nos vœux à une prime universelle et nous demandons aussi
une véritable réforme de l’hôpital, tendant à une revalorisation
complète des salaires des soignants ; et non l’allocation de primes
définies à l’emporte-pièce, afin de se laver la conscience de nous avoir
envoyé affronter le trépas dans le dénuement le plus total.
A
quelques jours seulement d’un défilé du 14 juillet qui doit distinguer
le courage des valeureuses blouses blanches qui se sont soulevées face
au Mal, comment pouvons-nous imaginer unir la nation tout entière
derrière des personnels soignants qui ont leur honneur bafoué par une
reconnaissance bornée ?
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