jeudi 31 mars 2022

LE PIÈGE OÙ EST TOMBÉ ROUSSEL


 

 

Roussel et Staline. Le piège est gros comme une montagne. Classer des personnalités en "camarade" ou "pas camarade". Et cela devant une classe d'enfants parfaitement manipulable (et manipulés) dans l'émission "Au tableau" sur une des chaînes de Bolloré. Roussel, hésite, tente de s'en sortir et rame: "Comme j'étais devant des enfants, j'ai aussi rappelé que Staline, au lendemain de la guerre, avant Churchill et Roosevelt et le général de Gaulle, ont fait partie de ceux qui ont réussi à éliminer le nazisme. Ça a été une bataille mondiale, donc j'ai rappelé ce fait. C'est comme ça qu'on me l'a enseigné dans les livres d'histoires" a-t-il expliqué. Il a affirmé qu'"au regard de l'histoire aujourd'hui, c'est un criminel qui a été responsable de millions de morts dans son pays et contre son peuple." Il en rajoutera une couche devant les cris d'orfraie des imprécateurs: "Staline est responsable de la mort de millions de gens. Mon idéal n'a rien de commun avec lui. Il a du sang sur les mains".

Pauvre Roussel, pauvre misère (intellectuelle). Ce type est affligeant. Un minimum d'intelligence politique lui aurait dicté de ne pas participer à cette émission, tant le piège était grossier. Il n'en n'est pas franchement pourvu. Tant pis. Au lieu de 3% il fera 2%. 

Cela dit il y avait mille façons de répondre, plus subtiles que les gros sabots de Roussel. Il ne s'adressait pas à une brochette d'enfants-robots, il s'adressait aux citoyen-nes. Il pouvait donc signaler que l'histoire n'est pas écrite par Walt Disney avec les sorcières et les princesses, et ne ressemble pas aux westerns avec les gentils et les méchants. Un chouïa plus complexe...

Il aurait pu choisir de se porter non sur le terrain de ses adversaires mais sur un autre. Par exemple, Harry Truman, président des Etats-Unis, a ordonné le bombardement atomique de Hiroshima: camarade ou pas ? Churchill a choisi de faire des bombardements terroristes sur l'Allemagne (600.000 morts) pendant la Seconde Guerre: camarade ou pas ? De 1963 à 1975 les présidents étasuniens Kennedy, Johnson et Nixon ont provoqué la mort de 3, 7 millions de Vietnamiens (plus de 8% de la population): camarades ou pas ? Le général de Gaulle réprime les indépendantistes du Cameroun au début des années 1960, répression qui fait 120.000 morts: camarade ou pas ?

Comme le disait le grand historien marxiste Eric Hobsbawm le but de son travail fut "de comprendre et d’expliquer pourquoi les choses ont suivi ce cours et comment elles s’agencent". C'est pourquoi les néolibéraux détestent Hobsbawm: il est celui qui ne renie pas l’idéal communiste. Hobsbawm proclamait en effet son refus d’abjurer un type d’histoire, "commun au marxisme et à l’école des Annales jusqu’aux années 1970, qui privilégie les tendances à long terme et la dynamique des systèmes économiques et sociaux".

Et oui, Roussel aurait pu se référer à l'histoire. Hobsbawm encore: "Sans l’URSS, le monde occidental consisterait probablement [...] en une série de variations sur des thèmes autoritaires et fascistes plutôt que sur des thèmes libéraux et parlementaires." écrivait-il prophétique dans l'Âge des extrêmes.

Il aurait pu citer l’économiste étasunien James Galbraith qui a signalé que "la puissance militaire et industrielle soviétique, construite presque à partir de rien en deux décennies, avait fourni près des neuf dixièmes de l’acier et du sang qui ont permis de vaincre l’Allemagne nazie". 

Il aurait pu rappeler qu'avant le Pacte germano-soviétique avaient eu lieu les Accords de Munich où Chamberlain et Daladier lâchaient le molosse contre la Tchécoslovaquie en espérant qu'il poursuive jusqu'à Moscou...

Il aurait pu rappeler que la République espagnole est tombée, soutenue par le seul "pas camarade" Staline mais trahie par les "camarades" Blum et Chamberlain.

Il aurait pu...mais il ne l'a pas fait.

Du coup il se prend des volées de bois vert de son fan-club de droite, C-News and Co, très agacé que Roussel, à travers son "hésitation", ait inopinément rappelé qu'il est membre du parti communiste même s'il aime les syndicats policiers séditieux. Et oui c'est dur d'avoir le cul entre deux chaises.

 

Antoine Manessis.

 

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