vendredi 27 mai 2022

La Palestine n'est pas l'Ukraine :

une guerre de conquête menée par Israël depuis des décennies se poursuit sans émouvoir les "démocraties occidentales

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Palestine : 126 artistes internationaux demandent justice pour Shireen Abu Aqleh

la journaliste tuée lors d’un raid de

l’armée israélienne 

 

Pedro Almodovar, Susan Sarandon, Ken Loach, Mike Leigh, Tilda Swinton, Mark Ruffalo, Asif Kapadia, Miriam Margolyes, Boots Riley, Jim Jarmush, Steve Coogan, Naomi Klein, Hany Abu Assad et Peter Gabriel font partie d’un groupe de 126 artistes qui ont apposé leur nom sur une déclaration qui appelle à « des mesures significatives pour garantir la responsabilité pour l’assassinat de Shireen Abu Akleh et de tous les autres civils palestiniens ».

Lire la suite de cet appel lancé hier sur le site de l'Agence.

L'appel a également été publié en français sur l'Humanité.fr

A lire aussi sur le site de l'Agence, cet article de l'architecte et artiste palestinienne Dima Srouji :

Shireen Abu Akleh a élevé ma génération. Maintenant, nous faisons céder les digues

Et ce billet de la journaliste Lina Attalah publié dans le Monde.fr :

« La tiédeur des réactions de l’Occident à la mort de Shireen Abu Akleh ne me surprend pas. Mais cela me bouscule »

La Nakba
et le chemin de la Résistance

UN PEU D'HISTOIRE

Il y a 74 ans, débutait en Palestine ce qu’on a appelé la Nakba, « la catastrophe », événement commémorant la perte du territoire palestinien au profit de l’Organisation sioniste suivi de la création de l’Etat d’Israël sur une base coloniale. Activiste palestinien, fondateur du Collectif des étudiants musulmans et co-fondateur de la CLS (Coordination contre la Loi Séparatiste devenu Perspectives musulmanes) Taymour Ahmad nous dresse le récit de cet événement fondateur de la géopolitique du Moyen-Orient, dans un article exclusif publié sur Mizane.info.

14 mai 1948. La Palestine est un champ de bataille depuis plusieurs mois. Le Royaume-Uni met fin officiellement à son mandat sur la Palestine après plus de 30 ans d’occupation. Le jour même, l’Organisation sioniste proclame la création de l’Etat d’Israël. Dès le lendemain, le 15 mai, les pays arabes voisins, nouvellement indépendants, entrent en guerre pour empêcher l’établissement de cette nouvelle entité. Mais loin d’enrayer la menace, l’intervention des pays arabes précipite la victoire du camp sioniste… C’est la Nakba, la catastrophe, dont le 15 mai a été retenu comme date de commémoration.

Cette guerre se solde par l’exode de 800 à 900.000 Palestiniens (soit environ les trois quarts de la population totale), fuyant les massacres ou déportés hors de leurs terres, qui trouvent refuge dans ce qui n’a pas encore été occupé de la Palestine (Gaza, Cisjordanie) ou dans les pays limitrophes (Jordanie, Liban, Syrie…).

Le traumatisme profond de la Nakba

Sur cette année de conflit au moins 15000 Palestiniens sont tués – pour beaucoup dans des massacres de villages entiers – ainsi que des milliers de soldats arabes et de volontaires étrangers. Plus de 500 villes et villages sont rasés par le nouvel Etat. La composition démographique et civilisationnelle du pays est complètement bouleversée.

 

Chaque année cette date est commémorée à travers le monde par les communautés palestiniennes et les solidaires de la cause palestinienne. Elle symbolise un traumatisme profond dont le Moyen-Orient ne s’est toujours pas remis depuis 74 ans, celui de la perte de la Palestine et de la naissance d’une nation en exil. Aujourd’hui, la majorité du peuple palestinien est composé de réfugiés ou de descendants de réfugiés et le droit au retour des réfugiés (reconnu par l’ONU) est devenu l’une des principales revendications des mouvements de libération palestiniens.

Mais après 74 ans la Nakba pose question. En réalité plusieurs se bouscule et la première : n’est-il pas temps de tourner la page ? d’intégrer les réfugiés dans les régions où ils se sont installés ?

Non, la Nakba n’est pas un événement lointain sans lendemain. La tragédie palestinienne ne se résume pas à 1948 et son lot de massacres de masses poussant sur les routes des populations désarmées.

Depuis 1917 et l’occupation de la Palestine par le Royaume-Uni, une conflictualité permanente s’est installée entre Palestiniens d’une part et d’autre part sionistes et armée britannique. 1920, 1921, 1929, 1933, 1935, 1936-1939, autant d’années où des révoltes, parfois très violentes ont mobilisé les masses palestiniennes contre la colonisation et l’occupation britannique qui écrasa chacune d’elle. Cela sans compter le fait que les périodes « calmes » (et cela est toujours le cas de nos jours) sont émaillées de violences récurrentes.

Déjà lors du mandat britannique, des milliers de Palestiniens ont subit les déportations, les destructions de leurs habitations et villages. Un avant-goût de 1948.

De la Nakba à la Naksa, le périple palestinien

1948 ne marque pas un coup d’arrêt de la politique de nettoyage ethnique en Palestine. Les quelques 100.000 Palestiniens, parvenus à rester dans ce qui est devenu Israël, subissent des restrictions dans tous les domaines : déplacements, droits civiques, etc…

Il leur faudra des décennies de lutte pour acquérir une citoyenneté israélienne de seconde zone. Tout est mis en œuvre pour les pousser à l’exil. De même Israël poursuit les destructions de villages dans les zones frontalières encore poreuses. Les massacres se succèdent ainsi que les guerres.

Avec la guerre de Suez, Israël occupe de façon éphémère Gaza et le Sinaï provoquant massacres et déplacements de population. En 1967, la Guerre des Six Jours est un nouveau désastre pour la région. Gaza, le Sinaï égyptien, la Cisjordanie (dont al-Quds – Jérusalem) et le Golan syrien sont occupés par Israël en six jours.

Les armées arabes sont saignées à blanc (l’armée égyptienne à elle seule perd 15000 hommes) et des centaines de milliers de Palestiniens se retrouvent à nouveau réfugiés. Ce second traumatisme est appelé la Naksa.

 

La traversée des 5 guerres 

En 1973, la Guerre d’Octobre voit les pays arabes reprendre quelques jours l’avantage mais s’ensuit une défaite tout aussi cuisante que la précédente. Puis, en 1982, l’invasion du Liban par Israël et son occupation conduisent à l’expulsion des mouvements palestiniens, au massacre de des camps de réfugiés de Sabra et Chatila par les troupes israéliennes et leurs proxys libanais.

Les Intifadas de 1987-1993 puis de 2000-2005 ainsi que les blocus de Gaza depuis 2007, les 5 guerres successives que l’enclave a subies (2006, 2008-2009, 2012, 2014, 2021), la judaïsation de Jérusalem-Est sont autant de facteurs qui poussent les Palestiniens à quitter le pays. Cela sans compter que durant chaque période séparant deux conflits, la dure réalité coloniale prend le pas au quotidien.

La Nakba est en réalité le point de départ d’une conscience collective dans la région (…) Depuis 1948 cette conscience collective, accumulant les expériences, met à profit celles-ci pour progressivement obtenir des victoires.

Quant aux pays dans lesquels les Palestiniens ont trouvé refuge, la situation a rarement été des plus enviables. 1975 marque le début de la guerre civile libanaise au cours de laquelle les Palestiniens seront les cibles privilégiées des milices chrétiennes fascistes et de l’armée israélienne. En 1991, la Guerre du Golfe se solde par l’expulsion de centaines de milliers de Palestiniens du Koweït, installés depuis des décennies.

En 2003, la Guerre d’Irak et ses conséquences ont aussi affecté la présence palestinienne dans le pays. Depuis 2011, la Guerre civile syrienne a eu des conséquences désastreuses tant sur le peuple syrien que le peuple palestinien dont la présence dans le pays est devenue complètement marginale.

La Nakba n’est pas une fatalité !

La Nakba n’est donc pas un événement clos laissé à l’appréciation des historiens, mais bien un processus de dépossession continu du peuple palestinien, de sa terre, de sa culture qu’Israël mène à bien avec le soutien actif, direct ou indirect, de forces régionales et au-delà de la région.

Cependant, la Nakba est-elle seulement une succession de catastrophes sans fin ? Une tragédie dont la fin est la disparition totale du peuple palestinien de sa terre et de toute trace de la civilisation musulmane et chrétienne de Palestine ? Nous pensons autrement.

Pas plus qu’elle n’est un événement d’un passé révolu, la Nakba n’est pas non plus une triste commémoration de l’impuissance du pauvre peuple palestinien. La Nakba est en réalité le point de départ d’une conscience collective dans la région. Une accumulation des expériences des défaites et des échecs amenant les populations de la région (pas seulement palestinienne) à faire preuve d’une constante inventivité pour faire face au défi que représente Israël. Car depuis 1948 cette conscience collective, accumulant les expériences, met à profit celles-ci pour progressivement obtenir des victoires.

Le terme de Nakba – catastrophe – en soit n’aide pas à prendre la mesure du défi. La catastrophe laisse entendre que ce n’est pas une défaite, que c’était inéluctable à l’image d’un tremblement de terre qu’on ne pourrait prévoir. C’est ne pas reconnaître que son ennemi, bien que cruel, a été plus fort ne serait-ce qu’un moment. La Nakba enferme les Palestiniens dans un déni qui empêche de voir cette histoire dans sa globalité.

Certes, la Nakba représente pour les Palestiniens un traumatisme terrible mais au moment où la guerre commence en 1947, rien n’est encore joué. Car avant que les armées arabes n’entrent dans le pays, les milices sionistes armées, organisées, bénéficiant de la complaisance des Britanniques, ont eu à faire à des milices palestiniennes et à des volontaires issus des pays musulmans, mal organisées et très peu équipées, ayant subi des années de répression de la part des autorités britanniques.

Le réveil de la résistance palestinienne

Bien que dans une situation de déséquilibre flagrant, les milices palestiniennes et alliées parviennent à avoir l’avantage dans de nombreuses régions au point même parfois de faire reculer les milices sionistes. Même lorsque celles-ci entament leur politique de massacre et déportation systématiques, la situation n’est pas encore complètement perdue. Cela dénoté avec le récit habituellement servi.

LE DÉMEMBREMENT TERRITORIAL DE LA PALESTINE DE 1946 À NOS JOURS.

 

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