mardi 9 août 2022

L’arrogance dans les relations Occident-Sud

Publié le par Front de Gauche Pierre Bénite

L’arrogance dans les relations Occident-Sud

Qui ne se souvient de l’élégante sortie de Nicolas Sarkozy, à Dakar, le 26 juillet 2007 : « Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire… » La plupart des commentateurs avaient souligné que ce type de cliché très « françafricain » contribuait à dégrader l’image de la France en Afrique.

Cette évidence n’a pas empêché Emmanuel Macron de récidiver, quinze ans plus tard, jour pour jour, le 26 juillet dernier, à Yaoundé (Cameroun) en accusant « en particulier » l’Afrique d’« hypocrisie » à propos de la guerre russo-ukrainienne, pour ne pas avoir choisi de se ranger dans le camp occidental contre la Russie.

« Je ne suis pas dupe », renchérit même le président français, en mettant le refus africain de s’aligner sur les positions occidentales sur le seul compte des « pressions diplomatiques » auxquelles l’Afrique aurait eu la faiblesse ou la naïveté de céder.

Le chef de l’État ne pouvait pourtant pas ignorer que l’Union africaine avait, dès le 25 février, condamné l’invasion russe en Ukraine et appelé à un cessez-le-feu immédiat en s’alarmant du risque de voir ce conflit dégénérer en un « conflit planétaire ».

Qu’importe, le lendemain, au Bénin, Emmanuel Macron poussera la condescendance jusqu’à vouloir éclairer ses interlocuteurs sur la nature coloniale de la Russie en des termes dignes de « Tintin au Congo » : « Quand vous les voyez poindre leur tête chez vous, déclara-t-il en bon maître d’école, n’y voyez pas autre chose, même s’ils vous tiennent le discours inverse » !

Est-il donc si difficile aux « élites » occidentales de comprendre que c’est précisément ces marques d’arrogance qui poussent les Africains – les peuples plus que les dirigeants, d’ailleurs –, quoi qu’ils pensent de la Russie ou de la Chine, à refuser de se ranger derrière leurs anciens colonisateurs et les puissances dominantes en général ?

Sur un autre registre, mais pratiquement au même moment, outre-Atlantique, Nancy Pelosi, la présidente démocrate de la Chambre des représentants des États-Unis, annonçait son intention de se rendre à Taïwan, en pleine conscience du fait que cet acte serait vu par Pékin, dans le contexte actuel, comme une provocation suffisamment dangereuse pour inciter le président Biden à prévenir publiquement son alliée que « les militaires (américains) pensent que ce n’est pas une bonne idée maintenant » !

Est-ce bien là, en effet, pour le Congrès américain, la priorité diplomatique du moment ? D’autant que, rappelons-le, Washington, comme la quasi-totalité des gouvernements du monde, s’il s’oppose légitimement à toute tentative de « reconquête » de l’île par la force, reconnaît le principe d’« une seule Chine », déniant toute idée d’indépendance à l’île rebelle…

Ce type d’initiative était, jusqu’ici, réservé aux plus ultras des Républicains, toujours en quête d’aventures propres à montrer au monde que « l’Amérique » fait ce qu’elle veut, où elle veut, quand elle veut, quitte à creuser le fossé qui sépare toujours davantage des États occidentaux des pays représentant la majorité de l’humanité mais qui ont le grand tort de vouloir suivre une autre voie que celle balisée par la puissance actuellement dominante et ses dociles alliés.

Francis Wurtz Chronique publiée dans l'Humanité

 

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