vendredi 7 octobre 2022

 


Encore une fois ce qui emporte ma conviction… Azimov, le matérialisme et les USA…

Je conseille à chacun de prendre le temps d’écouter ce documentaire autour de l’auteur de sciences fiction Azimov. C’est passionnant, mais puisque j’ai décidé de vous commenter ce qui peut entrainer la conviction dans un combat, il est paradoxal d’illustrer ma confiance dans le matérialisme historique par le biais de cet auteur pourtant cela aide beaucoup à percevoir certaines choses. La première est bien sûr la relation qu’il établit entre le développement des forces productives, des inventions scientifiques et techniques et les changements sociaux. Toute son œuvre, en particulier tout ce qui a trait à l’intelligence artificielle est une illustration entre avancées scientifiques et techniques et manière dont les sociétés humaines s’adaptent, digèrent de tels bouleversements.

Mais l’intérêt d’un tel point de vue ne s’arrête pas là… Il propose un véritable dialogue entre politiques et scientifiques, une éducation citoyenne aux contenus des changements que la science permet, n’avoir ni peur, ni une confiance aveugle mais entretenir un esprit ouvert et sans crédulité, ni irrationnel face aux bienfaits comme aux dangers. La science-fiction aide à cela et là-dessus, il faut bien mesurer que l’URSS produisait une science-fiction de ce type. Il propose même une morale qu’il attribue aux robots, avoir trois lois: 1) ne faire aucun tort aux humains 2) obéir aux ordres des humains sauf s’ils contredisent la première loi 3) Se défendre eux-mêmes sauf si cela met en cause les deux précédentes lois.

En relisant ces trois lois je me suis rendue compte que c’était la seule morale qui s’était réellement imposée à moi tout au long de mon existence et encore aujourd’hui, elle correspond totalement à ce que j’ai estimé être la morale communiste, celle de militants mais aussi des dirigeants des temps jadis. Et j’adhère totalement à ce qu’il dit de ces lois : elles laissent suffisamment de marges d’incertitudes pour que ce qui relève des passions et de la diversité humaine puisse s’y exprimer, pour que par exemple l’art et toutes les formes de créativité puisse broder à l’infini… Il m’arrive même de me dire que cette espèce humaine à laquelle je suis attachée peut-être est en train de créer ses propres successeurs tellement différents de nous que nous aurions du mal à reconnaitre la filiation, tant mieux s’ils savent mieux prendre soin que nous ne l’avons fait de notre planète et de l’univers. Tant mieux si comme dans une des finales de Fondation ils manifestent moins d’individualisme mais une sensibilité collective plus respectueuse donc plus contrainte, tant mieux si moi je ne peux pas choisir ce mode-là…

Mais et c’est là peut-être que mon histoire personnelle rejoint le plus Azimov, je suis alors convaincue que ces êtres-là qui nous succèderont devront savoir à quel point l’imagination humaine dont ils auront besoin ne nait pas d’elle même mais de la réalité infiniment plus riche que tout ce que nous pouvons inventer. Cette réalité est là sous nos yeux et j’ai dit hier à quel point la lutte des petites gens pour leur survie était le principe même de la vérité de ladite réalité loin de l’enflure de l’idéologie des puissants, les illusions hypocrites sous lesquelles ils masquent des appétits démesurés.

Ce sur quoi alors je n’ai pas insisté c’est sur le rôle de la connaissance de l’histoire, j’ai la même passion boulimique qu’Azimov pour l’histoire et je crois avoir lu toute la littérature dont il fait état sur la chute de l’empire romain et son prolongements les errances de l’an mille… dans le même esprit celui des découvertes comme le soc en fer de la charrue, le moulin à eau met à mal les fondements esclavagistes… Je ne peux pas dire que cela m’aide à me faire comprendre de mes contemporains puisque je n’ai pas le génie d’Azimov pour les faire entrer dans un futur auquel les soubresauts du passé donnent toute leur ampleur à la saga humaine, mais cela m’a toujours permis d’apaiser les angoisses d’un présent virant temporairement au cauchemar et même à me situer… Quand on relit Marx et son immense culture on s’aperçoit que son approche n’était pas éloignée et que la plupart des dirigeants communistes qui ont eu une capacité prospective étaient eux-mêmes des boulimiques de lectures de divers ordres mais dans lesquelles la dimension historique était privilégiée… Leur ont souvent succédé en France en particulier des incultes paresseux et de ce fait soumis à l’air du temps, aux opportunismes, à la dictature médiatique et c’est dramatique pour le peuple qui n’a plus d’autres “prince” au sens que Machiavel et Gramsci attribuait à ceux qui font l’histoire en chevauchant les changements scientifiques et techniques et les luttes des classes à travers lesquelles les êtres humains assument ces bouleversements d’époque… Gramsci expliquait que le prince c’était le parti mais il advint un temps où ce parti-là ne se montra plus apte à comprendre l’histoire en laissant des “élites” de plus en plus embourgeoisées inventer de fausses réconciliations entre le capital et le travail…

Je voudrais enfin terminer ces quelques réflexions par la simple description de ces jours à la Havane où j’ai découvert dans la bibliothèque de Marie-Do, une amie magnifique révolutionnaire française qui a lié jusqu’au bout son sort à la révolution cubaine donnant jusqu’à son corps à la médecine cubaine, attaquée par un cancer foudroyant, les sept volumes du cycle Fondation d’Azimov. Je les ai lus en alternant avec un livre qui a joué un rôle déterminant dans ma vision politique, le rapport présenté par Fidel Castro au sommet des non alignés en 1983. Ce dernier texte que je possède encore en espagnol annonce tout la crise qui va atteindre l’URSS malgré sa planification et qui part de la croissance poussive de l’occident incapable d’offrir une alternative de développement aux pays du sud, ceux-ci contraints d’inventer de nouvelles relations sud-sud si elles veulent se dégager de l’autodestruction humaine que représente le capitalisme sous sa forme impérialiste- militaro-financière.

Imaginez dans l’été havanais, humide et chaud cette double lecture d’Azimov et de la crise de l’empire galactique qui me faisait souvenir de toutes mes lectures sur la chute de l’empire romain y compris l’empire de Constantin, ses conciles religieux que j’avais tous travaillés, et cette vision historique qui anticipait sur ce qui se passe aujourd’hui, et peut-être que vous percevrez les bases d’une obstination à agir alors même que parfois la même conscience vous invite à la distance sur ce à quoi vous ne pouvez plus rien, simplement parce que vous ne pouvez pas vous arracher à cette fascinante destinée humaine, à cette espèce à laquelle vous appartenez et qui a besoin de tous dans leur diversité.

Je terminerai là-dessus le dernier sentiment que m’inspire Azimov est justement la reconnaissance que nous avons besoin des Etats-Unis autant que nous devons nous en préserver et exiger l’égalité comme le font justement les Cubains. Il y a dans les Etats-Unis une force, une vigueur dont l’humanité a besoin et Azimov dit bien celle-ci, ils ont encore une capacité d’invention dont l’humanité ne saurait se passer… Ce qui fait la force des Chinois pétris de marxisme, de vision sur le développement des forces productives et sur les aspirations réelles de l’humanité c’est de le reconnaitre comme Marx lui-même, il faut dire que leur histoire millénaire les incite à se projeter dans un temps presque aussi lointain. Mais il y a aussi la nécessité d’endiguer la force de cette bête sauvage vers l’humanité et non sa destruction. Les lois de la robotique disent quelque chose de cet ordre-là… Notons qu’elles ne sont pas si éloignées pour eux-mêmes des points de la bonne conduite sociale qu’inaugurent les Chinois à l’aide de l’intelligence artificielle, bons points qu’ils ont emprunté d’ailleurs aux sociétés d’assurance des Etats-Unis, ou encore de ce qu’ils proposent en matière de relations internationales.

Une Française confrontée à ces possibles qui laissent à chaque société de grandes marges d’incertitudes fort heureusement dans lesquelles elle peuvent déployer ce que leur propre histoire à créé d’exigences politiques culturelles est par ailleurs de plus en plus face à la destruction de ce qui fondait la personnalité française, son adhésion aux valeurs républicaines, une culture de l’incrédulité sous l’influence majoritaire de l’impérialisme américain, trouve difficilement un lieu où penser les contradictions et l’individu n’a plus qu’à se réfugier dans la terrible solitude qu’on lui présente comme la liberté.

Danielle Bleitrach

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