dimanche 30 avril 2023

IL N'Y A RIEN DE BON CHEZ MACRON

Annonces de revalorisation des enseignants : arnaque et fil à la patte

N° 818 26/04/2023 Macron et son commis chargé de l’éducation nationale, Pape N’Diaye ont annoncé, à grand renfort de publicité des media, une "revalorisation" des enseignants. Mais, comme à l’habitude, mensonge et arnaque se perçoivent facilement derrière les boniments.

 

Faux-semblants sur toute la ligne

Il est important de noter que c’est le mot de revalorisation qui est utilisé et non celui d’augmentation des salaires. En effet, il ne s’agit en aucun cas d’une augmentation. On ne touche pas au point d’indice et le "traitement", nom du salaire des fonctionnaires, ne change pas d’un centime. Depuis des années, les gouvernements, et les véhicules de l’idéologie dominante avec eux, entretiennent le flou sur cette question, parlant de pouvoir d’achat et non de salaire. L’épisode actuel dans l’éducation nationale ne déroge pas à la règle. Il ne s’agit pas de salaire, mais de prime, sans effet sur la retraite.

Les enseignants bénéficient d’une indemnité pour les tâches afférentes à leur métier hors du temps devant élève (suivi, orientation, notation, coordination, etc.) appelée ISOE dans le second degré et ISAE dans le premier. Le ministre a annoncé que ces indemnités seront doublées à partir de septembre. Il est important de noter qu’elles ne concernent que les enseignants, sauf les professeurs documentalistes. Les CPE (Conseillers Principaux d'Education, qui animent la vie scolaire) et les psychologues ne la touchent pas non plus. Mais leurs indemnités spécifiques devraient augmenter également ainsi que la prime d’activité des enseignants contractuels.

L’augmentation devrait être de 92 euros par mois en moyenne, ce qui, évidemment, ne fait pas le compte.

Comme lors de la précédente "revalorisation", annoncée avec tambours et trompettes par l’ancien ministre Blanquer, il s’agit de poudre aux yeux. Et surtout, la revendication commune à l’ensemble des organisations syndicales de la fonction publique, à savoir le dégel du point d’indice n’a absolument pas été évoqué. Or, la baisse de niveau de vie des enseignants est principalement dûe, depuis le début des années 2000, à la fin de l’indexation du point d’indice sur l’inflation et depuis la fin de ces mêmes années, au gel du point d’indice. Un enseignant en début de carrière qui gagnait 2,4 fois le SMIC en 1990, ne gagne aujourd’hui même pas 1,2 fois le salaire minimum.

Pour le Parti Révolutionnaire Communistes, il est urgent de dégeler le point d’indice, de l’aligner de nouveau sur l’inflation et d’opérer un rattrapage notamment pour les traitements les plus bas.

Le pacte et le cercle vicieux des heures supplémentaires

Mais ce n’est pas tout. Le "pacte", ainsi que le dénomment nos gouvernants, prévoit aussi une augmentation plus substantielle (mais toujours hors salaire), contre des tâches supplémentaires.

Les enseignants du second degré, principalement concernés par ce volet ont des obligations de service de 18 h 00 devant élèves, s’ils sont certifiés (titulaires du CAPES) ou PLP (enseignants de lycée professionnel, bivalents dans les matières générales) ou de 15 h 00 devant élèves s’ils sont agrégés. Mais, ils peuvent compléter leur service avec des heures supplémentaires, sachant que pendant longtemps, elles n’étaient pas obligatoires et qu’ensuite Sarkozy a décidé que les chefs d’établissement pouvaient en imposer une selon leur bon vouloir, c’est passé à deux avec Macron.

Notons que le nombre d’heures supplémentaires choisies par les enseignants est en grande augmentation depuis quelques années, les enseignants choisissent en nombre non négligeable la solution individuelle pour pallier la baisse de leur niveau de vie.

Il existe deux sortes d’heures supplémentaires, celles fixées à l’année, qui entrent dans l’emploi du temps (HSA) et celles effectuées dans le cadre d’une mission particulière, ponctuelle (HSE). C’est dans ce second volet, qui concerne aussi les enseignants du premier degré, que seront puisés les moyens du pacte. Leur taux sera augmenté.

Les heures effectuées dans le cadre de ce pacte seront défiscalisées. Deux types de missions sont proposées : des missions en face à face pédagogique et des missions de coordination de projet.

Le premier volet de ces missions sera le remplacement des absences de courte durée pour les enseignants du second degré et les heures de soutien en sixième pour les professeurs des écoles ; ce sont les missions prioritaires pour le ministère.

Les enseignants concernés auront 18 heures à l’année soient 30 minutes par semaine à effectuer pour toucher 1250 euros, soient un peu plus de 69 euros de l’heure. En comparaison, une HSE rapporte aujourd’hui pour un professeur des écoles de classe normale 28 euros, pour un certifié ou PLP 41 euros et pour un agrégé, presque 60 euros. Il s’agit donc d’un gain pour tous les enseignants, excepté les documentalistes.

Pour les remplacements de courte durée, les professeurs devront remplacer leurs collègues absents au pied levé. Et si les élèves manquent un cours de maths et qu’il n’y a qu’un prof de français disponible, qu’à cela ne tienne, les élèves n’auront pas maths mais français. Le ministre N’Diaye a indiqué que cela s’inverserait lorsque le professeur de français serait absent à son tour, mais on a du mal à voir la mise en pratique.

Pour les autres missions, celles qui ne seront pas en face à face avec les élèves tout comme celles qui ne sont pas prioritaires, le pacte sera composé de 24 heures payées également 1250 euros, soit 52 euros de l’heure. Dans le premier degré, il s’agit de missions de coordination, de mise en œuvre de projets, d’accompagnement d’élèves en difficulté scolaire. Les enseignants pourront aussi effectuer des heures de soutien si à la suite du passage des évaluations CP, CE1 et CM1, l’équipe pédagogique constate des difficultés persistantes chez les élèves.

Un but réel : déconnecter la rémunération du salaire et s’en prendre au statut

Le modèle du pacte enseignant déconnecte la rémunération du salaire. Il conditionne cette rémunération à l’accomplissement de tâches. Il définit l’acte d’enseignement en des temps morcelés, en une accumulation de dispositifs disjoints choisis « à la carte » par des professeurs devenant prestataires.

Le présent « pacte », qui ne propose que de gagner plus, c’est-à-dire de vendre ses services, est un contrat qui ne dit pas son nom. Il fait du fonctionnaire le partenaire d’un marché. Ce qu’il sous-entend, c’est que le statut a perdu son caractère fondateur et que toute relation de travail peut être contractualisée. Nous avons, honteusement, changé de sphère.

Enfin, les chefs d’établissements seront rémunérés pour « organiser ce travail » ; le syndicat majoritaire (SNPDEN-UNSA) a négocié et obtenu une prime de mille euros, il semble qu’ils aient clairement choisi leur camp et que cette notion si controversée de pacte ne les gêne absolument pas. Cela leur donne encore plus de pouvoir et ils seront utilisés pour « recruter », au cas où les enseignants seraient réfractaires au pacte.

Pour le Parti Révolutionnaire Communistes, de « pacte » créant des obligations nouvelles, avec la solennité qui s’attache à ce mot, il ne peut être question.

Un second but plus caché : l’intégration au système

La question se pose de savoir si les enseignants vont « mordre à l’hameçon », si le gouvernement va réussir son opération, sans bouger les salaires, en s’attaquant au statut, transformant encore plus les enseignants en exécutants. Le ministère table sur un tiers des salariés concernés qui pourraient accepter. Cela favoriserait la « solution individuelle », briserait encore plus les collectifs et ferait basculer un peu plus dans la normalité la déconnexion de la revalorisation du salaire et les attaques contre le statut.

On peut se demander pourquoi le gouvernement se fixe ainsi sur l’éducation nationale. On sait que sa politique consiste à détruire tous les acquis sociaux obtenus depuis l’après-guerre. Cette politique s’accompagne d’un volet idéologique visant à intégrer les salariés au système, à leur faire accepter comme inéluctable sa politique. Or, Macron est en échec sur ce sujet avec la réforme des retraites.

Le gouvernement essaie probablement de reprendre la main en s’attaquant à un maillon faible. Les enseignants, qui avaient été très présents lors des grèves de 1995, fers de lance lors de celles de 2003, ont été de moins en moins présents dans les grèves, en 2010, en 2019 et cet hiver. A partir de l’après 7 mars, leur nombre a fortement diminué lors des grandes journées de grève, et seule une partie marginale, dans quelques endroits de France, a tenté la grève reconductible.

On peut expliquer cette évolution par deux éléments. D’abord, chronologiquement, le rôle de la FSU, organisation syndicale majoritaire dans la profession, qui, après 2003, s’est évertuée à changer la nature de la grève dans l’esprit des salariés : avec deux ou trois journées par an, on a peu à peu perdu de vue l’idée que la grève était le moyen de gagner sur des revendications, et c’est devenu un simple symbole de protestation, la grève de lutte a été remplacée par la grève de respiration. Tout a été fait pour que la question de la suite ne soit plus posée ; on peut comprendre à cette aune pourquoi les enseignants grévistes des grandes journées de la lutte actuelle ont massivement déserté les assemblées générales, où la question de la suite, de la reconduction, pouvait se poser. Ils ont été les meilleurs élèves de l’intersyndicale, organisatrice des « journées saute-mouton ».

Mais il y a une seconde raison, probablement plus importante. Depuis 2008, les enseignants ne sont plus recrutés à bac plus 3 mais à bac plus 5, ce qui a induit une mutation sociologique dans cette frange du salariat. A une époque où la majorité des étudiants sont salariés, il est difficile mais possible pour celles et ceux issus des couches populaires d’obtenir un diplôme validant trois années de fac. En revanche, il est quasiment impossible d’obtenir celui qui valide cinq années, surtout avec la méga sélection entre la quatrième et la cinquième année. Nous avons donc désormais une majorité d’enseignants, même dans le premier degré, issus des couches moyennes, de la petite voire de la moyenne Bourgeoisie.

Les organisations syndicales de l’éducation et notamment la FSU ont été peu présentes dans la lutte. Il faut dire que, depuis la loi de transformation de la fonction publique, qui participe également à la destruction du statut et des acquis, le lien salarié/syndicat s’est délité, peut-être plus que dans le reste de la fonction publique d’État. Le gouvernement veut profiter à fond de cet état de fait, des mutations sociologiques et idéologiques en cours depuis vingt ans chez les enseignants.

Conclusion

Les mesures décidées par Macron et son ministre N’Diaye constituent un nouveau recul. Outre que, pour la majorité des enseignants, la revalorisation sera quasi inexistante, les mesures enfoncent le clou sur le plan idéologique ; déconnexion du salaire, attaques répétées contre le statut, individualisation et prime à l’obéissance, divisions parmi les personnels, intégration au système. Il n’y a rien de bon dans ce dispositif !

Le Parti Révolutionnaire Communistes est avec tous les enseignants qui refuseront la soumission incarnée par ce pacte, et qui combattront pour une augmentation de salaire sans contrepartie, avec le dégel du point d’indice et son alignement sur l’inflation.

 

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