La guerre en Ukraine : les véritables raisons – Partie 5/5
Seule la politique étrangère américaine très agressive appuyée par la domination militaire et monétaire mondiale permettent aux États-Unis d’Amérique d’occuper aujourd’hui les positions qui sont les siennes.
Tout autre état ayant perpétré ne serait-ce qu’une partie infime des exactions énumérées, non exhaustive, sur ces pages – serait classé par la « communauté internationale » réunie autour des États-Unis en tant qu’un état criminel, un paria, et serait soumis à des embargos « légitimes » bien plus graves que ceux de la Corée du Nord, de l’Iran et de Cuba réunis.
L’Ukraine en tant qu’outil périssable
Une des raisons principales pourquoi le cours des événements n’a pas été orienté au déclenchement des hostilités russo-ukrainiennes des années auparavant, encore sous la présidence de Barak Obama, dans la période de 2014-2017, réside dans la ligne conductrice de la Maison Blanche de cette époque qui était basée sur le postulat : la domination de l’Ukraine face à la Russie n’est pas un élément existentiel pour les États-Unis. Depuis Obama, la politique américaine a connu des mutations, mais, malgré les diverses déclarations, sa ligne conductrice vis-à-vis de l’Ukraine n’a nullement changé.
L’Ukraine n’est utilisé qu’en tant qu’outil périssable de l’affaiblissement de la puissance russe, comme un pays-mercenaire de l’OTAN, au moins pour la période de la confrontation future avec la Chine et, parallèlement, de la réduction au minimum des relations économiques entre la Russie et l’Europe.
Au moment venu quand le pouvoir américain considérera que le « retour sur investissement » dans la guerre en Ukraine est suffisant ou bien quand il fera le constat que la probabilité à attendre le seuil de satisfaction est trop faible – le régime de Kiev sera abandonné par les américains. Abandonné de la même manière qu’est le régime afghan de Ghani a été abandonné et les kurdes en Irak et en Syrie ont été abandonnés après avoir accomplis, partiellement, les missions qui leurs ont été attribuées par l’Amérique, contre la promesse de la création d’un état kurde. La promesse qui n’engageait que ceux qui l’écoutaient.
De ce fait, et vu que malgré la pression des sanctions occidentales sans précèdent la Russie dispose toujours de finances publiques saines, dette négligeable, balance commerciale excédentaire et aucun déficit budgétaire – le conflit en Ukraine ne peut ne pas être importé par les russes, dans une forme ou une autre. De plus que, élément fondamental : pour la Fédération de Russie ceci est un élément existentiel ; pour les États-Unis d’Amérique, comme déjà mentionné, il ne l’est pas.
Post-scriptum
Les actions des États-Unis des dernières décennies, et celles qui auront, inévitablement, lieu dans les décennies à venir, sont l’expression du capitalisme dans son état pur et donc nécessairement malsain, car pour effet la provocation de dangereux mouvements tectoniques, d’un grave dérèglement, voire de la mise en péril de l’économie du marché mondial qui a pour objectif majeur la recherche de l’équilibre ; le capitalisme étant très éloigné des postulats libéraux d’Adam Smith et de ses idées quelque peu naïves sur la régulation du système capitaliste par le marché.
Les gouvernements américains successifs, étant le bras armé de « l’état profond », du pouvoir corporatif, donnent non seulement raison à Karl Marx, l’ennemi tant détesté par ces derniers, mais également et entièrement à Fernand Braudel pour qui le capitalisme est la recherche de l’affranchissement des contraintes de la concurrence, la limitation de la transparence et l’établissement des monopoles qui ne peuvent être atteints qu’avec la complicité directe de l’État.
N’étant pas un partisan des théories socialistes, encore moins communistes, en constatant le modèle économique américain d’aujourd’hui il m’est difficile, néanmoins, de ne pas leur accorder le bien fondé de leur approche du capitalisme.
La guerre en Ukraine n’est que la démonstration d’une étape
intermédiaire de la lutte des États-Unis d’Amérique pour sa survie dans
son état actuel qui est inconcevable sans la sauvegarde et
l’élargissement des monopoles, de la domination unipolaire à l’échelle
mondiale.
A ce stade de la confrontation on peut faire plusieurs constats majeurs.
La détérioration maximale des relations entre la Russie et l’Union Européenne et, de ce fait, l’affaiblissement économique significatif de son concurrent direct qui est cette dernière, sont une grande réussite des États-Unis.
Pourtant, la stratégie américaine a été totalement ébranlée par deux imprévus fondamentaux interdépendants qui sont en train de changer la face du monde d’une manière irréversible :
Premièrement, la Fédération de Russie s’est montrée, d’une manière inattendue, incomparablement plus résistante qu’il était prévu à la pression économique de l’occident collectif et n’a nullement connu une très grave récession économique planifiée et même hâtivement annoncée par les responsables de cette dernière.
De ce fait, la Russie n’a pas été neutralisée dans le cadre du futur conflit des États-Unis face à la Chine – ce qui est une défaite majeure qui a mené vers le deuxième imprévu cardinal : les États-Unis d’Amérique se sont retrouvés dans l’incapacité de fédérer autour d’eux le monde non occidental dans son projet anti russe et ceci malgré la réalisation de pression sans précèdent.
Les événements depuis le 24 février 2022 ont produit un effet opposé : l’accélération de la décomposition du modèle du monde unipolaire de l’histoire contemporaine par la réussite de la Russie à faire face à l’occident collectif, ainsi que la génération des grandes différenciations et prises de positions, ouvertes ou dissimulées, des acteurs majeurs non occidentaux de l’économie mondiale, hormis le Japon et la Corée du Sud qui sont les satellites traditionnels de la politique américaine. Les différenciations et les positions qui sont la consolidation des fondations d’un nouveau monde multipolaire.
Ceci est la seconde défaite majeure qui, en ce qui la concerne, est une menace existentielle pour les États-Unis, car, à long terme, met en danger imminent le maintien de la domination mondiale du système monétaire américain.
L’irréversibilité du processus rend inutile une éventuelle remise à jour de la stratégie américaine vis-à-vis de l’Ukraine qui pourrait se traduire par un renforcement très significatif de l’aide militaire, de plus qu’une telle action augmentera proportionnellement les risques de frappes nucléaires sur le sol américain.
Le futur proche nous montrera quelle sera la riposte de Washington.
Oleg Nesterenko
Président du Centre de Commerce & d’Industrie Européen,
Ancien directeur de l’Institut International de la Reconstruction Anthropologique,
Ancien directeur de l’MBA, professeur auprès des masters des Grandes Écoles de Commerce de Paris.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire