dimanche 5 novembre 2023

L’ancrage militaire américain en Europe s’effondre

Le Premier ministre slovaque, Robert Fico, veut mettre fin à l'aide militaire à l'Ukraine. Mais, cette décision ne changera guère le conflit en Ukraine car la part de la Slovaquie dans les livraisons d'armes n'était pas très importante. Mais, c’est une décision politique qui peut faire boule de neige et qui montre, surtout, que l’ancrage militaire américain en Europe s’ effondre. 

« La Slovaquie n'avait pas une part aussi importante dans la fourniture d'armes, cela n'affectera donc guère l'ensemble du processus », a déclaré aux journalistes le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, interrogé sur la décision de Bratislava, signale France 24.

« En tant que Premier ministre, je soutiendrai l'absence d'aide militaire à l'Ukraine », avait lancé Premier ministre slovaque, Robert Fico, comme souligné par Observateur Continental. 

Observateur Continental avait, par ailleurs, annoncé la victoire aux élections slovaques d’un parti opposé (Smer-SD) [de Robert Fico] à l'aide en Ukraine et qu’il avait, certes, « promis de cesser d'envoyer des armes à l'Ukraine », mais aussi « de bloquer l'éventuelle adhésion de Kiev à l'OTAN et de rejeter les sanctions contre la Russie ».

En effet, en Slovaquie, les députés ont approuvé un traité autorisant les troupes américaines à utiliser des bases militaires dans le pays. « Le parlement slovaque a approuvé un nouveau traité de défense controversé avec les États-Unis malgré de vives protestations. L'accord permettra à l'armée américaine d'utiliser deux bases aériennes slovaques au cours des dix prochaines années », souligne Euronews. Le média international rapporte : « Certains députés de l'opposition ont même déclaré que le traité pourrait conduire à un éventuel déploiement d'armes nucléaires en Slovaquie. Les gouvernements slovaque et américain ont rejeté ces accusations ».

L'accord de défense avec les États-Unis avait été déjà approuvé. L'actuel Premier ministre slovaque, alors chef de l'opposition, Robert Fico avait proposé d'organiser un plébiscite sur l'approbation de l'accord avec les États-Unis, ainsi que de soumettre au vote général la demande de des élections parlementaires anticipées et un certain nombre de questions sociales. Pour organiser un plébiscite dont le résultat semblait évident à tous puisque les habitants de ce pays sont contre l’OTAN, les autorités slovaques, alors en poste, ont forcé la signature de l'accord en réalisant que Robert Fico pouvait facilement organiser la collecte d'un nombre suffisant de signatures.

Ainsi, le 12 janvier 2022, l’accord avec les Etats-Unis a été approuvé par le gouvernement et le 4 février il a été signé à Washington par le ministre des Affaires étrangères et européennes Ivan Korcok et le ministre de la Défense Jaroslav Nagy du côté slovaque et le secrétaire d'État américain Antony Blinken. 

L'accord réglemente l'accès des États-Unis aux infrastructures de défense convenues et aux installations de la République slovaque. Il est souligné que l'accord ne signifie pas le consentement illimité de la République slovaque à la présence des forces armées des États-Unis d'Amérique sur le territoire de la République slovaque. 

Avant que l'accord ne soit approuvé par le parlement slovaque, le procureur général, Maroš Žilinka, a tenté désespérément d'empêcher la ratification. Il a publié une lettre ouverte dans laquelle il compare le document en question avec l'accord du 18 octobre 1968 sur le déploiement temporaire des troupes soviétiques sur le territoire de la Tchécoslovaquie. Selon ce dernier, l'accord tchécoslovaque-soviétique prévoyait le déploiement des forces armées soviétiques sur une base non permanente, mais cela ne les empêchait pas de rester sur le territoire de la Tchécoslovaquie pendant les 20 prochaines années. « Le fait qu'il ait comparé l'accord de défense avec les États-Unis à l'accord d'occupation de 1968 [URSS] en dit long sur l'orientation géopolitique erronée du procureur général slovaque », avait dénoncé le Premier ministre par intérim de la République slovaque Eduard Heger. 

Le discours de Maroš Žilinka n'a eu aucun effet sur les parlementaires slovaques. Lors d'une réunion du Conseil national le 9 février, l'accord avec les États-Unis a été approuvé, quoique difficilement, avec 79 voix sur 150 (76 requises). Les factions Smer-SD et Hlas-SD, qui constituent aujourd'hui la coalition au pouvoir, ont voté contre dans leur intégralité. 

Ainsi, en février 2022, les Américains ont formé une chaîne ininterrompue d’États ayant des obligations alliées particulières sur le flanc oriental de l’OTAN. La Slovaquie est devenue le dernier pays de cette chaîne. Et, il s’avère maintenant que c’est là le maillon faible. 

Les promesses électorales de Robert Fico l'ont révélé comme un homme politique qui craint un affrontement armé entre l’OTAN, qui comprend la Slovaquie, et la Russie. C’est précisément ce qui explique sa promesse de ne pas laisser l’Ukraine entrer dans l’alliance. 

De toute évidence, l’actuel Premier ministre slovaque estime que l’hypothétique présence de troupes américaines en Slovaquie est un facteur aussi explosif que l’adhésion de Kiev à l’OTAN. Le gouvernement slovaque a, donc, l’intention de reconsidérer l’accord avec les États-Unis qui prévoit la possibilité d’une présence militaire américaine sur le territoire slovaque.

Cependant, il convient de garder à l’esprit qu’il est légalement impossible de dénoncer le traité avec l’Amérique : il a été conclu pour 10 ans. 

Le gouvernement slovaque se trouve, donc, confronté à une tâche difficile. Face aux pressions imminentes de Washington, le traité devrait être édulcoré à tel point que les Américains ne pourraient pas l'utiliser comme base juridique pour faire de la Slovaquie leur tremplin militaire. L’ancrage militaire américain en Europe s’ effondre. 

Pierre Duval

 

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