lundi 4 décembre 2023

La gauche perd toutes les élections à cause de l'insécurité, et on dirait qu'elle s'en glorifie

4 Décembre 2023 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #GQ, #Théorie immédiate, #Élections, #Qu'est-ce que la "gauche", #Positions, #classe ouvrière

Ravachol

Ravachol

La droite libérale, qui contient aussi la pius grande partie de ce qu’on appelle encore la gauche ne s’intéresse à la criminalité et à la délinquance violentes que lorsqu’elles violent les frontières invisibles des ghettos qui protègent sa vie quotidienne, elle est tolérante à la criminalité en col blanc à laquelle d'ailleurs elle participe activement (tout comme la droite conservatrice) et considère que l’insécurité, comme l’éducation ou tout autre service peut très bien se traiter par la privatisation.

N’est immoral au fond pour les libéraux que la remise en question de la propriété, et ils tendent à considérer le délinquant avec indulgence, comme une sorte d'approximation encore grossière de l’entrepreneur, son idéal humain, et qui apporte du piquant dans son salon (c’est d’ailleurs pour cela que les sanguinaires Viking ont remplacé les sympathiques Gaulois dans le rôle du mythe du barbare originel enseigné à l'école primaire).

La gauche "de gauche" (au sens réel du terme, c’est à dire le courant politique qui prétend représenter les intérêts des travailleurs et des classes populaires), considère quant à elle avec détachement que la délinquance est un fait social objectif qui relève de sociologues, de psychologues et de statisticiens et qui ne doit pas être traité sur le plan moral, et que la répression aurait tendance à aggraver. Les délinquants sont des victimes (ce qui est absolument exact, mais ce sont des victimes d’un genre particulier, qui créent d’autres victimes). Ces postulats avaient toutes les apparences de la réalité il y a un siècle, ou plus dans le monde des Jean Valjean ou des Ravachol, dans une société qui était encore orientée vers la satisfaction (ou la privation) des besoins de base, mais dans le contexte de la loi du désir (et donc de la perversion) qui prévaut dans la société libérale de consommation de masse, ils sont très contestables.

La gauche en restant sur cette position idéologique construite sur des analyses dépassées s’éloigne du vécu des classes populaires, et se coupe de leur soutien. Il semble en fait que les cadres et les milieux actifs du militantisme de gauche sous-estiment complètement l’insécurité, voire en nient l’existence, pour le réduire à un problème de perception (en fait tout va très bien, bien mieux qu’au temps de Jean Valjean, et les prolos sont stupides et hystériques) et éthique (les prolos sont des primitifs alcoolisés, assoiffés de lynchages et de vengeance, racistes, autoritaires ou fascistes et il faut leur faire la morale). Les délinquants seraient des rebelles primitifs plus proches de Robin des Bois que de Michel Fourniret, et on les admire secrètement.

Du coup les classes populaires ne se sentent pas du tout représentées sur cette question, et lorsqu’elle devient décisive pour elles, elles votent , quand elles votent, pour l’extrême droite.

Elles y sont aidées par le monde des médias qui lui tient à peu près ce langage : « tu ne nous crois pas, tu ne veux pas admettre que tu vis dans le meilleur des mondes possibles ? et bien tu n’as qu’à voter Marine Le Pen si tu n'es pas content ! ». Le vote lepéniste est le vote proposé par le spectacle capitaliste et marchand à ceux qui n’aiment pas le spectacle capitaliste et marchand. Et comme par hasard, peu avant chaque élection importante, l’actualité est envahie de crimes odieux et de faits-divers abominables …

Pourtant l’extrême droite n’offre pour y remédier que des éléments de langage autoritaires qui ne font que balayer le problème sous le tapis, ou alors l’accroissement de la répression, jusqu’à l’usage spectaculaire de la contre violence qui aggrave tout comme on a pu en voir les effets épouvantables au Mexique. Le succès de son discours s’explique donc moins par sa substance interne, que par la grande faiblesse des propositions de gauche sur la question, qui se répercute aussi dans les syndicats.

Parce que pour lutter contre la peur insidieuse qui envahit petit à petit la vie quotidienne des gens ordinaires, il faut au moins avoir le courage de l’exprimer.

L’insécurité dans la rue et la vie quotidienne est un des principaux fléaux qui afflige les classes populaires de toute origine. On peut dire qu’elle leur gâche littéralement la vie. Le probabilité d’être la victime d’une incivilité, d’un délit ou d’un crime s’accroît vertigineusement en raison inverse des revenus et du patrimoine. Les services publics sont affectés, le droit à la santé est remis en question, les biens péniblement acquis à crédit sont constamment volés ou détériorés, les femmes en sont réduites à raser les murs et à baisser les yeux, et ne peuvent pas sortir de chez elles après la tombée de la nuit, les enfants sont détournés par le mauvais exemple des délinquants qui affichent ostensiblement leurs activités lucratives, et tombent sous l'emprise de la drogue ou sous l'influence des caïds et des violeurs dont le rap commercial fait l’éloge permanent.

Elle aggrave tous les autres problèmes : emploi, logement, santé, éducation, elle alimente le racisme et pousse les prolétaires à l’exil périphérique dans le non-lieu géographique des ronds-points, des parkings et des lotissements où ils vont hériter des emplacement les plus enclavés. La géographie du pays a été entièrement remodelée en alvéoles cloisonnées, peuplées de « voisins vigilants » plus ou moins pauvres qui se regardent en chiens de faïence, et qui évoluent en ghettos. Les gens ne se rencontrent plus que dans les centres commerciaux, ou plutôt ne font que s’y croiser. Cette nouvelle organisation de l’espace en fait autant et plus pour l’isolement et la perte de conscience du prolétariat que toutes les transformations des techniques industrielles.

La délinquance quand elle se généralise dans un pays rend la répression directe presque inutile. Dans une situation de colombianisation des relations sociales, qui oserait se syndiquer, si le prix à payer est devenir la cible des bandes organisées qui se mettent au service du patronat, comme de Coca-Cola en Colombie ? Quelle organisation prendra le risque de défendre la cause des milliers (sic) d'ouvrières mexicaines violées et massacrées depuis plus de vingt ans par les hommes de main des patrons de Juarez et de toute la zone-frontière étatsunienne ?

Dans ce contexte avec une superbe hauteur l'industrie du divertissement et l'art contemporain font l’éloge direct ou indirect du vice pur et simple (violence, pornographie, argent facile, drogue, justice privée, serial killers) au nom de la liberté de création.

Proposer des solutions concrètes , matérielles et crédibles pour arrêter cette spirale de barbarisation est une priorité.

L’action de la gauche morale porte alors complètement à faux et ne sert les intérêts de personne. Elle donne souvent l’impression d’excuser les délinquants, non pas en examinant à fond les circonstances pour voir si des excuses existent, mais en minimisant la gravité morale des actes, voire même en niant l’existence même d’une morale (ce qui ne l’empêche pourtant pas de faire perpétuellement la morale à tout le monde !).

Un exemple de son incongruité : elle se fait remarquer par son opposition à la construction de prisons ; on peut ergoter à l’infini sur le bien fondé de la prison pour réhabiliter les délinquants, mais une telle démarche aboutit dans les faits non à diminuer le nombre de détenus, mais à augmenter la surpopulation carcérale, à favoriser la récidive, et à laisser en liberté des individus dangereux pour leur communauté.

Autre exemple : la gauche n’a cessé de vitupérer inutilement contre les caméras de surveillance, dont le seul effet tangible sur les libertés publiques a été au final de limiter les bavures policières, et contre les fichiers génétiques qui ont permis d’interrompre la carrière de nombreux prédateurs sexuels.

Une vraie politique urbaine de gauche se donnerait pour but de faire disparaître les tags et d’empêcher les dégradations du mobilier urbain qui défigurent les quartiers populaires sans jamais atteindre les quartiers riches et de lutter contre le vandalisme des métros, des bus, des écoles, et des cages d’escalier. Ce vandalisme généralisé ayant des effets appauvrissant bien concrets et avérés pour les habitants des quartiers concernés. Or il semble bien au contraire que ces « expressions » soient élevées par la gens intelligente de gauche au rang d’une esthétique bien caractéristique de cette époque informe.

Les mouvements contre les violences faites aux femmes et contre les violences policières sont en réalité à placer dans ce contexte, ce sont des aspects de la lutte nécessaire et universelle contre l’insécurité, qui nécessite le renforcement de l’État et l’embauche de fonctionnaires, et ils ne peuvent pas être traité avec succès autrement, et certainement pas par la communication, ni par des campagnes de délation.

Ayant vécu et travaillé toute ma vie adulte dans des quartiers populaires, j’ai pu constater avec tristesse qu’ils étaient profondément divisés, entre des micro-centres bien desservis et proches des principaux services publics, relativement agréables à vivre où habitent les élus municipaux et les fonctionnaires (enseignants, etc) et les cités des périphéries dans la périphérie, où si on se trouve toujours en France parce que les habitants n’ont pas ou n’ont plus de place nulle part ailleurs, on se trouve dans une France nouvelle où l’État est en voie de disparition, où personne n’a envie de vivre (notamment les militants communistes qui en étaient les résidents historiques) et qui évolue vers la tiers-mondialisation, l’économie informelle, où Uber (profit über alles) est le principal employeur légal.

La ghettoïsation des villes met en panne le logement social en bloquant la rotation de l’habitat, en créant des zones de sous-éducation et de sous-urbanisme, de non-droit et de non-service où ne viennent ni les plombiers ni les médecins. Des zones où personne ne va plus à part la police, et juste pour faire du bruit et frapper au hasard ; et ce sont justement dans ces ghettos qu’aboutissent les migrants illégaux qui font l’objet de tant d’hypocrite sollicitude et qui deviennent les victimes désignées pour les mafias.

Si la gauche était de gauche, elle agirait sans faiblesse pour résoudre ces problèmes, et couper l’herbe sous les pieds des fascistes qui les utilisent pour avancer tranquillement leur agenda antisocial, antidémocratique et suprématiste.

Mais de toute manière, un gouvernement de gauche populaire et souverain par sa simple existence contribuerait puissamment à les résoudre. S’il mettait vraiment en œuvre son programme économique, il créerait presque immédiatement et sans même le vouloir des conditions subjectives défavorables à la criminalité en s’attaquant à l’argent facile, aux zones grises de l’économie, et aux échanges dérégulés qui lui sont si favorables. A plus long terme, il contribuerait aussi à modifier les mentalités en remettant en cause l'individualisme de masse qui sert de morale à la société libérale.

Dans ces conditions, qu’un candidat de gauche cherchant à mobiliser l’électorat populaire ne mette pas avant cette priorité est carrément incompréhensible, voire suspect. On dirait bien que ce que redoute le plus un politicien étiqueté « à gauche de la gauche » de nos jours, c’est de gagner.

A moins qu’il ne soit lui-même intimidé par l’insécurité globale crée par l’action des États-Voyous-Unis ! Si on se souvient du sort d’Allende, ou même du suédois Olaf Palme, ou bien sans aller jusque là, aux déboires judiciaires de Lula et l’assassinat moral de Corbyn, on comprend un peu mieux l’origine de cette « peur de gagner » des Poulidor de la gauche de la gauche !

Toi-même, préférerais-tu vivre une vie facile et gratifiante et te flatter de passer à la télé de temps en temps pour vitupérer contre la Chine ou la Russie, enfoncer des portes ouvertes contre le racisme et l’homophobie comme si on vivait encore en 1967, bavasser philosophiquement pour ou contre l’identité et la différence, ou bien finir prématurément assassiné physiquement ou moralement ?

Ne le laisse pas tomber, il est si fragile, être un homme libéré, c’est pas si facile !

GQ, 8 mai 2021, relu le 3 décembre 2023

PS : Il faut distinguer les policiers de leur commandement, et distinguer la police ordinaire du maintien de l'ordre (lequel est largement tributaire de la doctrine gouvernementale. Le slogan "tout le monde déteste la police" est l'un des plus idiots qui ait été pondu par les gauchistes, depuis "CRS-SS").

 

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