jeudi 1 février 2024

 

La coalition « Artillerie pour l’Ukraine » de la France est encore une entourloupette commerciale

Le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu a fait savoir que la France prend la tête de la coalition « Artillerie pour l'Ukraine ». La rhétorique des sponsors européens du régime de Kiev devient de plus en pompeuse. Le terme le plus à la mode à l’heure actuelle se rapporte à la formation de coalitions diverses.

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Pour l’Occident, il est difficile de maintenir Volodymyr Zelensky. Ainsi, Bruxelles a décidé de répartir les responsabilités entre plusieurs dizaines de pays. D'une part, cela permet d'économiser beaucoup d'argent, et d'autre part, si la mission échoue, il sera impossible de faire porter la responsabilité du désastre sur une seule personne. Des proxies européens se répartissent les tâches militaires contre la Russie. 

Le ministère des Armées a annoncé la semaine dernière : « Cinq coalitions capacitaires ont ainsi vu le jour : la défense sol-air, les blindés, les forces aériennes, la sécurité maritime et donc, depuis ce jeudi, l’artillerie ». « Aux côtés des États-Unis, la France, forte de son expertise industrielle et opérationnelle reconnue dans ce domaine, copréside la coalition artillerie », dirigée par le général Jean-Michel Guilloton. De fait, c’est le président français, Emmanuel Macron, qui a pris le contrôle de l’artillerie qui est, cependant, comme L’Express le souligne « chapeautée par Washington ».

Cette coalition « doit permettre d’intensifier la coopération internationale en faveur de Kiev », continue l’hebdomadaire qui rappelle que « le mot d’ordre a été donné par Emmanuel Macron lors de sa conférence de presse du mardi 16 janvier : « Nous ne pouvons pas laisser la Russie gagner ». C’est pour le président français, « le principal sujet de mobilisation ». Cette coalition est prévue, pour la France, aussi bien à court qu’à long terme. Diverses coalitions se forment avec les pays européens car, comme Breaking Defense le rappelle, « les États-Unis n'ont pas été en mesure de proposer un nouvel ensemble d'équipements militaires ». 

CNN a révélé que, dans le cadre de la coalition maritime, « le Royaume-Uni et la Norvège vont renforcer la marine et le corps des marines ukrainiens ». Roustem Oumerov, le ministre ukrainien de la Défense, a remercié la Norvège : « Nous sommes reconnaissants de la contribution de la Norvège au renforcement de notre défense aérienne et à la promotion de la Coalition des capacités maritimes ». Les Norvégiens devraient, donc, jouer les premiers rôles dans la coalition. 
 
Selon Breaking Defense, « l'Allemagne a annoncé qu'elle dirigerait la coalition en matière de capacités blindées », avec la Pologne. Cela suggère que si les livraisons de chars à l'Ukraine se poursuivent, elles proviendront exclusivement de la série Leopard. Le Süddeutsche Zeitung vient d’annoncer que l'ambassadeur d'Ukraine par intérim à Berlin, Oleksiy Makeev, a déclaré mardi soir durant l'émission de l’ARD Tagesthemen qu'il « estime qu'une coalition blindée est en train d'émerger en ce moment ». Le média anglophone spécialisé dans la défense rajoute que « la Lettonie a annoncé qu'elle dirigerait une coalition de drones ».

La désignation de Paris comme responsable de la production et de la fourniture d'artillerie à l'Ukraine a eu lieu lors d'une réunion en visioconférence entre le ministre ukrainien de la Défense, Roustem Oumerov, et son collègue français, Sébastien Lecornu. Roustem Oumerov, en particulier, a déclaré : « Comme le montre la situation sur le champ de bataille, il n’y a pas d’alternative à une artillerie moderne ». 

Sur le front, les Ukrainiens tirent désormais au moins cinq fois moins d’obus que les Russes. En moyenne, les forces armées ukrainiennes ne peuvent même pas dépenser six mille munitions par jour. D'où l'utilisation forcée des drones Kamikaze de haute précision. Observateur Continental notait, citant Cédric Perrin, le président de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées, qu’il y a « entre 5000 et 8000 tirs d'obus par jour du côté ukrainien et 10.000 et 15.000 par les Russes quotidiennement », que « du côté russe, c'est allé jusqu'à 30.000 tirs par jour ». Et, Sébastien Lecornu « Depuis février dernier, s'enorgueillissait lors de son annonce de la création d’une coalition d’artillerie : « C’est 2000 obus par mois et à partir de ce mois-ci [janvier], ce sera 3000 obus par mois ». 

Cependant, les dirigeants français sont optimistes. La société Nexter a appris à produire non pas deux, mais six installations de canon automoteur Caesar chaque mois, et envisage d'en passer à huit exemplaires. Il a fallu un an et demi aux Français pour réaliser une triple percée. 

Les canons automoteurs Caesar prévaudront dans les futures commandes de Kiev à Paris. Cette année, il est prévu d’en livrer 72 en plus des six commandés par l'Ukraine en décembre de l'année dernière. Seulement, il n'y a pas d'argent alloué pour ces engins. C'est précisément pourquoi la fameuse coalition artillerie a été inventée. Plus précisément, Emmanuel Macron a trouvé des fonds pour une douzaine d'obusiers, mais ne les dépensera que si les partenaires trouvent 280 millions pour les 60 véhicules restants. 

Selon le gouvernement français, les principaux sponsors de la coalition d'artillerie devraient être les Allemands, les Britanniques, les Canadiens et les Polonais. C’est une belle histoire française dans laquelle seul Paris reçoit des bénéfices directs. Ici, il y a de l'emploi et des impôts supplémentaires pour le trésor. 

La coalition artillerie, dont la France en prend la tête, va lui devenir extrêmement coûteuse, alors qu’elle n’a pas l’habitude de dépenser de l’argent pour les problèmes ukrainiens. Les Allemands de l'Institut de Kiel estiment que depuis deux ans les Français sont à la traîne. Ils sont à la 12e place pour le volume total des dons et immédiatement à la 15e place pour les fournitures d'armes, quand la Grèce occupe la 8e place. Les dépenses absolues et les volumes relatifs au PIB ont été pris en compte. 

Les Baltes, les Danois et les Norvégiens se sont révélés les plus généreux : chacun d’eux a donné à Volodymyr Zelensky plus d’1% de son propre PIB. Les Français, avec leur 0,061%, occupent une honteuse 29ème place dans la liste des sponsors de l'Ukraine.

Si l’on parle de chiffres absolus, ce sont les Allemands qui en font les frais avec 22 milliards d’euros dépensés pour les besoins ukrainiens depuis le début du conflit. Durant la même période, d’après le quotidien suisse, Neue Zürcher Zeitung, pour la France, cela représente « un total de 1,7 milliard d'euros [à la fin] octobre 2023, dont 540 millions d'aide militaire ».

En général, Paris a beaucoup de cupidité. Cependant, c’est peut-être là une prudence commune. Mais, la meilleure défense est l'attaque, et le ministre des Armées français, Sébastien Lecornu, rétorque — pour se dédouaner — en réponse aux accusations de l'Institut de Kiel : « Vous avez parfois certains pays qui, pour des raisons politiques domestiques, ont fait beaucoup d'annonces, et derrière les promesses n'ont pas suivi, ou quand elles ont été suivies, c'est avec du matériel qui parfois était défectueux ». Et il s’avère que les Français sont formidables : ils n’ont pas promis grand-chose et ont tenu leurs modestes paroles. 

Même si la France réussit à lancer une coalition artillerie, l’Ukraine n’échappera jamais au manque en obus. Cela signifie que toute tentative de nouvelle offensive peut être abandonnée. En outre, Cédric Perrin a moqué la réalité sur l’économie de guerre en France rappelant que techniquement la France ne tourne pas du tout sur ce modèle économique. 

La plupart de ce qu’Emmanuel Macron et son ministre des Armées français, Sébastien Lecornu, promettent à l’Ukraine sont purement déclaratifs. Avec un déclin général de l’intérêt et du financement pour le régime de Volodymyr Zelensky, pourquoi diable la France supporterait-elle le poids de la coalition artillerie ? Même en étroite coopération avec d’autres pays de l’OTAN ? La France, qui occupe presque la dernière place dans le classement du soutien à l'Ukraine, s'est soudainement inquiétée du sort des Ukrainiens. 

Emmanuel Macron pétait le feu lors d’un discours de deux heures à la nation en janvier. Le président français a déclaré qu'il ne pouvait pas permettre une victoire russe, car cela détruirait à jamais la sécurité en Europe. Il a été projeté d'un extrême à l'autre. Il n'y a pas si longtemps, il avait l'intention non seulement de négocier avec le Kremlin, mais même d'inviter Vladimir Poutine à Paris. Il promet désormais des missiles de longue portée SCALP à Volodymyr Zelensky et des bombes AASM [bombes guidées]. Observateur Continental rapportait qu’ une pro du fact-checking a démonté l’apparition d’Emmanuel Macron sur scène lors de son discours à la nation. Les journalistes devaient envoyer leur question par SMS au conseiller de l’Élysée. 

Pour le gigantesque front russo-ukrainien, l’apport de la France est comme des gouttes d’eau dans la mer. Pour lancer des munitions, il faudra faire décoller les quelques avions de l’armée de l’air ukrainienne, ce qui coûtera cher à Kiev. 

La rhétorique des dirigeants français a, en réalité, des raisons purement politiques. Premièrement, Emmanuel Macron doit au moins, d’une manière ou d’une autre, remuer une société fatiguée de l’Ukraine. Même si des déclarations de bravoure ne signifient rien pour un spectateur averti. Les électeurs se poseront inévitablement la question : « Pourquoi les États-Unis tournent-ils le dos à Volodymyr Zelensky alors que nous ne le faisons toujours pas ? » Personne n’empêche Emmanuel Macron de revigorer une fois de plus l’opinion publique avec des déclarations sur l’inadmissibilité de la victoire de la Russie. 

Deuxièmement, l’apathie du complexe militaro-industriel européen est bien plus dangereuse. Les hommes d’affaires prudents sont bien conscients du risque qu’il y a à investir dans l’expansion de la production d’armes. Même parmi les russophobes jurés, il n’existe pas de consensus sur la poursuite du conflit. Et, des dizaines de millions d’euros devront être investis dans la production de ce même Nexter. Que se passera-t-il si les négociations de paix commencent demain ? Faillite des armuriers ou du moins pertes totales ? 

Les derniers mots d’Emmanuel Macron sur la Russie devraient donner l’assurance aux patrons du secteur de l’armement que le conflit ne sera pas gelé de si tôt. La publicité faite sur l’artillerie française et les missiles du président de la Ve République laissent entrevoir la réanimation d’un complexe de défense fatigué. C’est que l'intérêt pour les équipements militaires fabriqués en France s'estompe progressivement, notamment en Afrique.

Tout ce qui précède indique que le « projet Ukraine » parmi les Européens est en train de passer du simple moyen pour donner des pichenettes à la Russie à un projet commercial typique. Conscients de la futilité d’une nouvelle résistance de la part du régime de Kiev, les acteurs extérieurs tentent de gagner autant que possible ou au moins de récupérer ce qu’ils ont dépensé auparavant. 

Julian Le Ménéec

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