Non l’opinion publique française n’est pas préparée à la guerre… ou l’histoire d’un bouquet de roses… par Danielle Bleitrach
Hier comme je l’avais décidé j’ai fait une longue marche pour aller porter un bouquet de fleurs au consulat de Russie qui se trouve dans les beaux quartiers de Marseille, square Monticelli… Arrivée sur la place Castellane j’ai sollicitée la fleuriste pour le bouquet. De mes explications un peu confuses, elle a compris que je voulais déposer le dit bouquet à l’église proche… Nous étions le dimanche des Rameaux et effectivement beaucoup de passants tenaient des branches d’olivier à la main… Le vent soufflait mais le soleil était lumineux et là commença une histoire comme je les aime, une rencontre …
J’ai protesté : “non il ne s’agissait pas d’église mais du consulat de Russie… Et là j’ai eu droit à une explosion de joie de la part de la fleuriste… Elle savait tout sur le Donbass, ce qui s’était passé en Ukraine, elle m’a dit “je suis pro-russe!” et elle s’est mis à confectionner un splendide bouquet de roses pales avec des fleurs bleutées, une vingtaine de roses, j’en avais plein les bras au point que dans la suite de ma route une jeune femme a proposé de m’aider à les porter parce que la route grimpait… ,La fleuriste et moi, nous devisions, elle voulait au récit de nos voyages avec Marianne partir avec nous, et j’ai appelé Marianne pour que nous échangions toutes les trois… Cette femme qui avait une cinquantaine d’années était magnifique, je craignais qu’elle soit tentée par l’extrême-droite, pas du tout mais si elle n’avait pas la moindre référence politicienne, elle prenait position sur tout d’une manière qui m’apparaissait juste… simple directe, elle m’a parlé de sa grand mère juive mais de sa colère face à ce qui se passait à Gaza… Il y avait un autre fleuriste, un homme d’une trentaine d’années au type méditerranéen, turc ou arménien qui a dit : moi je suis pour la paix… Nous lui avons expliqué ce qui se passait, l’OTAN, le Donbass, la destruction de l’URSS, qui était Zelensky, le rôle des USA, et lui s’étonnait… Nous parlions toutes les deux à la fois… nous le submergions : je ne sais pas si vous l’avez remarqué mais un homme a tendance à ne pouvoir maitriser qu’une idée à la fois… Alors que nous femmes quand nous sommes convaincues cela devient un torrent qui nous conduit vers le faire, voilà que je recommence à être féministe, malgré ma colère devant ce qu’ils faisaient du féminisme… parce que quand l’on peut partager cette soif de dignité et l’ancrer dans les FAITS, dans la réalisation, ne serait-ce que ce bouquet, l”amitié entre femmes c’est fantastique…
J’avais oublié de payer, je suis revenue sur mes pas mais elle voulait me l’offrir ou plutôt l’offrir au consulat… Nous avons décidé de partager… C’était une conversation extraordinaire, nous avions l’impression de nous connaitre depuis toujours et pourtant à aucun moment nous n’avions eu besoin de préciser nos appartenances politiques, ce que nous pensions et partagions et que jadis j’aurais considéré comme caractéristique des communistes étaient des choix d’individus se rencontrent sur la justice et la vérité. Nous venions de discuter au téléphone avec Marianne sur le sens du mot pravda, elle m’avait précisé que l’on devait traduire pravda par ces deux mots français justice et vérité et pas l’un ou l’autre. Avec cette fleuriste il ne s’agissait pas de politique mais bien de justice et vérité face au mensonge déversé jour après jour…
J’avais discuté avec Marianne à propos de justice et vérité de ce que représentait l’art, la culture, quand on aime l’art ou la culture, on apprend un peu le sens de l’évidence, de ce qui est vrai et juste. On sait quand on a affaire à un snob qui ne voit rien et veut faire croire, il est toujours à côté de la plaque… Alors que ce qu’apporte la culture, l’art, l’oeuvre que l’on regarde c’est ce mélange de raison et d’émotion qui tombe juste et impose la vérité, oui c’est comme ça et ça ne peut pas être autrement…
Il y a dans la vie, des moments de ce type où l’on échange avec un inconnu du vrai et du juste… Notre philosophie a été spontanée, le peuple, les petites gens sont parfois obligés de truander parce qu’il faut bien vivre mais il y a aussi du coeur, de la compassion, de l’humanité, alors que les gros, les riches eux n’en ont jamais assez et dans leur avarice cupide sont abominables, inhumains, et en plus ils donnent des leçons de morale…
Avec cette femme je partageais le gout du défi face à lur tartufferies, et là encore je repensais à cet échange quotidien avec Marianne au cours desquels nous faisons le point, nous nous assurons de bien avoir compris. Elle avait été heurtée par une de mes phrases et elle imaginait que je regrettais d’avoir un jour adhéré au PCF. J’ai précisé qu’il n’en était rien parce que justement j’avais rencontré les gens les plus dignes d’estime, des amis et les deux hommes que j’avais aimés. La vie fut magnifique avec eux et ce que nous avons accompli comment pourrais-je regretter ? Non je parlais d’autre chose, de l’infinie médiocrité et méchanceté d’autres gens qui avaient pris les rênes en gros à la fin de l’URSS. J’ai commenté à Marianne: “Toi et moi avons un point commun nous nous moquons totalement de la célébrité mais est-ce que te rends compte de ce que ces gens ont fait de moi et combien j’aurais pu leur en vouloir si j’avais été différente. J’étais une des intellectuelles les plus connues de France et même ailleurs, et pas à cause du parti communiste… J’ai accepté de mettre cette notoriété au service de ce que je croyais être la justice et la vérité… Mais quand ils ont retourné leur veste j’ai refusé de faire comme eux et alors ils m’ont interdite, censurée, mon nom ne devait plus jamais être prononcé… Et comme je refusais de trahir je n’avais plus d’autre voie pour m’exprimer. Il ne se sont pas contenté de la censure, ils ont menti sur moi, ils m’ont traitée comme un chiffon, tout le monde avait le droit de m’humilier de me maltraiter, je n’étais défendue par personne… Et ça continue, ça ne s’arrêtera jamais tels qu’ils sont, ils trouveront toujours de bonnes raisons pour agir ainsi, les uns pour se donner de bonnes raisons de mal agir, de poursuivre la censure, et les autres pour être d’accord. Ce massacre qu’ils ont accompli sur moi, ils l’on accompli sur tant d’autres, beaucoup sont devenus anticommunistes.
Parce que ce n’est pas seulement la notoriété, un intellectuel a besoin d’échanges, de combat d’idées, et ils ont asséché ce que nous représentions, ils nous ont privé de cet aliment, ils nous ont contraints à la solitude, à la faim de nos semblables, c’est cela le pire… Tout était devenu aussi peureux qu’eux, il ne restait plus que la transgression homosexuelle qui se transformait à son tour en parcours obligé… Aller fleurir les grilles du consulat de Russie me donnait après ces dix kilomètres de marche à travers la ville, la vague sensation d’être Antigone mais il n’y avait même plus de Créon à affronter, tous des baudruches avec lesquelles il n’y a même plus à discuter de ce qu’exige la cité…
Ma chance a été que je me moquais de la notoriété, qu’il y avait internet, mes voyages, ce goût de la vie et la joie qu’il engendre et pour moi il restait l’essentiel: il n’y avait encore et toujours que cette exigence de justice et de vérité qui fait qu’aujourd’hui, octogénaire, je me précipite tête baissée quand je suis indignée comme je le suis devant cet immonde silence des “responsables” politicards devant l’horreur de ce qui s’est passé à Moscou, j’éprouve alors de la nausée…Ces gens là se croient très malins, ils ont toujours un coup d’avance et déjà ils préparent les muncipales à Paris avant tout, ils ne connaissent que Paris comme les médiaas il n’est bon bec que de paris et il vaut toujours toutes les messes, tous les reniements, tous les silences quelquefois on y ajoute même une expédition dans les terres de la délinquance basanée qu’est Marseille, alors il faut se taire ensemble tous avec Glucksman et Payen… Oui mais le nez sur la prochaine élection ils oublient l’histoire; qui elle a besoin de se penser au minimum sur 50 ans et ils bafouent notre naive émotion devant ce qui se passe à Moscou et à Gaza, y compris et surtout quand on est juives… Ils ne sont pas dignes de cette fleuriste, du peuple français… Et ils font ça de peur de perdre une voix, ils renoncent à toute humanité par dieu sait quel calcul alors que me reste-t-il sinon les priver de mon vote, de renoncer à la citoyenneté quand elle est à ce prix de lâcheté…
Ce qu’ils oublient peureux comme ils sont devenus, bloqués dans leurs peurs et volonté de se faire accepter c’est que personne n’aime les lâches… On n’a même pas besoin de les critiquer, on les abandonne sans un mot et on n’en parle plus, on parle de choses plus intéressantes, on se passionne, on agit ensemble comme pour ce bouquet mais on ne perd plus une minute à se poser la question pour qui voter…
J’ai déposé notre beau bouquet par terre devant la grille du consulat, il y avait déjà des bouquets, des roses rouges, des oeillets… et des petites lumières…
Danielle Bleitrach
-- Danielle :
Comment trouves tu le temps et le talent d'écrire et de publier aussi vite de si belles choses ?
Une si belle histoire?
Pedrito
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