mercredi 17 avril 2024

 

demain 17 avril c’est mon anniversaire, j’aurai 86 ans et il n’y aura pas de publication sur le blog… je fais l’école buissonnière…


ce matin je suis allée à mon cours de yoga : deux heures avec d’autres vieilles dames, le plus dur c’est de se fixer sur soi même et de suivre son corps, moi j’ai tendance à penser et j’ai du mal à ne pas poursuivre un raisonnement quelconque au lieu de m’immerger dans moi et l’air ambiant…Mais le fond de cette activité est de ne pas cesser d’apprendre y compris les “trucs” qui limitent les dégats… Je suis d’une génération qui, grâce à entre autres Ambroise Croizat (et en fond l’existence d’une URSS victorieuse), a vu sa longvité croitre et avoir des années de “retraite” pleines de vie… Il n’en demeure pas moins que la prolongation peut aussi signifier des années de survie dans un état diminué et qu’il arrive un âge où ce genre de chose peut être à l’ordre du jour.. Donc, Je ne parle pas de moi mais de ces étapes de notre vie à tous auxquels nous sommes si mal préparés.

illustration de Jay nombalais… elle m’apporte l’air, l’espace et un autre continent, africain, asiatique qu’importe…

En me rendant au cours, je suis passée devant le collège des Chartreux, il y a quelques jours, vendredi dernier, la rue était bloquée les policiers du raid faisaient sortir les enfants, les mères en pleurs étaient parquées à l’écart, c’était un canular, une alerte à la bombe. Ce mardi, deux gamins d’environ quatorze ans étaient en plein pugilat. Des hommes adultes sont intervenus pour les séparer.. Ils ont ceinturé le garçon croyant qu’il attaquait la fille, pas du tout c’était elle la plus déchaînée non seulement elle revenait à la charge mais elle savait se battre et ses coups de poing étaient bien placés. Les hommes qui s’étaient interposés ne savaient plus que faire de cette diablesse… J’ai contemplé le spectacle, partagée devant la réprobation devant sauvagerie de ces enfants, et ce quelque chose en moi qui félicitait la fillette de savoir si bien tenir le choc: “Vas-y ! ça peut toujours servir!” J’ai raconté ça le soir à la femme qui cultive et vend des légumes en déchargeant son camion sur la place devant chez moi… Elle m’a dit : “moi aussi j’étais comme ça, il fallait pas m’emmerder! “… Dans une certaine mesure le combat que je mène pour empêcher que mon corps s’effondre est de même nature comme la marchande de légume qui avait tout dû décharger avec son rhumatisme en limitant les analgésiques parce que ça fait mal à l’estomac… C’est cette complicité que j’apprécie entre femmes… Tout sauf pleurnicher…

Dimanche je me suis baignée, il y avait un monde fou sur la plage… L’eau était à 15 degré formidable quand on s’était immergé… Toujours le même plaisir simplement la difficulté à avancer sur le sable quand on perd l’équilibre… On a besoin d’une main charitable pour rentrer et pour sortir… J’apprends la vieillesse et je tente de maîtriser les signes de ma décripitude avec la passion d’un entomologiste et cela me fait regarder les autres avec admiration, comme c’est magnifique ce corps d’enfant, celui de cette jeune femme…

Pour revenir à la question initiale celle de ce tournant où l’on passe à un corps diminué et où la prolongation peut signifier la survie, je suis d’une famille où l’on vit jusqu’à plus de 100 ans et où l’on meurt en bonne santé… Ma conviction corroborée par tout le corps médical est que je suis cette tradition puisqu’à 86 ans je ne prends aucun médicament, non que je les refuse mais je n’en ai pas besoin; pas la moindre tension diabète, cholestérol, tout cela est inconnu, j’abats environ 10 Km par jour de marche même si mon équilibre n’est plus ce qu’il était je prends ces cours de yoga pour éduquer ce qu’il en reste… intellectuellement c’est là sans doute l’essentiel je conserve cette insatiable curiosité et j’ai découvert récemment à quel point il est nécessaire de rester vivant émotionnellement, de ne pas avoir peur de renoncer à ce que l’on ne désire ni n’estime sous prétexe qu’avec l’âge votre capital relationnel se raréfierait.

C’est là le sens de mon propos et qui rejoint ce sentiment éprouvé devant la vitalité : il ne faut jamais se contenter des restes, de ce qui vous est concédé, il faut conserver l’exigence émotionnelle de vos vingt ans (enfin si à cet âge là vous n’étiez pas déjà convaincue de ne pas mériter le meilleur). Une hygiène de vie s’avère essentielle mais c’est de la technique, l’important est ce qui vous anime et sur lequel vous ne pouvez transiger à aucun prix, ne jamais baisser la garde parce que vos raisons de vivre valent mieux que votre existence… Il y a en ce moment un slogan politique “reprenons la main”… C’est très bien mais il ne suffit pas de dire, il faut faire et c’est souvent là que le bat blesse… Il faut certes des compromis sauf quand ceux-ci deviennent contradictoires avec le but et quand on n’ose même plus penser au but…

Je dois dire que j’ai tellement cultivé cette orientation que cela a créé chez moi une étrange manie: je ne supporte pas que l’on manipule l’Histoire, c’est aussi fort que si l’on mentait sur ma propre vie. Comment en suis-je arrivée à ainsi me confondre non seulement avec les temps que j’ai personnellement vécus mais avec ce qui me passionne à savoir ce temps immémorial dans lequel le vivant et la mémoire collective s’unissent. C”est étrange et cela me fait même parfois accuser d’insensibilité puisque j’ai de plus en plus tendance à faire passer mon besoin des autres à travers ce prisme.

Il est ce moment de la vie où vous avez plus que jamais besoin de cette richesse entretenue par tant de jours et souvent dans l’inconscience, ce désir d’exister non pas pour perdurer mais pour connaitre, savoir la suite de l’histoire, la votre, celle des autres… Enfin c’est ma manière à moi d’aller vers la mort en bonne santé; il en est probablement d’autres mais leur logique doit être assez proche… Le rire en est la récompense. A l’âge où l’on vacille comme un petit enfant qui découvre la marche sans avoir le charme qui pousse chacun à vous ouvrir les bras, il reste ce qui illumine votre regard, vous fait sourire…

L’humanité est d’une diversité inépuisable… ce qui me rend joyeuse et avide à l’idée qu’il me reste si peu alors que je reste boulimique de tout ça… Merci à vous tous lecteurs et collaborateurs de ce blog à toi Marianne en particulier, à ce moment actuel oùnous sommes toutes deux partagées entre la satisfaction de voir à quel point ce que nous ne cessons d’exposer est en train de pénétrer les esprits, l’idée que bientôt cela va être le bien commun, qu’ils n’auront plus besoin de nous… et dans le même temps l’irritation devant ce qui demeure fragmentaire, sans action réelle… Cette fatigue qui te tombe dessus l’après-midi, et moi ma vue qui baisse,les fautes de frappe que tu dois corriger… onc ce 17 avril, nous nous reposons…mais ily a tant de choses que vous n’avez pas eu le temps de lire dans ce blog où nous affichons nos fidélités mais aussi ma préférence d’être plus facilement à paradoxes qu’à préjugés…

A ce propos, ce 16 avril s’est terminé sur cette histoire de l’antisémitisme sur Arte, pour une fois assez bien conçue et quel plus étrange apparent paradoxe que de se sentir appartenir historiquement à ce peuple, d’en revendiquer les expériences au point de n’avoir jamais pu supporter que l’on veuille faire de nous des imbéciles malveillants comme ceux à qui l’antisémitisme, le bouc émissaire a toujours été nécessaire pour conjurer ses peurs et ce vide qui le guettent… Avoir tiré de cette conscience la liberté de n’être jamais encombré par des fausses solidairtés au point de dénoncer Glucksman, Netanayoun et Zelensky parce qu’ils sont inhumains et parce qu’ils acceptent et revendiquent le rôle d’intermédiaire, de paravent de la puissance destructrice qu’ils servent en justifiant ce qui créa pour toujours une excuse à ceux qui n’osent pas affronter l’origine réelle de leurs malheurs. Pendant deux cent ans, alors que le capitalisme n’existait pas encore quelques juifs ont été “les pores” d’une société non marchandes, les intermédiaires méprisés de l’exploitation des serfs, en Pologne cela a même duré plus longtemps… Quand le peuple se révoltait devant l’imposition on lui livrait le juif pour mieux se préserver… Ces gens-là comme les Glucksman sont en train de renouveler ce rôle pour un impérialisme déclinant, pour les imbéciles qui préferont le pogrome à la lutte des classes… Dans ce grand basculement qui nourrit toutes les chasses aux sorcières, les obscurantismes, à cause d’eux l’apaisement est plus difficile… Et certains aspects me heurtent comme le ferait la craie sur le tableau noir. Le chagrin d’une vieille dame qui n’aspire qu’à la joie.

Il y a eu un film l’homme qui retrécit: après avoir reçu de la pluie radioactive, un homme retrécit et il devient plus petit qu’un microbe, il doit abandonner ce qui a fait sa vie et qui a continué à l’entourer jusqu’à ce qu’il soit invisible, la dernière image est son exploration d’une feuille devenue univers… Je suis un peu ça à la différence près que cet infiniment petit rejoint comme étant la chose la plus intéressante le fait que l’on est en train de repenser l’immensité…

danielle Bleitrach


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