L'attentat du "Crocus City Hall" : un message sans équivoque envoyé à Moscou
Un message sans équivoque envoyé à Moscou
Le massacre de 150 spectateurs russes lors d'un concert de rock au « Crocus City Hall », qui comme son nom ne l’indique pas se trouve dans la banlieue de Moscou, perpétré le 22 mars dernier suivant le mode opératoire du Bataclan du 13 novembre 2015, par un quarteron d’islamistes de Daesh - dotés d’un instinct de conservation assez inhabituel chez ce genre de gens -, fait l’objet d’interprétations diverses. En Occident, on y voit avec une satisfaction à peine dissimulée le résultat de la confrontation de la Russie avec les islamistes radicaux en Syrie, en Tchétchénie. En Russie on cherche à incriminer directement les services ukrainiens.
Soit dit en passant, si les autorités russes n’avaient pas laissé les policiers secouer les terroristes, et les présenter à la justice en fort mauvais état, elles auraient donné l'impression de maitriser un peu mieux la situation.
En réalité ce n’est ni « Daesh » ou « Isis » ou quelque soit le nom dont ce gang est affublé, qui a une autonomie et une capacité d’action résiduelles et fort limitées depuis qu'il a perdu l'appui des pétromonarchies du Golfe, ni l’Ukraine qui n'a plus rien à prouver dans le domaine du terrorisme mais qui organise des attentats ciblés, comparables aux actions des « escadrons de la mort » latino-américains, qui sont à l’origine de ce crime de masse, même si les exécutants relèvent d’un tendance islamiste perverse et psychotique réelle et que des complicités en Ukraine peuvent exister (mais on se demande encore comment l’Ukraine aurait pu les exfiltrer de Russie carrément à travers le front - à vouloir trop prouver on présente la Russie comme une passoire).
Pour une fois la vérité est simple. Les inspirateurs de l’attentat se trouvent à Washington et sans doute à Londres . Quel était leur but ? Pour un peu, semer trouble et inquiétude en Russie, surtout si on pense qu’il aurait pu se produire quelques jours plus tôt, à la veille d’élections présidentielles en Russie. Il entre donc assez vaguement dans la logique d'une stratégie de la tension spéculant désespérément sur un retournement contre Poutine de l’opinion publique en Russie. De tels plans existent toujours, échouent toujours, et on les recommence toujours.
Mais surtout, il s’agit d’un message d’intimidation sans équivoque lancé à la Russie, d'une extrême gravité, et qui tente de contourner la dissuasion nucléaire : « quelques soient vos succès militaires sur le terrain, nous avons les moyens de vous toucher au cœur en organisant des attentats, et d'autres formes d'agressions létales dans votre pays, pour le déstabiliser durant des décennies comme nous n‘avons pas hésité à le faire dans le passé en Afghanistan, en Asie centrale et dans le Caucase, et vous finirez par capituler comme Gorbatchev avant vous ».
L’avertissement donné par les ambassades américaines et britanniques en Russie le 7 mars, qui conseillait à leurs ressortissants de rester chez eux et surtout d’éviter les salles de concert ce jour-là et le lendemain doit être compris comme une revendication anticipée : car outre le fait qu'ils ne se bousculent pas à Moscou (on n'y rencontre même plus les correspondants de guerre), le sort de ceux qui pourraient encore s’y trouver ne les inquiète pas beaucoup, pas plus qu'ils ne se sont souciés du destin de Gonzalo Lima, citoyen américain pro-russe, que son pays à laissé mourir dans les prisons d’Ukraine.
Les États-Unis se moquent de la sécurité leurs citoyens qui sont assez imprudent pour se rendre en Russie malgré les instructions les plus fermes, mais ils tiennent à montrer aux Russes ce qu’ils sont capables de faire : semer la mort et la destruction aveugles, par personnes interposées, comme en Syrie, pendant des dizaines d’années - et comme ils ont tenté de faire aussi au Xinjiang, en Chine.
Quant à l' unanimité prématurée et empressée de toutes les chancelleries de l'OTAN et de tous les médias mainstream pour disculper l’Ukraine par avance, alors que l'incendie déclenché par les terroristes n'était pas encore éteint et qu'ils n'en pouvaient savoir absolument rien, ce n'est qu'une confirmation supplémentaire de la revendication implicite américaine.
Une voix indignée va ici nous interrompre :
« Comment peut-on supposer une telle horreur de la part d'hommes et de femmes d'État démocrates et libéraux convaincus, que nous avons élus, que les Américains qui partagent nos valeurs ont élus, et qui nous gouvernent? Ils ont leurs défauts, mais ce sont des personnes civilisées ! Il faut vraiment avoir un esprit complotiste et pervers pour formuler des hypothèses aussi répugnantes ! Où trouver parmi nous de tels criminels ? Ce n’est pas crédible, de telles hypothèses devraient faire honte à leurs auteurs, et les diffuser devrait être interdit ! Que font donc les « fact-checkers » ? »
Et bien ces démocrates et ces libéraux-là ce sont bien les descendants directs de ceux qui ont ordonné le bombardement atomique d’Hiroshima et Nagasaki, et quelques années plus tard qui ont écrasé sous les bombes la Corée du Nord et le Cambodge, à l’époque où leur contrôle sur le monde était contesté par l’URSS au faîte de sa puissance, et qui sont à nouveau capables de tout, quand il l’est à nouveau par l'alliance de la Russie et de la Chine. Et ils le font savoir. Et c'est à l'évidence ce qu'il fallait attendre de ceux qui sont les successeurs directs de ceux qui ont mis sur pied sur une grande échelle le terrorisme islamiste, avec l'aide des Saoudiens, pour lutter contre l'URSS en Afghanistan.
Et c’est bien ainsi que le l’avertissement du 7 mars avait été compris par Vladimir Poutine, le qualifiant même de chantage évident. Mais il n’avait pas pensé que l’équipe chargée de mettre la menace à exécution était déjà dans la place, et il se trouve maintenant embarrassé, obligé de rétropédaler, peu enthousiaste qu’il est à prendre l’initiative d’une réponse à la mesure du défi qui serait interprétée une fois de plus par l’Occident et tous ses médias, et son opinion publique de lemmings, comme une escalade « non provoquée ». Les Russes sont aussi prudents dans la confrontation militaire ouverte qui a commencé il y a deux ans, que leurs adversaires sont téméraires - jusqu'au délire, et cette prudence qu'on peut louer mais qui est peut-être excessive encourage ces adversaires - même les moins crédibles, comme Macron ou les politiciens polonais ou baltes - à tester toujours davantage leur détermination.
GQ, 2 avril 2024
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