Le sionisme aurait-il pris en otage la politique internationale des États-Unis ?
Le sionisme aurait-il pris en otage la politique internationale des États-Unis ?
Loin d’être un simple porte-avion insubmersible placé au Moyen Orient par l’impérialisme américain, comme Tai Wan en Mer de Chine, Israël aurait-il pris le contrôle des États-Unis ?
Comme il ne pourrait exercer une telle influence que par l’intermédiaire du lobby juif états-unien, la réponse possible à cette question est liée au tabou du rôle politique des juifs en Occident.
S’il est vrai que la simple masse respective des États en cause rend l’hypothèse improbable, le fait qu’il soit fort difficile de formuler cette hypothèse sans être diabolisé introduit le soupçon que ce soit effectivement le cas. Suivant l’adage attribué à Voltaire : « si tu veux savoir qui a le pouvoir, regarde qui tu n’as pas le droit de critiquer ».
Alors revenons sur ce tabou.
Il existe un préjugé populaire : les juifs sont plus intelligents et plus riches que les autres – exprimé quand on ose le faire avec une pointe de jalousie.
J’ai le regret de le dire, mais ce préjugé a toutes les chances de refléter la réalité. On ne trouvera pas facilement, à cause du tabou justement, les données statistiques précises pour le confirmer, mais c’est l’évidence même.
Il est en effet évident que les juifs qui représentent au grand maximum 2% de la population de l’Occident (Israël compris, 20 millions environ sur un milliard) y possèdent plus de 2 % du capital, occupent plus de 2% des hauts postes de responsabilité, et représentent plus de 2% des célébrités de l'art, de la science, de la culture et de la politique.
En Occident depuis un siècle les juifs ont réalisé une ascension sociale rapide et générale, qui les place maintenant presque tous dans la bourgeoise, et plutôt dans sa tranche supérieure (ce qui n’était pas du tout le cas avant 1945 à l’époque où les préjugés antisémites étaient monnaie courante et acceptés dans la culture commune, et constituaient le fond de commerce de la démagogie électorale de la droite et du fascisme).
Or si les juifs sont d’une manière générale plus riches et plus intelligents que les autres, il va sans dire qu’ils sont aussi plus influents.
Voilà donc profané le tabou et révélé le secret de polichinelle qui obsède les esprits dans nos sociétés libérales et dites démocratiques. Vous voyez que ce n’était pas si difficile.
Maintenant cette influence est-elle illégitime, relève-t-elle d’un privilège immérité ? Oui et non.
Non parce que la réussite scolaire et la manifestation du talent individuel sont les seules sources de légitimité pour les « distinctions sociales » comme l’écrit la Déclaration de Droits de l’Homme de 1789, admises par la bourgeoisie depuis 1789 comme ses Tables de la Loi, et comme les juifs ne manquent ni de diplômes ni de talents reconnus, on peut dire qu’ils jouent loyalement le jeu de la méritocratie.
Mais elle perd rapidement sa légitimité et se dégrade en privilèges indus lorsque cette situation se reproduit sur deux ou trois générations, quand la prospérité acquise par le talent se mue en rente financière ou culturelle héritée, ce qui est considéré dans le langage démocratique comme un abus, au moins par l'aile gauche de l'idéologie bourgeoise ; et d’ailleurs cette rente, comme le font toujours les rentiers, s'investit dans le contrôle du territoire, par les investissements immobiliers, et sur un autre plan par la création nouvelle pour cette communauté ethnico-religieuse, en rupture avec ses meilleures traditions, d'un territoire national propre, situé comme on sait en Palestine.
A cause du sionisme, la culture juive qui était exempte du chauvinisme national qui affligeait les autres cultures bourgeoises a subi une sacrée baisse de niveau, comme en témoignent les fuites en avant dans la démesure et les déclarations hystériques des dirigeants politiques actuels en Israël et dans la diaspora.
La question de l’influence des juifs est donc une question interne à la bourgeoisie : ce groupe ethnico-religieux fait de l’ombre aux autres, et fait de l’ombre aussi aux représentants des classes populaires – et des autres minorités - qui veulent emprunter l’ascenseur social.
Comme dans les années 1930 quand l’apparition soudaine d'étudiants en médecine juifs a semé la panique dans la faculté où jusque-là les clientèles et les sinécures familles se transféraient tranquillement d’une génération à l’autre, une partie de la bourgeoise, notamment dans les universités en Amérique du Nord, commence à ruer dans les brancards - et utilise le soutien à la Palestine pour l'exprimer.
La bourgeoisie juive – c’est à dire en fait la communauté juive organisée qui est un de ses piliers – est surreprésentée, c’est le moins qu’on puisse dire, dans les secteurs dynamiques caractéristiques du système économique mondialisé postmoderne : finance, négoce, mais aussi communication, médias, culture, art, et la croissance relative de l’économie immatérielle défavorise l’économie industrielle chère aux webériens, qui était animée par des réseaux protestants, catholiques, relevant de fraternités laïques, ou par des réseaux structurés sur des territoires nationaux ou régionaux. Elle est aussi en phase avec le nouvel esprit du capitalisme caractérisé par l’hédonisme et la déchristianisation.
Critiquer le capitalisme actuel, c’est forcément qu’on le veuille ou non critiquer l'action des réseaux juifs qui contribuent à son fonctionnement; mais l’inverse n’est pas vrai. On peut et c'était en général ce qui se passait quand c’était permis, critiquer les juifs sans critiquer le capitalisme, et pour faire l'économie de la critique du capitalisme.
Donc on peut dire que oui, les juifs organisés en réseaux officiels ou informels et en groupes de pression politiques influencent fortement la détermination de la politique internationale américaine.
Leur dispersion dans les métropoles du monde occidental les rend plus conscients que les autres des intérêts stratégiques de l'empire américain, et mieux à même d'exercer une influence concertée et cohérente sur sa politique internationale. Mais l’Amérique pour elle-même n’est rien d’autre qu’une coalition instable de réseaux ethnico-religieux, et Israël par la mentalité dominante de sa population est largement homogène à la société américaine. Israël est en réalité un 51ème État des État-Unis et sans doute est-il encore plus prégnant dans la fixation de l’orientation générale de sa politique mondiale que la Californie.
Israël détermine la politique des États-Unis dans la mesure où il en fait partie, et qu’il n’est pas au fond un État souverain qui serait viable séparément.
Un dernier point : ce qui précède ne signifie pas que tous les juifs à titre individuel adhèrent au capitalisme ou à l’impérialisme, loin s’en faut. Comme tout le monde le sait d’ailleurs, ça va sans dire, mais c’est mieux en le disant.
Par ailleurs le terme « juif » désigne ici ceux qui se reconnaissent et s’identifient comme tels, et non comme faisaient les antisémites tous ceux qui ont des ancêtres juifs plus ou moins lointains. Mais dans notre fluide postmodernité, si des individus d'origine juive se détachent de leur communauté par rejet du sionisme, il y a bien davantage de néophytes paradoxaux du judaïsme qui veulent s’y agréger par intérêt, et qui utilisent le zèle pro-sioniste pour ce faire, de Biden à Macron et du RN aux néo-nazis ukrainiens.
GQ, 27 mai 2024
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