Emmanuel Todd : « La présidentielle 2022 s'annonce comme une comédie tragique »
Comment un historien pourrait-il décrire notre campagne présidentielle ? Des évènements importants se sont produits ces dernières années : la crise des gilets jaunes a mis en évidence la baisse de niveau de vie d’une partie importante de la population ; l’épidémie de coronavirus a révélé nos déficits de production industrielle, l’incapacité de la France à produire ce dont elle a besoin – en l’occurrence des masques, des respirateurs, des médicaments.
.....La gauche s’évanouit dans les intentions de vote. Aujourd’hui, tout le monde est de droite. D’après les sondages, 75 % du corps électoral. C’est un minimum puisqu‘il paraît difficile de considérer comme de gauche, en un sens économique, Anne Hidalgo, maire anti-banlieusard de Paris, ou Jean-Luc Mélenchon, identitaire d’un nouveau genre avec son concept de créolisation. Quant à Christiane Taubira, qu’est-elle exactement ? Aucune idée. La France semble hésiter entre l’extrême-droite (Le Pen, Zemmour) et une droite très à droite (Valérie Pécresse ciottisée et Emmanuel Macron législateur du séparatisme musulman). Au pays de 1789, ce qui nous arrive est historiquement stupéfiant.
....Le corps des citoyens est atomisé, privé de sentiments collectifs globaux ou sectoriels. Il est vieux. Il est donc de droite et fantasme sur l’Islam ou les Arabes. Avec cette précision que le vieillissement mental touche toutes les tranches d’âge. On pourrait évoquer une hégémonie gramscienne des retraités, dont nous avons vu s’épanouir la toute-puissance pendant l’épidémie de Covid.
....On a enfermé les jeunes pour protéger les vieux, vieux eux-mêmes non soumis à l’obligation vaccinale. On s’apprête à vacciner des enfants de 5 à 11 ans sans rendre la vaccination obligatoire pour les plus de 50 ans. Si nous ne nous ressaisissons pas, nous allons atteindre un sommet du ridicule politique avec une élection présidentielle tenue pendant une cinquième vague épidémique, mais qui ne parlera, au fond, que des musulmans...
.....Mais désormais, le potentiel de décision économique d’un président de la Ve république est nul. L’exécutif a abandonné le pouvoir de création monétaire et de régulation commerciale. Cet abandon rend toute action de réindustrialisation sérieuse, au-delà du mot, impossible.
.......Les électeurs français – vieux, jeunes, actifs, chômeurs, retraités, lorrains, bretons, charentais, savoyards ou rapatriés d’Algérie, riches, médiocres ou pauvres, diplômés ou non diplômés - doivent savoir que s’ils votent pour ceux qui bavassent sur la sécurité, l’immigration et l’islam, ils seront punis, personnellement et en masse, par une chute aggravée, accélérée, de leur niveau de vie dans les vingt ans qui viennent. Le racisme, s’ils s’y abandonnent, et contrairement à ce qu’ils pensent, va avoir pour eux un coût. Très élevé.
Si l’élection présidentielle qui vient est dans sa forme une comédie, elle est dans sa substance une tragédie.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire