mercredi 23 février 2022

Texte écrit avant l'intervention de Poutine, d'où son intérêt 

RUSSIE

Le « Barbarossa financier » qui s’annonce.

Par le Capitaine de Vaisseau (H) Yves Maillard

Ancien attaché naval en URSS, puis Russie. 

Et anticommuniste par surcroi...

 

Ne croyez pas un mot des soi-disant négociations en cours entre les Etats-Unis et la Russie pour résoudre la "crise ukrainienne". Il n'en ressortira rien. Rien qu'une accusation de plus contre ce dernier pays de ne pas avoir voulu jouer le "jeu diplomatique", et pour l'Amérique l'argument de pouvoir en tirer parti pour prétendre justifier de le frapper durement, comme l'Amérique sait le faire.

L'Ukraine ?

Un pays de malheur et de misère ravagé par un siècle de terribles tourments : la guerre de 14-18, la révolution bolchevique, la guerre civile, l'effroyable famine répressive stalinienne, la seconde guerre mondiale, le totalitarisme soviétique...On est loin de ce que Maria Gagarine écrivait et décrivait dans "Blonds étaient les blés d'Ukraine"...

Les Américains n'en ont rien à f... de l'Ukraine, et encore moins du Donbass. Ils ne voient dans ce pays et l'abcès qu'ils y ont mis délibérément que l'instrument de la guerre qu'ils entendent mener contre la Russie, qu'elle soit dirigée par Poutine ou un autre. Guerre, véritable guerre avec tout ce que cela veut dire, pour avoir commis, pour commettre encore, le crime impardonnable à leurs yeux que constitue le fait de s'attaquer au dollar, le dieu-dollar qui règne sans ambage et sans justification, ni économique, ni politique, ni morale surtout, sur la planète entière depuis longtemps, trop longtemps.

Forts de leur participation à la destruction de l'Allemagne nazie en 1945, de leur victoire sur le Japon, de leur KO debout de l'Union Soviétique en 1991, et s'appuyant sur une force militaire à la supériorité mondiale écrasante, ils inondent depuis soixante-quinze ans le monde entier d'une quantité invraisemblable de dollars, des milliards de dollars, des milliers de milliards de dollars, des dizaines de milliers de milliards de dollars, plus de 30.000 milliards de dollars aujourd'hui rien que pour l'état Fédéral, qui ne leur coûtent rien, mais avec lesquels ils achètent tout, ils polluent tout, ils corrompent tout, ils pillent la planète.

Dollars émis pratiquement sans contrepartie par la planche à billets, comme Jacques Rueff, du temps du général de Gaulle, l'avait très bien dénoncé et avait conduit à convaincre ce dernier de prendre les mesures qui s'imposaient alors pour la défense des intérêts de notre pays.

Les pays qui amassent des dollars en grande quantité en paiement des biens vendus et services rendus à l'Amérique seront tôt ou tard les dindons de la farce car ils finiront par se rendre compte, c'est inévitable, que ces créances ne valent rien, ou pas grand chose. La détention de dollars, sous quelque forme que ce soit, que ce soit par des particuliers , des entreprises ou des états, ce n'est pas autre chose qu'une créance sur l'Amérique.

Or il n'y a pas, et il n'y aura jamais, et de loin, en Amérique, de bien à vendre ou à produire, pour apurer ce qui de l'autre côté s'appelle la dette. Mais du fait du leadership mondial, militaire essentiellement, de l'Amérique, personne n'ose bouger.

L'Amérique vendue à la découpe, si on pouvait le faire, ne permettrait pas d'apurer sa dette, tellement elle est énorme, monstrueuse. Les rares pays qui, par le passé récent, ont osé s'élever contre cela, comme l'Irak de Saddam Hussein et la Libye de Kadhafi, forts croyaient-ils, de leurs ressources pétrolières sur lesquels ils espéraient pouvoir construire une indépendance financière et monétaire libérée du dollar, ont connu le sort tragique que l'on sait, justement pour avoir essayé de faire ça.

Qu'a fait la Russie ?

Pourquoi a-t-elle déclenché une telle haine de l'Amérique à son égard ? 2 Parce que depuis une quinzaine d'années, petit à petit, elle s'est défaite de l'essentiel de sa créance en dollars sur l'Amérique. Une centaine de milliards de dollars, ce qui peut paraître modeste au regard des trente mille précédemment cités, quand on sait que des pays comme la Chine en détiennent mille, ou le Japon mille trois cents.

Mais c'est une brèche insupportable pour les Américains dans leur citadelle dollar, qui ne manquera pas de faire école dans le monde entier, si la Russie n'est pas "punie".Et de conduire à l'effondrement total du dollar sur lequel se fonde la prospérité imméritée de l'Amérique et sa domination impérialiste du monde.

L'enjeu de ce qui se passe en ce moment en Ukraine, ce n'est bien évidemment pas l'Ukraine, dont tout le monde se f..., et encore moins le Donbass, dont tout le monde ou presque ignorait l'existence même jusqu'à ce jour, mais la pérennité du roi-dollar américain qui ne tient et n'existe que grâce à l'écrasante supériorité militaire américaine sur le monde. S'attaquer au dollar, ce qu'a donc fait la Russie en réclamant ce qui n'était que son dû légitime, c'est, pense l'Amérique, s'attaquer à elle, s'attaquer mortellement à elle car elle est insolvable de l'ensemble de ses dettes, et quand les autres pays créanciers du monde réclameront, eux aussi, leur dû, c'est inéluctable, ce sera sa déroute financière et morale.

L'Amérique se comporte comme ce débiteur insolvable, ce voyou, qui n'a, pense-t-il, que le recours de tuer son créancier qui réclame son dû, ou celui qui dénonce qu'il est un voyou.

L'Amérique n'a qu'une réponse, c'est la guerre. La guerre totale.

C'est ce qui se passe. Son problème c'est qu'elle ne peut pas ouvertement déclarer la guerre à la Russie. Il y a quasiment tous les jours des responsables politiques ou des généraux américains qui réclament le bombardement atomique de la Russie ! En violation flagrante de ce tout ce qui a pu être construit en matière de paix et de sécurité dans le monde depuis la fin de la seconde guerre mondiale, à commencer par l'Organisation des Nations Unies.

C'est épouvantable ! Et personne ne le dénonce. Ils n'oseront sans doute pas le faire. Le système de dissuasion russe, bien dimensionné, bien déterminé, ne le leur permettra pas. Nul doute que Poutine, approuvé certainement par la totalité du peuple russe, répondrait à une attaque atomique américaine par une riposte atomique à niveau, sans crainte d'une quelconque "escalade".

L'Amérique n'a pas envie, non plus, de perdre un seul soldat pour l'Ukraine en Europe, Biden vient de le rappeler. Alors il leur faut, il leur a fallu, trouver autre chose pour punir la Russie de s'être débarrassée de ses dollars. Il y a une évidence, pour ceux qui connaissent un peu ces pays, c'est que la Russie et l'Ukraine sont des pays, culturellement, anthropologiquement, très proches. Ils sont aussi proches que le sont le Nord et le Sud de la France, que l'étaient les Allemagne de l'Ouest et de l'Est. Les Américains ont cyniquement créé la la situation dont ils espèrent pouvoir tirer parti en provoquant une réaction des Russes qui justifierait, selon eux, l'action de "punition" qu'ils entendent infliger à la Russie. 

Quitte à agir contre la nature des peuples

C'est la partition de l'Ukraine. Ils ont chassé un régime qui pour n'être pas un modèle n'en avait pas été moins démocratiquement élu, pour le remplacer par un régime nationaliste et fascisant, tenu à bout de bras économique, après avoir pillé le maigre avoir financier de ce pauvre pays quasi miséreux. Changement de régime qui a eu pour conséquence inévitable le soulèvement d'une partie de la population qui ne l'acceptait pas, et s'est fatalement retournée vers la Russie pour demander son aide.

Le Donbass russophone et russophile. Celui-ci a aujourd'hui, de fait, quasiment fait sécession. Moscou, à présent, avec ses roubles, paye tout : les salaires des fonctionnaires, des entreprises, des retraités. L'Etat ukrainien n'y existe pratiquement plus. Aucune activité économique ne traverse la frontière entre l'Ukraine et le Donbass. Deux postes frontières restent ouverts pour les seules visites inter-familiales, car les liens familiaux entre les deux parties de l'Ukraine sont très forts, comme ils sont toujours très forts entre la Russie et l'Ukraine.

Le scénario de guerre et de "punition" mis en place par l'Amérique, avec l'appui de la Grande Bretagne. Contrairement à ce qu'affirme la propagande américaine, la Russie n'a aucune intention d'envahir l'Ukraine.

Ils font tout pour pousser l'Ukraine à attaquer le Donbass. Ils donnent en ce moment à l'Ukraine argent, armes et munitions en grandes quantités. Justement de ces grandes quantités de munitions dont on a besoin pour soutenir une guerre qui doit durer. C'est criminel, délibéré, ciblé, signé.

Avec l'odieux chantage sur un pays économiquement et financièrement aux abois : "Si vous n'attaquez pas, on vous coupe les vivres", et c'est la population qui en souffrira. Comme ils ont su faire souffrir le peuple irakien, interdit de vendre ses hydrocarbures, ce qui aurait permis de ne pas laisser mourir de faim, de manque de médicaments et d'eau potable, des centaines de milliers d'enfants.

Comme en ce moment les maigres avoirs du peuple afghan sont gelés du fait américain à l'extérieur du pays alors que la population connaît la famine. Crimes contre l'humanité à mettre au même rang que la Shoah. Les Américains ont promis aux Ukrainiens qu'ils récupèreront non seulement le Donbass, mais aussi la Crimée. Promesses irresponsables

L'attaque du Donbass entraînera immédiatement la réaction de Moscou qui tentera de s'y opposer militairement, en intervenant sur un territoire, officiellement, encore ukrainien. L"agression", clairement contraire aux dispositions de la charte des Nations Unies, sera caractérisée.

Les Américains s'estimeront en droit de "punir la Russie". Bien que personne ne leur ait jamais conféré ce "droit de punir", mais ils le prendront. Ils n'attaqueront pas militairement la Russie. Ils ne le peuvent pas, on l'a vu ci-dessus, ni à l'arme atomique, pour cause de riposte russe probable, ni par armes classiques, ne voulant perdre aucun soldat. Mais ils ont la capacité de nuire à ce pays pratiquement autant que s'il l'avait militairement attaqué.

C'est ce qu'on pourrait appeler un "Barbarossa financier".

Tout est en place. Tout a été annoncé. Tout peut être déclenché du jour au lendemain. Tous les avoirs russes, que ce soient les avoirs d'Etat, des entreprises ou des particuliers, en dépôt dans les banques anglo-saxonnes, seront gelés, confisqués.

Il faut s'attendre aussi à ce que les Etats-Unis et la Grande Bretagne fassent pression sur tous les pays du monde pour que eux-aussi gèlent aussi les avoirs russes, notamment par les établissements bancaires où les anglo-saxons ont des intérêts ou des participations, et où ils sont en mesure de dicter leurs volontés.

Tout commerce avec la Russie sera interdit. Le blocus sera total. Biden a d'ores et déjà averti que "North Stream 2 aurait cessé d'exister". Il ne précise pas si ce serait avec ou sans bombardement. Les Allemands n'ont pas réagi à ce jour.

La Russie sera débranchée du système de paiements et de compensations financières international et planétaire, mais contrôlé par les anglo-saxons, SWIFT.

Bref, ce sera l'asphyxie financière pour la Russie. Tous les pays du monde recevront toutes sortes de pressions, sous peine de sanctions, s'ils ne s'y plient pas, pour contribuer à cette asphyxie. Il n'y a guère que la Chine et quelques pays qui se comptent sur les doigts de la main qui seront en mesure de résister.

Pour la Russie cela risque d'être terrible. Eux aussi ont besoin des ressources de leurs exportations pour vivre, simplement se nourrir. Ils paieront cher d'avoir voulu s'affranchir du dollar-roi.

Ce qui était pourtant leur droit le plus strict.

La Russie sera assommée, durablement et profondément assommée, espèrent les Américains, de quoi dissuader quelque 'autre pays d'en faire autant, en particulier les pays d'Asie, ce qui est le but de l'opération.

Pour eux la Russie n'est plus qu'un "petit pays de moins de cent cinquante millions d'habitants" au sort duquel ils sont indifférents.

C'est probablement là une grave erreur. Ils ont oublié l'Histoire, et en particulier que la Russie a survécu....à Barbarossa d'Hitler.

 

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