mardi 3 mai 2022

 
MARTIN BERTRAND / HANS LUCAS / HANS LUCAS VIA AFP

2021-2027: chronique d’une austérité programmée

Tribune

Par Frédéric Farah Blog Marianne

A écouter les déclarations de l’exécutif, à lire les rapports rendus au pouvoir, le retour de la rigueur budgétaire se profile. Même à quelques mois des élections.

La fin du confinement, des couvre-feu successifs ont placé les français dans une situation d’étrange attente. L’été à venir sera-t il à l’image du précédent, une pause avant un nouveau tour de vis à la rentrée ? Des élections se sont aussi tenues et ont rappelé une évidence si présente depuis la décennie 1980, celle de l’éloignement des citoyens du pouvoir. Au milieu de ce temps flottant et d’une vie politique largement vidée de toute substance, l’après crise économique se prépare même si les conséquences de la pandémie ne sont pas encore derrière nous. L’après pandémie prend tranquillement la forme de l’austérité.

Différents éléments l’indiquent et mis bout à bout donnent à la voir de manière indiscutable : le rapport Arthuis sur l’avenir des finances publiques, les déclarations des représentants de la majorité indiquant la fin « du quoi qu’il en coûte », le rapport de la Cour des comptes, la réforme de l’assurance chômage et surtout le programme de stabilisation 2021-2027 envoyé à l’Union européenne au printemps. Ce document, dont toutes les citations qui suivent sont extraites, est souvent peu évoqué dans la presse. Il ne fait pourtant pas de mystère sur la politique économique à conduire comme les suggère les morceaux suivants.

Transformations structurelles

« La situation nécessite de soutenir la croissance potentielle, notamment par le plan de relance, et de maîtriser l’évolution des dépenses publiques, en contenant leur progression à +0,7 % par an en volume entre 2022 et 2027 (…). Ce rythme, qu’il convient d’inscrire dans la durée, est ambitieux. Il suppose de réitérer les résultats atteints en 2018 et 2019 à la faveur de transformations structurelles de politiques publiques ciblées, avec un taux de croissance annuel moyen sous-jacent de 0,7 % sur les deux années, soit moins que la moyenne de 1,0 % par an réalisée sur la période 2012-2017, ou que la moyenne de 1,4 % sur la période 2007-2012. »

Le rythme de progression de la dépense publique sera le plus faible au regard des périodes précédentes. La violence du choc économique à prévoir risque de rendre impossible toute sortie de crise. Des réformes dites structurelles sont attendues de la part des Etats pour accompagner ce mouvement. La sphère sociale est visée.

Efficacité de la dépense publique

« Cette stratégie doit reposer sur la poursuite des réformes structurelles favorables à l’activité, ainsi que l’amélioration de l’efficacité de la dépense publique. Les réformes structurelles ont concerné des pans importants de la dépense depuis 2017 : formation professionnelle, logement, audiovisuel public, ferroviaire, indemnisation du chômage, accompagnement des plus éloignés de l’emploi. »

Cette novlangue européenne requiert une traduction. Les réformes structurelles sont le maitre mot de la stratégie de croissance européenne depuis les années 1990. En résumé, le champ de la protection sociale, le marché du travail, et le marché des biens et services doivent être placés sous le signe de la concurrence, de la flexibilité. Le social est aussi perçu comme un poids à réduire et les mécanismes de marché sont encouragés.

L’effort que la France propose de réaliser va se faire sur la sphère sociale et particulièrement sur les retraites, l’assurance maladie, et l’assurance chômage.

Transformation du système de santé

« Les administrations de sécurité sociale, qui représentent la moitié de la dépense publique, devront également participer à la modération des dépenses, avec la poursuite de la transformation du système de santé, engagée avec le Ségur de la santé, et au-delà des facteurs exceptionnels liés à la crise »

L’assurance chômage sera source d’économies « Les prestations d’assurance chômage diminueraient en 2021 (-9,3%), dans un contexte de rebond de l’activité permettant une réduction progressive des dépenses d’activité partielle à 3,7 Md€ en 2021. Les dispositions de la réforme de l'assurance chômage concernant le calcul de l’indemnisation et le salaire journalier de référence entrent en vigueur le 1er juillet 2021. »

Le gouvernement indique simplement la modification  du calcul de l’indemnisation du salaire journalier de référence sans autre explication. Le gouvernement entend clairement que ces nouvelles modalités vont entrainer une baisse du montant distribué. L’addition de la crise sera encore une fois de plus payé par les plus vulnérables.

Système universel de retraite

« Concernant le système de retraite, un projet de réforme vers un système universel de retraite a été présenté au Parlement mais il a été suspendu avec la crise sanitaire en mars 2020. Le diagnostic sous-jacent à la préparation de ce projet de réforme demeure, et a même été renforcé par la crise sanitaire : le système actuel de retraite est trop fragmenté et porteur d’inégalités (comme en témoigne l’impact de la crise sur les indépendants) ; il n’incite pas assez à l’emploi des seniors, alors que la France pâtit d’un taux d’emploi des seniors parmi les plus faibles des pays avancés, ce qui freine la prospérité collective du pays ; enfin, la soutenabilité financière du système n’est pas assurée avec les paramètres actuels »

Le Conseil d’orientation des retraites pourtant dans son dernier rapport de juin 2021 affirme le contraire et n’indique pas de menace sur l’équilibre financier des retraites.

La crise pandémique n’a rien changé des orientations idéologiques qui prévalaient. La logique déflationniste est toujours à l’œuvre. Il serait possible d’ajouter bon nombre d’éléments présents dans le programme de stabilisation qui requerraient de longs développements sur la transformation de la fonction publique, le recours excessif à l’externalisation, la pression sur les personnels, la propagation des techniques du nouveau management public dont toute la nocivité a été perçue lors de la pandémie.

La sortie de crise laisse entrevoir le retour à l’austérité qui sera une nouvelle fois assumée par les plus vulnérables. La lutte des classes vous dis-je.

 

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