Marioupol, je suis depuis plusieurs heures dans un des quartiers détruits de la ville, les immeubles carbonisés et touchés par les obus d’artillerie se succèdent. Au milieu des ruines vivent de très nombreux habitants. Des magasins de fortunes se sont ouverts ici et là, ailleurs ce sont des enfants qui jouent aux pieds des bâtiments en partie pulvérisés. C’est en parcourant toutes ces ruines que je suis tombé sur Evguény, un habitant d’immeubles corporatifs qui me racontera le siège et comment il a vu la propagande ukrainienne utiliser leur refuge comme la preuve de la déportation des populations « ukrainiennes » en Russie et en Sibérie. Il était question de la déportation de plus d’un million « d’Ukrainiens » vers la Russie selon TF1. Plus prudent Ouest-France jetait un doute vicieux sur ces fameuses déportations, dans un article où la source des accusations était citée : le maire et les autorités municipales de Marioupol. Dans le même temps France-Info est allé jusqu’à publier une carte des « camps » où auraient été déportés les « civils ukrainiens ». Cette idée propagandiste ukrainienne du camp de concentration existe déjà de longue date, deux ans auparavant ils inventaient un tel camp… à Donetsk, qui bien sûr n’a pas d’existence. La méthode est toujours la même, construire un narratif de toute pièce, en prenant de faux témoins, ou en manipulant des vidéos pour donner l’illusion de cette réalité. En France on ne s’embarrasse plus d’ailleurs avec la vérité depuis bien longtemps. Tous ces médias français n’ont aucun reporter sur place, encore moins de spécialistes de la Russie et parlant le russe, mais une fois le coup de propagande fait à la fin du mois d’avril et jusqu’au début du mois de juin, la fine équipe des journalistes de ces rédactions a été lancée sur d’autres « vérités » médiatiques de désinformations. Sur le même principe de la diffamation, il reste de toute façon toujours quelque chose de ces mensonges.
Luc Chagnon, un étudiant frais moulu de l’école bombardé spécialiste de la Russie et de l’Ukraine. Encore étudiant à l’école supérieure de journalisme de Lille, et à Sciences Po, où il est en Master II de Journaliste Généraliste, dans la spécialité « journalisme économique et environnemental », et dans un autre Master II sur le thème de « l’économie et l’histoire des droits des médias » dans la partie sociologie du journalisme, c’est donc ce personnage et bien d’autres qui vous informent sur « la vérité vraie et prouvée » de l’Ukraine, du Donbass et de la Russie. Sans aucune formation et expérience sur les thèmes internationaux, encore moins envoyé sur le terrain ne serait-ce que trois jours, n’ayant jamais mis les pieds ni en Ukraine, ni en Russie, ne parlant pas un traître mot des deux langues, c’est lui pourtant qui à France-Info a fait cet article « d’information » et de scoop médiatique sur les déportations de populations. Elles n’ont bien sûr aucune existence et n’en auront jamais. Pourquoi ? En premier lieu car ces populations du Donbass sont des Russes ethniques et sont partis délibérément vers la Russie. En second lieu parce que j’ai vu de mes propres yeux à Bezymennoye, près de Marioupol des autobus ukrainiens, avec leurs chauffeurs, à qui j’ai parlé, et qui étaient chargés d’emmener en Ukraine les civils qui ne désiraient pas partir en Russie (début mai 2022). C’est sans vergogne, et je dirais de manière vraiment malhonnête que de tels articles sont écrits dans les médias français. Peut-on blâmer Luc Chagnon ? Oui en partie, mais toute sa carrière dépend de son allégeance au système et aux rédactions. S’il n’emboîtait pas le pas dans cette direction autant dire qu’il pourrait dire adieu à son confort et à son investissement dans ses études. Sait-il la vérité ? Peut-être pas, il est peut-être le premier désinformé et croit vraiment à ce qu’il a écrit, lui-même manipulé et façonné par les fameuses écoles de journalisme et de Sciences Po. C’est un système sclérosé par le pouvoir et les lobbyings qui forme plutôt les fameux « Chiens de Garde », triste réalité d’un journalisme français à l’agonie. C’est au dessus bien sûr que sont les plus grandes responsabilités, d’abord dans les rédactions, puis encore au dessus ceux qui donnent les ordres de l’orientation à donner et de la propagande à produire. A France-Info média public, il s’agit donc du gouvernement français, tout est dit !
Evguény et son récit d’une vidéo ukrainienne sur « le camp de concentration de Marioupol ». Très loin du fauteuil de Luc Chagnon confortablement installé derrière son bureau, je suis donc en présence de Evguény qui est un témoin direct. Il est un professeur d’Aïkido et fut un employé de l’usine Azovmach à Marioupol. Il attend depuis plusieurs semaines une commission pour entamer la reconstruction des immeubles sévèrement touchés par les combats et vit dans des conditions difficiles. L’hiver qui arrive fait peur, car les moyens à mettre en œuvre sont colossaux et malgré que toute la ville soit un énorme chantier, il s’inquiète et multiplie avec d’autres résidents les courriers dans les administrations. Evguény raconte : « lorsque tout a commencé les fascistes du régiment Azov sont arrivés dans notre quartier et particulièrement ici dans nos immeubles. Comme vous le voyez ils sont très hauts, ils forment un cercle et de là il était possible de dominer tout le secteur. Ils avaient installé des snipers sur les toits qui se baladaient de place en place, empêchant les nôtres d’avancer. Nous étions réfugiés dans deux caves qui existent sous ce bâtiment, soit environ 230 civils, des familles, des enfants et des personnes âgées. Nous avons vécu terrés pendant plusieurs semaines. Les nazis d’Azov ne nous ont pas tiré dessus, mais ils nous ont utilisé comme bouclier. Les Russes nous l’ont dit quand nous avons été libérés, ils savaient que nous étions là et ils ne pouvaient pas raser les immeubles avec l’artillerie, sous peine de faire des pertes humaines terribles. Ils ont perdus du monde à cause de cela, pour déloger les fameux snipers, ils étaient une dizaine environ et vivaient dans les appartements qu’ils avaient réquisitionné. Nous avons été surpris de découvrir plus tard sur internet une vidéo des ukrainiens montrant nos caves et les résidents de nos immeubles, sous le titre « Camp de Concentration » et l’affirmation que nous allions être déportés !!! Personne n’a été déporté ! Notre ancien maire, un partisan de l’Ukraine s’est enfui au tout début de l’attaque nous abandonnant à notre sort. C’est lui qui a affirmé que nous étions déportés et que nous étions emmenés en Sibérie. Ils ont simplement pris des morceaux de vidéos avec des civils et fait des montages ».
Natacha : nous espérons pouvoir reconstruire nos immeubles et que Marioupol soit intégrée à la Russie ! Evguény est bientôt rejoint par deux femmes portant toutes deux le prénom de Natacha. Elles sont des ingénieures de l’usine Azovmach et ont élevé leurs enfants dans les immeubles en ruines qui sont derrière nous. Elles ont attendu les Russes pendant 8 années et n’ont jamais accepté le Maïdan ni avalisé ce que l’Ukraine est devenue depuis lors. Elles sont inquiètes pour l’hiver à venir et s’échinent à trouver des solutions pour entamer les travaux dans leurs immeubles, car l’histoire de ces derniers est un peu particulière. Elles racontent : « En 1990, nous faisions partie d’un mouvement de jeunesse, qui dans toute l’URSS fonctionnait et animait nos vies. Notre directeur a eu vent d’un projet de constructions d’immeubles d’habitations dans une ville de Russie, sur un système collectif qui avait été pensé par ce mouvement. Nous avons adhéré tout de suite au projet, et nous avons construit nous mêmes ces immeubles. Les fonds venaient en grande partie de Russie, mais c’est nous qui avons construit tout cela ! Nous avons mis environ deux ans pour le faire, construisant ces dizaines de logements pour nos familles. C’était un système coopératif, nous étions jeunes et mêmes si nous étions des ingénieures en métallurgie et formées comme tels, nous avons tout réalisé. Nous avions un excellent niveau de vie ici, nos enfants ont joué dans la cour, vous voyez que nous avions aussi un terrain de sport et d’excellentes infrastructures. Nous avons survécu au siège, et malheureusement les destructions sont importantes. Nous vivons pour ainsi dire dans la rue, nous avons « notre cuisine » commune ici en bas des immeubles et nous avons mis en commun nos forces et nos ressources. Mais ce sera dur et nous attendons vraiment un soutien de la Russie. Il faut faire vite car l’hiver approche et nous n’avons pas d’électricité pour l’instant, et pour l’eau la situation est difficile, du moins où nous vivons. Nous n’avons pas pensé une minute à quitter nos appartements, c’est chez nous ici et nous reconstruirons tout cela ».
Sous leur conduite, nous ferons bientôt le tour du « campement ». Nous descendons dans les caves salutaires, où se trouvent encore les grabats qu’ils avaient installé du temps du siège. L’attente leur paraît très longue, car plusieurs mois ont passé. A quelques encablures des équipes d’ouvriers s’activent à réparer les lignes électriques. Ailleurs ce sont des ouvriers qui réparent les conduites souterraines d’eau, plus loin des gens tentent de réparer les dégâts des bombardements avec leurs propres moyens. Ce nouveau séjour de deux jours à Marioupol m’a également montré le retour de dizaines de milliers de personnes dans la ville. Les fameux « déportés » des goulags imaginaires de TF1, France-Info et Ouest-France sont revenus en masse dans la ville. Ce qui est impressionnant c’est justement l’activité à Marioupol, la circulation, les enfants qui vont à l’école. De mon avis, depuis mai, la population a au moins doublé par ces retours des habitants. Il est à parier qu’après l’évacuation de nombreux civils des zones de la région de Kharkov, nous retrouverons bien vite le narratif « des déportés », et celui de civils « massacrés » par les Russes qui l’auront été en réalité par les Ukrainiens eux-mêmes qui se sont déjà lancés dans d’horribles répressions. Les mêmes que celles que le Donbass et l’Est de l’Ukraine ont connues dans un passé douloureux qui remonte surtout aux années 2014-2016. Hélas, il y aura toujours un Luc Chagnon pour nous expliquer la vérité, à 2 500 km du front, mais cela les rédactions n’en ont cure. Le seul résultat qui compte est que la population française accepte le narratif ukrainien et continue de payer et de se faire manipuler. Reste à savoir si le peuple français le supportera encore des années.
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