dimanche 9 octobre 2022

Qu'est ce que ça signifie, "la gauche"?

4 Octobre 2022 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #Qu'est-ce que la "gauche", #Front historique, #GQ, #Élections, #Mille raisons de regretter l'URSS, #Chine

Qu'est ce que ça signifie, "la gauche"?

Il faut "être de gauche" ! Être de droite c’est être contre Dreyfus et pour le Maréchal Pétain. C’est être raciste et intolérant, etc.

La gauche est une notion floue qui continue à jouer un rôle important dans les jugements de valeur des militants politiques et des sympathisants et à sur-déterminer leurs réactions. Car les gens de gauche sont gentils, les gens de droite sont méchants !

Mais au-delà des représentations caricaturales, qu’est-ce que signifient exactement ces termes, la gauche et la droite ?

On raconte que pendant la Révolution, lors de la première réunion de l’Assemblée législative, en 1791, les députés monarchistes qui s’étaient donnés le mot se précipitèrent à l’ouverture de la salle pour occuper en groupe compact le coté droit, pour pouvoir jouer sur la valorisation langagière et idéologique de la « droite » contre son opposé, la « gauche » qui a des connotations péjoratives.

Au départ la « droite » désignait donc les idées des partisans de la tradition, de la monarchie, de la religion, qui se choisirent pour symbole la dextre honorable et noble et qui laissèrent la sinistre aux autres, les révolutionnaires de 1789, les partisans des droits de l’homme et de l’égalité. La main gauche, maladroite et vouée aux tâches sordides.

La droite était donc bien partie pour occuper la première place dans le royaume du cœur et pourtant le cours de l’histoire a provoqué insensiblement l’inversion de la hiérarchie symbolique, au point qu’à l’époque où j’ai reçu mon éducation politique élémentaire (années 60 et 70) littéralement personne ne voulait plus être rangé avec la droite, ni les gaullistes, ni les fascistes, ni les conservateurs, ni les bourgeois ; dire de quelqu’un, « il est de droite » était devenu une façon de dire « c’est un vieux con ».

Il faut remarquer qu’entre la gauche et la droite se trouve placé depuis toujours un centre modéré et libéral qui cherche à échapper à ce clivage et qui a réussi à le faire disparaître dans les pays anglo-saxon, où dire « il est de gauche » signifie à peu près « c’est un petit con ».

Mais ça fait longtemps qu’on n’en est plus là !

Il y a maintenant plusieurs sens historiques au clivage symbolique droite-gauche qui sont utilisés dans la plus grande confusion. Les trois principales "gauches" qui se superposent, qui se confondent et qui s'opposent souvent entre elles sont maintenant :

1) Gauche issue de 1789 : la gauche républicaine des valeurs humanistes, des droits de l’homme et du citoyen, du suffrage universel, de la démocratie, de la laïcité. Victor Hugo, Émile Zola, Jean Jaurès, etc.

2) Gauche issue de 1917 : la gauche révolutionnaire qui se définit par les luttes de la classe ouvrière pour le pouvoir politique et des colonies pour leur indépendance. C’est la gauche qui persiste à s’inspirer de la Commune de Paris de 1871 et de la Révolution russe d’Octobre 1917. Karl Marx, Lénine, Mao, etc.

3 ) Gauche de 1968 : la gauche émeutière, individualiste extrémiste, héritière de mai 1968 : rejet de l’État, des frontières, de la police, du travail et de l’autorité, écologisme, liberté des mœurs, exaltation des marginaux et des minoritaires.

Existe-t-il aujourd’hui une raison pour que ces diverses traditions politiques politiques et culturelles soient désignées par le même terme ? Et qu’elles aient vocation à s’unir ? C’est loin d’aller de soi contrairement à ce qu’a l’air de penser beaucoup de monde.

La gauche républicaine, et la gauche émeutière, évoquent dans leurs discours hyperboliques des principes et des idées universelles, et qui en tant que telles peuvent en effet être partagées par tous. Mais sociologiquement et politiquement elles expriment et représentent des secteurs de la bourgeoisie parce qu'elles esquivent la question politique et économique centrale qui est l’exploitation des travailleurs. La gauche révolutionnaire représente le prolétariat et les peuples opprimés par l’impérialisme. Et ces idées ne peuvent donc pas, par définition, être partagées par les exploiteurs, ni par les néocolonialistes. De mon point de vue cette gauche-là, la gauche de la lutte des classes, est la seule véritable. Les autres "gauches" sont des variétés plus ou moins assumées du libéralisme politique.

Cette différence de fond n’empêche pas les alliances, notamment les alliances antifascistes dont le but est la simple survie des alliés, parce qu’au bout du bout le but et le concept du fascisme, c’est de tuer les gens de gauche (et les juifs, suspectés de l’être tous peu ou prou) . Mais cette alliance se justifie rarement dans les faits. J’entends le mantra « le fascisme revient » depuis que je suis né, et je pense qu’il ne reviendra pas avant que ne reviennent les conditions de son apparition, à savoir une révolution socialiste, menace existentielle pour la bourgeoisie qui doit l'endiguer par tous les moyens et la détruire par la terreur et par la guerre. Ou s'il revient, comme le prévoyait Pasolini en 1968, ce sera sous le masque de l'inverse, l'antifascisme.

Depuis que la Chine, officiellement socialiste et qui l’est par certains aspects, remet en cause la domination cinq fois séculaire de l’Occident sur le monde on constate effectivement une certaine « fascisation » dans notre continent, et en Amérique du Nord ; mais les représentants de l’extrême droite ne sont pas les seuls à y participer, ni les plus dangereux.

Autre question : Marx est-il de gauche ? On peut en douter. Il est de gauche si on considère d’où il provenait, du mouvement révolutionnaire bourgeois de l’époque romantique, mais il avait déjà dépassé complètement ce concept quand il écrivit le Manifeste du Parti Communiste avec Engels. La meilleure critique de la gauche qui existe, c’est lui qui l’a faite, en décrivant les révolutionnaires de 1848 qui rejouent 1793 au lieu d’agir concrètement. Dans la mesure où Marx considère que ce ne sont pas les idées qui conduisent le monde mais au contraire qu’elles sont déterminées par les conditions matérielles, il n’est ni de gauche ni de droite. Et Lénine non plus, l’homme de « l’analyse concrète des situations concrètes ».

Marx soutient le mouvement objectif et le progrès objectif de l’humanité et ce ne sont pas les bons sentiment, les grandes phrases et les effets de manche des politiciens éclairés qui font avancer le monde mais la critique objective du prolétariat, sa lutte matérielle pour le pain quotidien, puis pour le pouvoir politique.

En fin de compte le slogan de LO ,"le camp des travailleurs" définit très bien ce qu'est la véritable gauche. Il est dommage cependant que cette organisation dogmatique  étymologiquement trotskyste n'ait jamais eu de stratégie pour conduire ce camp à la victoire. Mais ce n'est pas la seule dans ce cas.

GQ 7 février 2022, relu le 1er octobre

 

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