Sur l'assassinat de Samuel Paty, prof d'histoire à Conflans (tel publié le soir même, 16 octobre 2020)
A l'intention des amnésiques, les portraits des enfants tués par les terroristes islamistes tchétchènes à Beslan en Russie en 2004
Publié le soir même du meurtre de Samuel Paty (16 octobre 2020), republié sans modification, avec un postscriptum.
Un professeur d'histoire a été assassiné et décapité vendredi 16 octobre à Conflans en région parisienne pour avoir montré à ses élèves collégiens des caricatures de Mahomet, dans le but de leur enseigner la tolérance. Ce crime est un de ces faits divers horribles qui se multiplient et qui montrent la déliquescence générale de notre société, à l'instar, par exemple du meurtre d'un chauffeur de bus à Bayonne l'été dernier.
Mais on voudra très certainement lui
faire signifier autre chose. On se précipitait déjà le soir même à
Conflans pour refaire le coup éculé de l'Union Sacrée.
Si la présentation des faits est exacte, cet enseignant est une victime
de plus du terrorisme propagé dans le monde par les pétro-monarchies
protégées de l'Occident et que caresse Emmanuel Macron.
Mais il s'agit aussi d'une victime de cette idéologie moralisatrice qui oblige les enseignants à entrer dans les polémiques hystériques orchestrées par les médias, au lieu de faire leur métier, qui consiste à enseigner des concepts et des savoir-faire dans une ambiance sereine.
Il est à noter que l'assassin est "né à
Moscou", il s'agit donc d'un musulman de Russie fanatisé qui a trouvé
refuge en France grâce à notre ostentatoire tolérance qui fait honte aux
méchants Poutine et Xi Jinping ! (C'est un Tchétchène, cela aurait
aussi bien pu être un Ouïghour).
J'ai exercé précisément ce métier de prof d'histoire - géo trente ans
dans des quartiers présumés difficiles en banlieue parisienne, et j'ai
été confronté assez souvent aux effets de la propagande des groupes
intégristes pour savoir de quoi je parle. Il était jusqu'à ce jour
vraiment exceptionnel que le ressentiment idéologique des élèves les
pousse à la violence, mais il était contre-productif d'un point de vue
éducatif de les provoquer en leur mettant sous le nez précisément ce
qu'ils n'ont pas envie de voir. En ce sens, cet enseignant est aussi la
victime du rôle de porte-parole du discours consensuel - et rigide - des
médias et des politiques "mainstream" sur l'actualité et sur l'histoire
qu'on impose en douce aux professeurs d'histoire et géographie.
Au centre de ce discours narcissique des propriétaires de la société imposé aux masses à travers les programmes scolaires, il y a justement l'injonction paradoxale à la "tolérance", qu'on oppose à la source de tous les maux, le "totalitarisme". L'injonction de la part des gens qui ont des bonnes manières d'être "Charlie" et de brandir bien haut le droit à l'insulte et à l'obscénité.
Et utiliser les caricatures de Mahomet
pour enseigner la tolérance ne peut aboutir qu'à l'échec, car tous les
musulmans, pas seulement les intégristes ou les fanatiques, détestent
ces pseudo-caricatures aux intentions troubles qui sont perçues par les
intéressés comme pouvaient l'être par les juifs les caricatures
antisémites dans la presse d'avant-guerre. Il y a quelque chose qui
sonne faux dans l'idée de les montrer pour montrer la liberté de les
montrer ! Comme si elle ne signifiaient rien en elles-même.
Ce que ce crime révèle aussi, c'est l'absence totale d'engagement de
l'État pour défendre ses fonctionnaires contre la délinquance, dont ce
terrorisme relevant de la psychiatrie est une forme typique de l'heure,
au delà des belles paroles dont ils vont se gargariser. Contrairement à
la Russie ou à la Chine qui le combattent véritablement, et qui sont
assez critiqués pour ça.
Dans les quartiers pauvres, l'enseignant est souvent le seul représentant de l'État qui reste véritablement au contact des habitants, et il a bien d'autres chats à fouetter qu'être le garde champêtre envoyé par le gouvernement pour surveiller la pureté idéologique des âmes des adolescents. Il doit pour commencer essayer avec les moyens du bord de désembrouiller leur esprit perturbé par le spectacle marchand, et dans la mesure du possible consolider les bases branlantes de leur instruction, gâchée par toute une génération de sabotage de l'Éducation nationale.
Restent sur le carreau un père de famille de 47 ans, qui essayait de faire son métier comme on lui le lui avait prescrit, et un jeune de dix-huit ans manipulé et sacrifié par des adultes cyniques qui n'aura pas vécu.
GQ, 17 octobre 2020
PS, 2 novembre 2020 : il est à peu près impossible, et spécieux, d'attendre d'enfants ou d'adolescents qu'ils puissent faire la distinction qu'il y a entre leur montrer un document pour communiquer un message, et leur montrer un document pour montrer qu'on a le droit de montrer ce document et de communiquer son message. Surtout lorsque l'on sait que ce public d'élèves a été prévenu de manière hostile contre ce message.
On leur demande de pratiquer la morale du philosophe Emmanuel Kant, pas moins, alors que dans la plupart des cas on ne leur a pas donné les moyens de comprendre le contenu d'un article de journal qui n'est pas prédigéré à leur intention.
Autrement dit, en utilisant des caricatures de Mahomet, on ne peut provoquer qu'une situation de blocage, et un rapport de force irrationnel, où l'on peut vaincre mais pas convaincre. Et vaincre, c'est vite dit, dans une situation générale de l'Éducation nationale où l’autorité des enseignants a été minée par leur propre encadrement de tutelle depuis au moins deux générations.
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