jeudi 3 novembre 2022

 

L’invasion de l’Ukraine aggrave la crise du capitalisme

L'invasion de l'Ukraine par Poutine, a mis en évidence la profondeur de la crise du système capitaliste. Les prix de l'énergie et des aliments ont augmenté. La zone euro pourrait entrer en récession avant la fin de l’année ouvrant le risque d’une récession mondiale. L’inflation y a atteint le taux inhabituel de 8,6%. Record battu aux Etats-Unis où elle atteint 9,1% soit le niveau le plus élevé depuis 40 ans. En Turquie, il a atteint 73,5%, 80% en Argentine et 130% au Zimbabwe. Au niveau mondial l’inflation s’envole atteignant son niveau le plus élevé depuis 34 ans. La guerre en Ukraine accélère et approfondit la crise capitaliste amorcée auparavant.

 

  1. Où en est la guerre aujourd'hui ?

Quand le 24 février Poutine a annoncé l’invasion, il croyait qu'elle ne durerait que quelques semaines et qu’il en sortirait gagnant avec une autorité et un prestige renforcés. L'impérialisme des USA et de l’UE l’ont cru aussi à tel point que Macron et Biden sont venus proposer leur soutien à Zelensky pour l’aider à quitter l'Ukraine. En d'autres termes, ils lui ont suggéré de capituler en se démettant de ses fonctions.

Cependant, après plus de 7 mois, les troupes de Poutine reculent. En septembre-octobre la contre-offensive ukrainienne a permis de récupérer près de 8 000 km2 de territoire. Le monde entier a été surpris par le retrait en catastrophe des troupes russes. Dans leur précipitation, les soldats ont abandonné armes, caisses de munitions, chars et véhicules. Les troupes ukrainiennes ont repris des villes et des territoires. Elles se rapprochent de la frontière russe. L’armée russe a subi une nouvelle défaite le premier octobre quand les ukrainiens ont repris la ville de Limán qui était supposée être sur un territoire qui venait à peine d’être déclaré par Poutine comme étant nouvellement annexé à la Russie. La crise politique fragilise le pouvoir de Poutine au point que le chef de la république russe de Tchétchénie, Ramzan Kadyrov, a parlé de « trahison » et a appelé à l’utilisation « d’armes nucléaires de faible puissance » en Ukraine. Une centaine de conseillers de 18 districts des villes de Moscou et de Saint-Pétersbourg ont demandé la démission de Poutine dans une déclaration publique l'accusant de "haute trahison" pour avoir déclenché une guerre qui touche directement les citoyens russes. Le ministre de la défense, Sergueï Choïgou, et le chef d’état-major, Valéri Guerassimov, sont de plus en plus ouvertement critiqués. Après la prise de Limán Poutine subit un nouvel affront le 8 octobre. Les ukrainiens ont en effet réussi à déclencher une explosion endommageant le pont qui relie la Russie à la Crimée. Poutine avait lui-même inauguré ce pont en 2018 après avoir annexé à la Russie cette province ukrainienne en 2014,

 

  1. Le moral des combattants

Dans une guerre, l'armement est très important mais aussi le moral des combattants. Le facteur moral a toujours été meilleur du côté du peuple ukrainien que du côté russe. Le peuple ukrainien s'est uni pour défendre son pays, ses terres, ses maisons, face à l’invasion d’une puissance capitaliste étrangère. La force et l'unité de la résistance militaire et populaire du peuple ukrainien ont créé la surprise par rapport à toutes les prévisions.

Dès les premiers assauts les troupes russes ont été démoralisées en se trouvant face à cette réalité imprévue. Les soldats russes ont vite compris que les discours de Poutine étaient de purs mensonges. Ils devaient se battre pour vaincre le nazisme et libérer le peuple ukrainien ! Ce qu’ils ont découvert était à l’opposé de ce qu’on leur avait dit. Et maintenant, en Russie la jeunesse s'enfuit du pays pour échapper à l’appel à 300 000 nouveaux réservistes.

Du côté ukrainien, dès les premiers instants, des milliers et des milliers de femmes et de jeunes se sont portés volontaire pour combattre. Les femmes ont participé à la mobilisation. Elles ont confectionné des cocktails Molotov pour accueillir les soldats russes lesquels pensaient être accueillis en libérateurs avec des fleurs. Les syndicats ont mobilisé les travailleurs dans les forces territoriales qui se sont constituées en plus de l’armée ukrainienne.

Préparation des cocktails Molotov

Dès les premiers instants les révolutionnaires de l’UIT-QI (avec l’AGIMO) ont soutenu la juste cause du peuple ukrainien. Il n’est pas question d’être neutre dans cette guerre. D’un côté, nous voyons la Russie, une puissance capitaliste et impérialiste qui, tel un pays colonisateur, veut imposer sa domination à l’Ukraine par la force. De l’autre côté, nous voyons le peuple ukrainien menacé dans sa volonté d’indépendance. Nous soutenons la résistance ukrainienne sans pour autant apporter un soutien politique au gouvernement capitaliste de Zelensky. Nous avons participé à la campagne de solidarité pour collecter le matériel que les syndicats avaient demandé. Une délégation de l’UIT-QI a livré à Kiev ce matériel aux organisations politiques et syndicales du mouvement ouvrier ukrainien.

Solidarité avec les travailleurs ukrainiens

 

  1. L’échec militaire provoque une crise politique en Russie

Le recul militaire a provoqué pour la première fois une crise politique en Russie. La droite réactionnaire accuse Poutine d’être faible dans ses actions en Ukraine. Tandis que dans les secteurs populaires, outre des manifestations, c’est surtout la réaction contre l’appel forcé de 300 000 réservistes qui a été remarquable. Des milliers et des milliers de manifestants sont descendus dans les rues à travers la Russie dans plus de 40 villes. La répression a conduit à plus de 1500 arrestations. Poutine en pleine crise, a réagi en organisant les pseudo-référendums pour annexer les zones occupées. En d'autres termes des « élections-à-la-mitrailleuse » lui ont donné un score de plus de 90 % des suffrages en faveur de l’adhésion à la fédération de Russie des Régions du Donbass (Lougansk et Donetsk) avec Jerksón et Zaporijia où se trouve la centrale nucléaire la plus puissante d'Europe.

La répression en Russie

Incapable de maintenir la situation militaire de ses troupes sur le front, Poutine se venge en lançant des bombardements avec des armes à longue portée. Cela ne nécessite pas en effet de mobiliser des troupes et il sait que les ukrainiens n’ont pas la possibilité de répliquer avec des armes à longues portées puisque les pays de l’OTAN respectueux des consignes américaines refusent de leur en donner.

 

  1. La guerre et la crise économique mondiale

Les conséquences de la guerre en Ukraine sont désastreuses pour la grande masse des exploités avec la hausse des prix de l’énergie et des denrées alimentaires. Tout cela entraîne une nouvelle chute vertigineuse du niveau de vie des peuples du monde avec un accroissement des inégalités sociales. C’est la débâcle du système capitaliste avec l’augmentation des dépenses d’armement, l’inflation dans le monde entier et un risque de récession mondiale. Le FMI et les gouvernements capitalistes tentent de faire supporter toutes les conséquences de cette crise à la classe ouvrière mais les peuples répondent à cette offensive par des grèves et des rébellions ouvrières comme au Sri Lanka, en Amérique Latine mais aussi en Europe. Le sens, souvent caché mais profond, de cette résistance c’est que, du point de vue des masses ouvrières, il revient aux capitalistes de payer pour cette crise et non pas aux travailleurs.

Toutefois, la concomitance entre l’invasion de l’Ukraine et cette crise du système capitaliste ne doit pas amener à établir une relation abusive de cause à effet. Les porte-paroles de l’impérialisme américain et européen veulent justifier cette débâcle en affirmant que tout est dû à l’invasion de l’Ukraine décidée par Poutine. Il s’agit sans aucun doute d’un facteur important. Cependant, en réalité, la guerre jette de l’huile sur le feu. Le système capitaliste mondial subissait déjà une intense crise depuis le début de l’année 2007. Celle-ci avait été aggravée par la pandémie de Covid avant même l’invasion de l’Ukraine.

L’invasion de l’Ukraine s’explique dans le cadre du déclin du capitalisme mondial et des affrontements entre les grandes puissances impérialistes pour le partage du gâteau. La Russie a subi une grande détérioration de son économie. Poutine a dû prendre des mesures d’austérité auprès de la population avec des réformes impopulaires. Dans le même temps, il a augmenté la répression pour faire taire les protestations. Aux élections législatives de septembre 2021, son parti « Russie unie » a organisé une fraude massive avec des bourrages d'urnes et des violences dans certains bureaux de votes. Le scrutin avait été précédé d'une forte répression faisant suite aux révélations d'Alexeï Navalny sur l'existence d'un luxueux palais caché de Poutine. Ce scrutin avait aussi été précédé par l'interdiction de tout réel parti d'opposition puisque certains opposants n’ont pas pu se présenter. Malgré tout cela, le parti de Vladimir Poutine a reculé. Poutine a aussi réprimé des rébellions populaires au Belarus et au Kazakhstan. Quand Poutine décide d’envahir l’Ukraine, il veut contrecarrer la détérioration de sa position politique avec sa chute de popularité. Il pense redorer son blason en faisant preuve d’autorité pour arracher une victoire de la « Grande Russie ». Il veut continuer sur la lancée de la guerre en Syrie où il a montré qu’il pouvait disputer la position de force aux américains.

La guerre en Ukraine est une expression de la crise et, à son tour, cette guerre approfondit la crise par ses conséquences politiques, économiques et sociales. L’économie mondiale subit une nouvelle secousse. Toutes les données montrent un nouveau recul des indicateurs des prétendues croissance et reprise dont nous avaient tant parlé les organisations au service des impérialistes. De nombreux analystes parlent déjà d’une possible récession en Europe et aux Etats-Unis. Les masques tombent et le pessimisme se répand. Jamie Dimon qui est le PDG de JPMorgan Chase Co, c’est-à-dire l’un des banquiers les plus puissants et assurément les plus payés du monde, a déclaré au journal El Pais, le 9 juillet 2022 «  Les problèmes économiques ne sont pas temporaires. Les choses pourraient devenir bien pires  ». La guerre en Ukraine a réellement affecté les prix des denrées alimentaires et de l’énergie puisque la Russie est un grand exportateur de gaz et de pétrole et l’Ukraine un grand producteur de denrées alimentaires.

Au milieu de la crise qui s’aggrave, le pillage impérialiste s’accroit. L’escalade inflationniste, qui appauvrit des milliards de familles de travailleurs, rapporte des profits faramineux aux grands monopoles de l’énergie, de l’alimentation et des banques. La famine ne cesse de croître avec 828 millions de personnes souffrant de la faim dans le monde en 2021, soit 46 millions de plus que l’année précédente et 150 millions de plus qu’en 2019. En 2021, 2,3 milliards de personnes dans le monde (29,3%) étaient en situation d’insécurité alimentaire modérée ou grave soit 350 millions de plus qu’avant le déclenchement de la pandémie de Covid (données du rapport des Nations Unies de juillet 2022). En 2022, « au moins 276 millions de personnes sont désormais confrontées à une insécurité alimentaire aiguë (…) 40 millions de personnes dans 43 pays sont au bord de la famine (…) nous sommes dans une crise sans précédent » (avertissement de l’ONU cité par le New York Times, dans Clarin, le 31 mai 2022). La guerre en Ukraine a provoqué une flambée des prix de l’énergie et des denrées alimentaires. Cela amène la famine dans des pays d’Afrique comme le Burkina Faso et dans bien d'autres pays du monde.

Mais la crise a atteint aussi les pays impérialistes comme le Royaume-Uni. Les tarifs de gaz et électricité ont augmenté entre juillet et septembre de 140 %. Les travailleurs qui ont les plus bas salaires ne peuvent pas payer de tels tarifs. Le mouvement de protestation mouvement appelé « Don't Pay ! » se développe. On estime que 40 % des ménages du Royaume-Uni ne pourront pas chauffer leur habitation correctement cet hiver. Mais, tout le monde ne souffre pas des augmentations au Royaume-Uni. Au contraire, les entreprises privées d’énergie, connues sous le nom des « Big six », ont un taux de profit de 40%. Comme cela s'est produit en Amérique du Sud et dans bien d’autres régions du monde ces entreprises sont issues du démantèlement des services publics. Cela s’est fait avec Margaret Thatcher dans les années 1980. Cela permet maintenant à des multinationales de sociétés énergétiques, comme l’anglo-néerlandais Shell, de faire des superprofits. Il a réalisé son bénéfice record au deuxième trimestre avec 11 500 millions de dollars. Le nord-américain Exxon Móvil a atteint 17 600 millions de dollars alors que le français Total, au deuxième trimestre 2022, ne parvient à accumuler que 9 800 millions de dollars !

La crise économique est sans issue. Elle est chronique et ses effets ne cesseront de s’aggraver. L’impérialisme et tous les gouvernements capitalistes tentent d’imposer de nouveaux plans de surexploitation capitaliste pour sortir de la crise ce qui provoque une exacerbation de la lutte de classe.

 

  1. Dans le monde entier, les peuples se révoltent

Nous assistons à une vague de luttes mondiales qui ne cesse de s’amplifier. 2019 pour les français, fut surtout l’année de la mobilisation des gilets-jaunes. Celle-ci avait commençé à la fin 2018 avec un mouvement quasi-insurrectionnel qui avait fait reculer le gouvernement. 2019 fut aussi l’année de la longue grève chez General Motors aux Etats-Unis. Ce fut encore la rébellion populaire au Liban. Ce furent aussi en Amérique Latine les luttes en Equateur puis la poussée révolutionnaire contre piñera au Chili.

En 2020, la pandémie de Covid a semblé ralentir ou effacer les mobilisations cependant la rébellion antiraciste aux Etats-Unis à la suite de la mort de George Floyd a pendant un moment effrayé le gouvernement de Trump. Toutefois cette lutte et quelques autres n’ont pas atteint le niveau de mobilisation de 2019.

En 2021, c’est à nouveau en Amérique Latine que les masses populaires se sont manifestées notamment avec la rébellion colombienne et avec les manifestations sans précédent du 11 juillet à Cuba.

L’année 2022 a assurément été marquée par de multiples révoltes dans le monde entier. En mai 2022 la révolte au Sri Lanka a conduit à la suspension du paiement de la dette extérieure. En juillet des centaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue et ont pris d’assaut le palais présidentiel provoquant la fuite et la démission du président.

Pendant toute l’année 2022, de nombreuses mobilisations se sont déroulées dans toute l’Amérique Latine. En Equateur, une rébellion a fait reculer le gouvernement qui a accepté de réduire les prix des carburants. Au Chili une grève a été déclenchée dans la plus grande mine de cuivre du monde tandis qu’au Panama, dans un vaste mouvement, la population a demandé un gel des prix des produits de base, du carburant, des médicaments et des mesures contre la corruption.

Toujours en Amérique latine, l’année 2022 a été marquée par des mouvements de grève au Brésil et des rébellions d’enseignants en Argentine ainsi qu’une grève des travailleurs du pneu qui ont obtenu une augmentation de leurs salaires. Ils se sont appuyés pour cela sur SUTNA, un syndicat combatif et antibureaucratique. Au Venezuela, les protestations syndicales contre le gouvernement Maduro ont repris. Une nouvelle rébellion populaire a éclaté en Haïti contre l'augmentation du carburant.

En Europe aussi de nombreux mouvements de protestations sont apparus tout au long de l’année contre les hausses de prix. En Belgique, une grève générale est annoncée pour le 9 novembre prochain alors que dès le mois de septembre des manifesatations se sont déroulées, notamment à Bruxelles, contre l’augmentation du coût de la vie. Nous avons déjà parlé de la crise au Royaume-Uni qui touche les travailleurs pendant que les entreprises d’énergie font des super-profits. Les cheminots ont en effet lancé une grève face à l’inflation puis ce sont les dockers, éboueurs, postiers, chauffeurs, avocats qui sont entrés dans les mouvements de protestation. Finalement, ce fut une grève générale massive comme on n’en avait jamais vu depuis 2011. Grève des pétroliers aussi en Norvège et en France (Total). Grève aussi des travailleurs des compagnies aériennes puis des enseignants et des personnels de santé dans plusieurs pays. A Berlin et à Rome, il y a eu aussi des manifestations contre l'inflation.

2022 a aussi été une année de grandes mobilisations dans d’autres pays. Le parlement a été incendié à Tripoli, capitale de la Lybie, par des manifestants. Le peuple rend les deux gouvernements en concurrence responsables de la situation sociale désastreuse. En Ouzbetiskan une rébellion qui mettait en danger le gouvernement a été matée par les troupes de Poutine.

En Iran, après les grèves menées par les enseignants, nous voyons depuis le 16 septembre, une grande rébellion des femmes et du peuple iranien qui a éclaté pour condamner un abominable crime de la police : la jeune Mahsa Amini, avait été arrêtée parce qu’elle était accusée de porter le voile de manière incorrecte. A la surprise du régime théocratique dictatorial iranien, des milliers et des milliers de femmes sont descendues dans les rues à travers le pays, se coupant publiquement les cheveux et retirant leurs voiles. Les hommes se sont joints à ces protestations. Les secteurs populaires se sont mobilisés dans tout le pays avec des grèves dans plusieurs villes, des assemblées d'étudiants et des sit-in. Ainsi, les travailleurs, les femmes et les étudiants se sont unis dans la lutte. Malgré la répression criminelle du régime iranien, qui a déjà tué plus de 60 personnes, la rébellion ne s'est pas arrêtée. Pendant plus d’un mois, les iraniens et les iraniennes se sont rebellés non seulement contre le patriarcat et l'usage du voile, mais aussi contre la théocratie et l'ayatollah Khomeini aux cris de « mort au dictateur ».

  1. Le « désordre mondial »

La situation internationale est donc en évolution avec cette crise du capitalisme aggravée par la guerre en Ukraine. L’exacerbation de la lutte des classes au niveau mondial est assurément un symptôme.

L’impérialisme américain reste dominant en raison de sa puissance économique et militaire mais aussi grâce aux alliances qu’il a nouées avec d’autres pays capitalistes dans le monde notamment avec l’UE (l’Union européenne). Une unité de l’Europe traditionnelle qui rappelons-le, va de l’Atlantique à l’Oural, lui disputerait assurément ce rôle dominant. Depuis la chute du bloc de l’Est, les guerres qui tourmentent cette Europe sont une planche de salut pour les USA. Il en fut ainsi des guerres en Tchétchénie et en Yougoslavie. La guerre en Ukraine garantit aux USA de rester la puissance dominante mondiale malgré la concurrence de la Chine. Aujourd'hui, le dirigeant chinois Xi Jinping est principalement préoccupé par des questions de politique intérieure. Il veut d'abord consolider son pouvoir en interne. La Chine est maintenant plus puissante que l’URSS. Elle n’a pas dénoncé l’invasion russe de l’Ukraine se réservant ainsi la possibilité de faire bloc avec la Russie contre les USA.

Mais cette domination des USA ne garantit nullement aux dirigeants américains de pouvoir jouer le rôle de « gendarme du monde » pour ramener l’ordre quand des peuples se soulèvent. Leur départ précipité d’Afghanistan en est la preuve la plus flagrante. Au cours de la période de la « Global War » consécutive aux attentats du 11 septembre, l’armée américaine s’est embourbée dans des occupations en Irak et en Afghanistan qui ont finalement été des échecs. La période du « désengagement » qui a suivi n’a guère été plus glorieuse. Le départ de l’Irak s’est étalé sur plusieurs années sans laisser la garantie aux USA de pouvoir y exercer son pouvoir. Le départ d’Afghanistan, lui aussi programmé, s’est finalement fait dans une précipitation qui a ridiculisé l’armée américaine. Cette période du désengagement a notamment été marquée par le printemps arabe puis la guerre en Syrie. Au cours de cette guerre Poutine et les dirigeants américains ont contribué ensemble à écraser la révolution syrienne. Poutine a bombardé Alep et la banlieue de Damas et les américains ont bombardé Raqqa. Les massacres de la population civile ont fait entre 300 000 et 500 000 morts. Au cours de toutes ces guerres de Tchétchénie, de Yougoslavie et de Syrie le « terrorisme-islamique » a largement été utilisé par les puissances impérialistes (USA et Russie) pour venir à bout de toutes les rebellions et révolutions. Les puissances impérialistes ont largement contribué au développement de ces extrémismes-islamiques qui leur ont ensuite servi de prétexte pour massacrer les peuples qui se révoltaient. Au cours de cette guerre de Syrie, Poutine s’est affirmé comme venant concurrencer les USA dans ce rôle de gendarme du monde. Il a renforcé ensuite cette image en « ramenant l’ordre » en Ouzbékistan.

Du coup, Poutine ayant perçu la faiblesse politico-militaire des Etats-Unis, a osé tenter d’envahir l’Ukraine. Il lui fallait redorer son blason en apparaissant comme le reconquérant d’un territoire de la Grande Russie. Nous avons vu en effet que sa popularité était en baisse. Rappelons ce qu’est réellement la « grandeur de la Russie » que Poutine se plait à afficher. Son économie est à peine supérieure à celle du Brésil et nous commençons à percevoir la réalité de sa puissance militaire. Son armée traditionnelle était censée disposer de technologies d’avant-garde dépassant tous les autres pays. Nous voyons aujourd’hui qu’il n’en est rien. En matière de haute technologie, Poutine est maintenant secouru par la théocratie d’Iran !

C’est donc l’expression « désordre mondial » qui caractérise le mieux la situation internationale actuelle. Aucune puissance impérialiste ne peut prétendre assurer un rôle de gendarme du monde au cours de cette année 2022 où nous voyons les peuples se soulever dans de multiples pays. Les masses laborieuses refusent de faire les frais de la crise d’un système de domination qui pour se maintenir veut toujours exploiter davantage en plongeant les masses populaires dans des situations de plus en plus dramatiques avec notamment la famine qui menace dans de nombreux pays.

Dans la concurrence entre Poutine et les USA, Poutine pensait sortir renforcé par une victoire en Ukraine en quelques semaines. C’est l’inverse qui se produit. Dans cette concurrence c’est maintenant le bloc USA/OTAN qui est renforcé. La Finlande et la Suède vont adhérer à l’OTAN. L’armement impérialiste se développe en Europe notamment en Allemagne. L’impérialisme occidental utilise la guerre en Ukraine pour renforcer sa mainmise sur l’Europe de l’Est. Du point de vue des dirigeants des deux impérialismes cette guerre se déroule comme un jeu dont ils négocient les règles entre eux. Il n’est pas prévu que les ukrainiens détruisent le pont qui relie la Russie à la Crimée. Il n’est donc pas question de leur donner des armes à longue portée. Les américains et les dirigeants de l’UE ne verraient aucun inconvénient à ce que les ukrainiens cèdent une bonne partie de leur territoire à la Russie. A vrai dire cela les indiffère. Peu importe pour eux de savoir quels capitalistes exploiteront les travailleurs des régions concernées pourvu que l’ordre règne. Seuls les ukrainiens tiennent à conserver l’intégralité de leur territoire et ne veulent abandonner aucun des leurs à la domination russe. Du point de vue des USA cette guerre est très bien pour affaiblir Poutine qui est leur concurrent plus qu’il n’est leur ennemi. Ce ne sont pas les morts dans les deux camps qui vont émouvoir ni Poutine ni les dirigeants des USA/OTAN. Les massacres de la guerre en Syrie avec des centaines de milliers de morts ne les ont jamais émus. Ils ne vont pas s’inquiéter pour quelques dizaines de milliers de morts. Les dirigeants américains ne voient que des avantages à ce que cette guerre dure longtemps. Ils sont prêts à armer les ukrainiens autant que nécessaire pour qu’ils ne se fassent pas écraser mais ils ne tiennent pas particulièrement à ce que l’Ukraine gagne cette guerre. Les pays de l’OTAN fournissent une aide mesurée à l’Ukraine pour que la guerre dure.

  1. Pour résumer et conclure

La crise capitaliste frappe le monde entier. L’avant-garde du mouvement ouvrier veut se porter aux avant-postes des combats de la classe ouvrière en affirmant : « La crise doit être payée par les capitalistes et non par les ouvriers !  ». Nous appelons à des actions unitaires dans chaque pays et au niveau international pour exiger des mesures d'urgence afin que les travailleurs puissent vivre décemment malgré cette crise. Ils doivent réclamer la nationalisation des entreprises énergétiques afin qu’elles soient gérées sous le contrôle des travailleurs et des utilisateurs. Les travailleurs ne veulent pas de plans d’austérité. Il faut mettre à contribution les grands groupes commerciaux et financiers en leur faisant payer des impôts et des taxes.

Dans sa concurrence avec les USA/OTAN, Poutine pourrait ne pas accepter les règles du jeu s’il se sent par trop ridiculisé. Le risque d’une troisième guerre mondiale avec des armes nucléaires s’accroit. Poutine réaffirme qu’il n’exclut pas le recours à l’arme nucléaire tandis que Kadyrov le demande. Cela fait partie des dangers de la décadence croissante du capitalisme. Plus que jamais, nous sommes face à l’alternative « Socialisme ou Barbarie  ».

Les révolutionnaires sont opposés à toute forme d’armement impérialiste, nous sommes pour la dissolution de l’OTAN et la suppression de ses bases militaires dans le monde. Nous sommes aussi pour la suppression des bases militaires russes comme Tartous (base navale militaire russe en Syrie) et Hmeimi (base militaire aérienne russe en Syrie) et toutes les bases en Abkhazie, Armémie et Azerbaïdjan. Ne parlons pas de Bélarus qui, en principe, n’héberge pas de base militaire russe.

La question de la crise de la direction révolutionnaire reste le point faible pour la classe ouvrière et les peuples du monde. Les révolutionnaires interviennent dans les luttes pour que se dégagent de nouvelles directions contre les anciens appareils passés du côté de l’ordre bourgeois. Nous sommes pour l’unité de la classe ouvrière avec toutes ses organisations dans son combat contre les exploiteurs.

L'UIT-QI et l’AGIMO continuent d’apporter leur soutien à la résistance du peuple ukrainien pour vaincre les envahisseurs. Nous soutenons aussi les protestations et la mobilisation de la classe ouvrière, de la jeunesse et du peuple russe contre la convocation de centaines de milliers de réservistes, contre la guerre et pour la liberté des prisonniers politiques.

L’AGIMO propose que les organisations ouvrières ukrainiennes lancent un appel aux travailleurs russes pour qu’ils disent : Non à la guerre ! Non à Poutine !

 

 

Jean Dugenêt, membre de l’AGIMO.

Je me suis inspiré, pour écrire cet article, du dernier numéro de « Correspondance Internationale », la revue de la section espagnole de l’UIT-QI.

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