mercredi 19 juillet 2023

Uber files : ce que nous apprend la commission d’enquête parlementaire sur ce scandale d'État

Publié le par Les communistes de Pierre Bénite

 

 

Lobbying, violation des lois… La commission d’enquête parlementaire sur les Uber files dénonce dans un rapport, rendu public le 18 juillet, les défaillances de l’État face au mépris de la loi et au lobbying agressif affichés par la plateforme de transports Uber, lors de son déploiement en France. Avec la bénédiction d'Emmanuel Macron.

 

En 500 pages, les députés, réunis au sein de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale « relative aux révélations des Uber files », ont mis au jour les rouages du scandale lié à l’implantation et à la stratégie d’influence développée par la plateforme de transports Uber en France, à partir de 2013.

 

Les conclusions de leur rapport, publié le 18 juillet, au terme de six mois d’investigation au cours desquels 120 personnes ont été auditionnées, sont par ailleurs accablantes pour les services de l’État, jugés défaillants face au mépris de la loi affiché par la multinationale américaine.

 

En s’appuyant sur les révélations, en 2022, du Consortium international des journalistes d’investigation (notamment du Monde), qui avait eu accès à des documents internes à l’entreprise dits « Uber files », la commission d’enquête pointe ainsi, par la voix de sa rapporteure la députée Danielle Simonnet (LFI), les nombreux dysfonctionnements qui lui ont permis de prospérer tout en foulant aux pieds le droit.

 

Uber « méprise les lois » et s’est appliqué à les contourner

 

« Pour s’implanter en France, la plateforme de véhicules de transport avec chauffeur (VTC) Uber a imposé, au mépris de la légalité, un état de fait à l’État de droit », juge ainsi la commission d’enquête parlementaire, dans la synthèse de son rapport.

 

Elle confirme les révélations selon lesquelles Uber a lancé son service de chauffeurs particuliers UberPop en France, du début de 2014 à juillet 2015, alors qu’il était manifestement illégal, « en violant les règles du transport particulier de personnes », à travers notamment « un recours au travail dissimulé », « en échappant au versement des cotisations sociales et en se soustrayant sciemment aux contrôles des autorités ».

 

Dysfonctionnements dans les procédures de contrôle de l’État

 

Face à ce mépris du droit, les autorités « ont échoué à faire respecter la loi », pointe encore la commission d’enquête, qui met en cause « un manque de moyens évident ». En témoigne l’aveu du directeur général des finances publiques. Auditionné par les députés, Jérôme Fournel reconnaît ainsi sa capacité d’action limitée par la lenteur des procédures et la faible coopération du fisc néerlandais. En témoigne également l’annulation au tribunal d’un contrôle de l’Union de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf), à cause d’un vice de forme, sans que l’organisme ne juge bon de relancer une procédure.

 

Lobbying agressif et complaisance d’Emmanuel Macron

 

Le rapport pointe par ailleurs « un déficit criant de volonté politique » pour faire respecter l’État de droit face à une entreprise dont la stratégie est fondée « sur la violation délibérée de la loi ». Un constat qui s’explique, selon les députés, par le « lobbying agressif » déployé par l’entreprise  et « consistant à pénétrer au cœur des élites françaises » dès 2013.

 

Parmi ces élites et décideurs publics, Emmanuel Macron est clairement mis en cause pour sa complaisance : « Au premier rang de ces soutiens figure M. Emmanuel Macron, un ministre de l’Économie prêt à défendre les intérêts des plateformes de VTC, avec lequel Uber a entretenu des liens extrêmement privilégiés. »

 

Des liens qui se sont notamment traduits par la décision du ministre de l’Économie de l’époque de concéder à la plateforme de transports une réduction des heures de formation nécessaires à l’obtention d’une licence VTC, ce que le rapport qualifie de « grande opération de manipulation ».

 

Des recommandations en douze propositions

 

Le rapport décline douze propositions pour prévenir ces dérives et renforcer l’encadrement légal des plateformes.

 

L’une d’elles s’inscrit dans le cadre de négociations en cours, à Bruxelles, sur le statut des travailleurs des plateformes. Elle défend, sur la même ligne que le Parlement européen, mais à contre-courant de la volonté affichée par Élisabeth Borne, une « présomption de salariat », contraignant les entreprises à prouver que leurs chauffeurs Uber sont véritablement indépendants, en cas de litige.

 

Autre recommandation formulée par Danielle Simonnet : la création d’un agrément, délivré par une autorité indépendante aux plateformes, sous réserve de respecter les réglementations.

 

Enfin, elle prône encore une série de mesures destinées à encadrer le déploiement des stratégies d’influence des entreprises, en imposant notamment de rendre publiques les rencontres entre les lobbyistes et les responsables politiques.

 

Hayet Kechit  Article publié dans l'Humanité

 

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