La Chine au bout du rouleau, vraiment ?
« La Chine, ce pays qui ne fait plus rêver les jeunes », « Pourquoi la Chine ne dépassera jamais les USA », « Chômage record en Chine », « Xi Jinping a lui-même provoqué la fin du miracle économique » : pendant tout l’été les médias ont répété en boucle le mantra selon lequel l’économie chinoise serait au bord de l’effondrement, tout en insistant, histoire d’en rajouter une couche, sur le déclin démographique et le vieillissement inexorable de la population chinoise.
C’est vrai que l’économie chinoise, après un bref rebond à la sortie de la pandémie, a rapidement montré des signes d’essoufflement et n’a pas renoué avec les taux de croissances à deux chiffres d’avant 2020. L’immobilier, notamment, est en crise tandis que le volume des exportations et des investissements étrangers, bases de la croissance chinoise, est en baisse.
Mais ce pessimisme est-il vraiment crédible ? N’est-ce pas prendre ses désirs pour des réalités ?
Voyons les chiffres. Durant les huit premiers mois de l’année, le surplus de la balance commerciale entre la Chine et les Etats-Unis a diminué, passant de 79 milliards de dollars en 2022 à 68 milliards pour les huit premiers mois de 2023. En consolidé, sur la même période, la balance commerciale chinoise affiche un bénéfice de 553 milliards dont 215 rien qu’avec les Etats-Unis. Y a-t-il vraiment de quoi titrer sur « la baisse considérable du surplus chinois » ?
De même pour la croissance économique. Selon Trading Economics, la croissance de l’Europe pour l’année 2023 est anticipée à + 0,8% (Allemagne – 0,4%, Suisse +2%) et celle des Etats-Unis à +1,9% alors que les mêmes agences pronostiquent celle de la Chine à +5% ! Le différentiel d’inflation est pareil : 5,6% pour l’Europe, 3,2% pour les Etats-Unis et 0,1% pour la Chine. On connait beaucoup de pays qui aimeraient faire d’aussi piètres résultats.
Sur le plan démographique aussi, l’alarmisme semble largement exagéré. Le taux de fécondité chinois est certes en forte baisse à 1,16% et le vieillissement de la population s’accélère. Mais la Corée (0,81%), le Japon (1,25%), l’Italie (1.24 %) ou l’Espagne (1,23%) font pire ou guère mieux. Quant à la pyramide des âges chinoise, elle est fort semblable aux nôtres. Afrique mise à part, ces phénomènes affectent l’ensemble des pays du monde, la France et les Etats-Unis s’en tirant pour l’instant un peu mieux que les autres pays occidentaux.
Enfin, la Chine n’a-t-elle pas surpris tout le monde fin août en annonçant que Huawei avait pu produire un smartphone compatible 5G à 7 nanomètres alors qu’on jugeait cette performance impossible ? En mars dernier, Reuters affirmait sur la base d’une étude de l’Australian Strategic Policy Institute, que la Chine dépassait les Etats-Unis dans 37 domaines technologiques sur 44. C’est sans doute exagéré, ce genre d’annonces cherchant aussi à attirer de nouvelles subventions pour la recherche. Mais la tendance est là.
On peut, comme à la Bourse, parier à la baisse et miser sur l’effondrement chinois. Mais le réveil risque d’être difficile pour ceux qui miseraient tout sur cette stratégie. Le dragon chinois bouge encore.
Guy Mettan, journaliste, auteur et député, Genève
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