vendredi 6 octobre 2023

L’eau un enjeu essentiel des politiques publiques par Pierre Alain Millet

Publié le par Les communistes de Pierre Bénite

A l'occasion des grands rendez-vous citoyens organisés par la ville de Vénissieux du 27 au 30 septembre, Pierre Alain Millet est intervenu sur l'enjeu que constitue l'eau. Nous vous donnons à connaître son intervention que Pierre Alain a publié sur son blog.

 "Merci à tous, merci à Anne Grosperrin [1], merci à Philippe Laurent [2]. Permettez-moi une citation en introduction parce qu’elle fait le lien entre plusieurs thèmes de notre grand rendez-vous et cette table ronde sur l’eau. La conclusion du petit livre de Anne Le Strat, adjointe au maire de Paris qui a créé la régie de l’eau de Paris Pourquoi ne pas repenser notre système démocratique malade en partant de la gestion et du partage des ressources naturelles au premier rand desquelles l’eau ? Elle a le mérite de mettre en avant une question essentielle, l’eau est un sujet très politique, au sens noble, au sens d’un enjeu démocratique.

 L’actualité médiatique cet été a rappelé que l’eau était un enjeu aussi vital que l’énergie… Ce n’est pas sans rapport avec la décision de la majorité métropolitaine de revenir à une gestion 100% publique de l’eau en 2020.

 Il s’agissait bien sûr de transparence et de droit des usagers à maitriser une des fonctions vitales de la ville, mais il s’agissait aussi de mieux préserver la ressource, de pouvoir garantir le droit de tous à l’eau dans le contexte du changement climatique…

 Et on peut tous se féliciter de la réussite de la régie publique de l’eau. Vous en avez peu entendu parler, ce qui prouve que le travail est réussi, mais vous devriez pourtant en entendre plus parler, parce-que les questions des ressources comme des usages vont demander des décisions importantes, et nous voulons associer largement les usagers à ces décisions. C’est pour cela que nous avons créé une structure originale, l’assemblée des usagers de l’eau, qui désigne les représentants des usagers au conseil d’administration de la régie de l’eau et qui permet de partager les réflexions sur les grands projets de la régie, et notamment cette année sur la mise en place d’une tarification sociale et environnementale. J’en profite pour vous inviter à vous inscrire sur la plateforme de participation de la métropole.

 Je voudrais insister sur un point, l’eau n’est pas quelque chose de naturel qui fonctionne tout seul. On s’en rend vite compte quand il y a une coupure, une eau qui parait de mauvaise qualité ou encore un arrêté sécheresse ou encore une alerte pollution. La distribution de l’eau est un énorme système technique complexe, des milliers de kilomètres de tuyaus, des milliers de vannes, etc, qui demandent beaucoup de sciences, d’investissements, de travail… Et ses usages eux aussi font aussi appel à beaucoup de compétences, de savoir-faire, comme l’ont montré les deux intervenants.

 Et tout cela est fortement impacté par les changements climatiques. On pourrait penser que le changement climatique, c’est d’abord des sécheresses, mais la vidéo comme les intervenants ont rappelé qu’il y a aussi des inondations, parfois catastrophiques, et on l’a connu à Vénissieux l’été 2022 avec un orage sur le plateau qui a transformé l’avenue d’Oschatz en torrent qui est venu remplir les sous-sols de la médiathèque.

 C’est pourquoi, même si ce n’est pas le débat, il faut redire qu’il y a urgence à décarboner et donc en premier lieu d’arrêter la production d’électricité au charbon, ça concerne d’abord l’Allemagne et le Pologne en Europe, et il faudrait un énorme plan international pour accélérer la décarbonation dans ces pays.

 Mais on sait aussi qu’il faudra s’adapter parce-qu’il y a déjà dans l’atmosphère de quoi augmenter la température moyenne pratiquement jusqu’au 2°C de plus.. Et c’est notamment vrai pour l’eau, il y aura demain plus de sécheresses et plus d’inondations. Mais il y a plusieurs attitudes sur ces sujets.

 Pour une part, les riches pensent qu’ils s’en sortiront toujours, c’est le point de vue d’une partie des américains, catastrophique pour 99% de la population.

 Pour d’autres, l’humanité doit s’adapter en se réduisant ou en arrêtant le développement des pays du sud, il y a même des experts qui font des calculs sordides qui disent qu’il ne faudrait que 3 milliards d’êtres humains… comme si un bonne guerre mondiale, ou une énorme épidémie était une solution

 Entre ces deux extrêmes, l’humanité cherche comment concentrer tous ses moyens sur la décarbonation et l’adaptation au changement climatique. Malheureusement, pour l’instant, elle les concentre sur la guerre et la concurrence. Pour l’eau, ce qui domine, c’est plutôt que chacun cherche comment garder l’eau pour ses propres usages.

 Au contraire, ce devrait être la solidarité, la coopération qui déterminent les politiques de l’eau, depuis la gestion des ressources, jusqu’à la gestion des usages et de l’assainissement.

 C’est pourquoi personnellement, je suis convaincu qu’il faut éviter tout catastrophisme, tout discours reposant sur la peur, qui ne provoque que le repli sur soi et l’acceptation de la concurrence. Par exemple, je préfère pour ma part ne pas dire que « l’eau est rare », car en fait, nous sommes bien sur la planète bleu, comme il était dit dans la vidéo, la quantité d’eau sur terre est constante [3], la pluviométrie en France au total est constante. Par contre, l’eau est très inégalement disponible dans le temps et l’espace, ce qui explique les sécheresses comme les pluies exceptionnelles, et les restrictions de plus en plus fréquentes pour l’agriculture, ou la végétation urbaine

 Et donc, de son grand cycle entre nuages et océans, jusqu’à la gestion des ressources, la distribution et les usages, ce sont les politiques de l’eau qu’il faut abord interroger.

 J’ai été personnellement impressionné par la découverte du fonctionnement d’eau du Grand Lyon avec la mise en place de la régie. Il y a à la régie des professionnels passionnants, engagés, qui maitrisent un système dont on n’a pas idée quand on ouvre le robinet… Il y a des travaux qui se sont accumulés au fil des générations, des siècles parfois, comme les digues du Rhône ou l’usine de saint-clair, et il faut évidemment poursuivre et réfléchir à la gestion de la ressource dans le contexte climatique.

 Les étiages bas des fleuves seront beaucoup plus bas, il y aura moins de fonte de glaciers, mais il y a aura plus de pluie. Comment faire en sorte qu’on puisse garantir un volume d’eau dans toutes les agglomérations le long du Rhône ? S’il faut des restrictions, qui va les définir, les répartir, notamment au plan international. Et ne faut-il pas réfléchir à de nouveaux barrages pour lisser cette répartition irrégulière de l’eau ?

 J’ai écouté il y a quelques années un géologue, après de grandes crues de la Seine qui avaient immobilisé la région parisienne. Il disait que la prochaine crue millénaire aurait des conséquences humaines et économiques catastrophiques et qu’il fallait étudier de nouveaux grands barrages en amont. Je ne crois pas que la France ait une réflexion sur l’aménagement des cours d’eau à la hauteur de ce défi de l’adaptation au changement climatique.

 Mais c’est aussi sur l’eau pour l’agriculture qu’il faut interroger, aller vers une agriculture à faible consommation d’eau, et qui contribue à des paysages favorable à l’infiltration pour réduire la perte d’eau par ruissellement qui ne remplit plus les nappes. Car si le réchauffement conduit à la fois à des sécheresses et des pluies torrentielles, c’est qu’il augmente l’évaporation, il y a donc plus de vapeur d’eau dans l’air, donc plus de pluie et que quand il pleut l’agriculture intensive et l’artificialisation des terres réduit l’infiltration, l’eau ruisselle et inonde au lieu d’aller remplir les nappes.

 La première réponse politique à ces transformations du cycle de l’eau devrait être une politique d’aménagement du territoire qui vise à infiltrer, stocker et réguler l’eau…

 Pour le système de distribution, le rendement est plutôt bon à Lyon, mais on veut aussi accélérer l’amélioration des réseaux pour penser à l’avenir. Ce qui nous pose une question sur le financement des investissements et sur le prix de l’eau. Question importante pour les années à venir.

 Et à la fin du cycle, c’est toute la question des usages de l’eau, qui doit reposer sur un principe d’égalité et de justice sociale, mais aussi environnementale. Par exemple, les restrictions préfectorales doivent prendre en compte la nécessité d’aider nos arbres à tenir. On parle beaucoup des plantations d’arbres, moins souvent de leur mortalité, alors que nous y faisons face dans tous les parcs notamment ces dernières années. Je pense donc qu’il faut arroser un peu les arbres pour ne pas les laisser s’affaiblir trop. Évidemment, en période de sécheresse, il faut le faire de manière maitrisée, adaptée presque arbre par arbre.

Et sur les besoins humains, la vérité est qu’on n’est pas égaux dans l’accès à l’eau de loisir, thalasso, piscines, jeux d’eau, points de rafraichissement publics… Personnellement, je pense qu’on ne peut pas dire serrez-vous la ceinture, n’allez plus à la piscine, à la thalasso, réutilisez votre eau de cuisine… car ce sont toujours les riches qui seront gagnants qui auront accès à une thalasso de luxe, qui souvent consommera plus d’eau par personne qu’une thalasso pour tous !

 Nous aurons cette discussion à la régie de l’eau avec la tarification sociale et environnementale, ce ne sera pas simple, mais c’est un débat nécessaire sur les usages, une question très politique.

 C’est mon message de conclusion, il n’y a rien de naturel, de fatal et ce qu’on appelle les catastrophes naturelles sont toujours des catastrophes politiques. Ainsi du drame Libyen avec la rupture d’un barrage dont la réhabilitation avait été engagée avant l’intervention militaire occidental, et nous avons ramené ce pays au moyen-age et à la guerre des seigneurs. Ce n’est pas la nature qui a tué des milliers de personnes mais bien le choix de la guerre par l’occident il y a 10 ans…

 Je m’éloigne un peu, mais pas tant que ça, car l’eau c’est très politique, et les réponses à ce qu’on peut appeler une crise de l’eau sont très collectives, très politiques !

 

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