Macron : le naufrage et la nausée
mardi 26 décembre 2023
par Hugues Le Paige Blog ANC
Même s’il faut toujours s’en méfier, parfois une image en dit plus que de longs discours. Le 19 décembre dernier, une photo prise à l’Assemblée nationale au moment de l’adoption de la loi sur l’immigration fait partie de celles-là. Les députés de la droite macroniste et LR ont mêlé leurs voix à celles du RN. les députés de l’extrême droite triomphent. Un peu à l’écart Marine Le Pen et le secrétaire général de son groupe politique, Renaud Labaye, affichent un sourire plus discret, mais encore plus jubilatoire. « Une victoire idéologique » dira — à juste titre — Marine Le Pen. Renaud Labaye ajoutera : « Pour nous, le but était d’arriver à un texte le plus dur possible. On a externalisé le travail, les LR ont fait le travail pour nous, et on se retrouve avec un texte RN. [1] » Ajoutons : Les républicains ont certes fait le travail puisqu’ils sont désormais alignés sur les positions du RN mais les macronistes le leur ont servi sur un plateau.
Même si elle est arrivée à son apogée, la collusion entre Macron et l’extrême droite ne date pas d’hier. [2]
Depuis longtemps le duel était devenu un duo. Faut-il rappeler
l’entretien accordé par le Président de la République en 2019 à
l’hebdomadaire d’extrême droite, Valeurs Actuelles, où il qualifiait les
manifestations antiracistes de « tiers-mondisme non aligné aux relents
marxistes ». La loi contre le séparatisme de 2021 où il instrumentalise
la laïcité contre l’Islam.
Plus près de nous, en juin dernier, il prenait en charge le mot « décivilisation » à propos des heurts entre les jeunes et la police et il recadrait vertement sa Première ministre, Élisabeth Borne qui à l’époque avait encore des états d’âme et avait qualifié le Rassemblement National d’« héritier du pétainisme ». « Assez avec les jugements historiques et moraux » avait-il décrété. Aujourd’hui avec sa loi sur l’immigration et toute la xénophobie qu’elle charrie, c’est plutôt Emmanuel Macron qui prend en charge l’héritage du pétainisme.
Sans entrer ici dans les détails de cette loi punitive à l’égard des
migrants, deux de ses éléments constitutifs sont contraires à la
Constitution et l’esprit de la République : la préférence nationale et
la négation du droit du sol.
Là réside bien la « victoire idéologique » de Marine Le Pen. Déjà avant
sa réélection en 2022, Emmanuel Macron jouait avec le RN, comme on joue
avec le feu. Dès 2017, il pratique la « triangulation politique » qui
consiste à s’emparer du vocabulaire et des concepts de
l’adversaire/concurrent pour tenter d’aspirer son électorat.
Aujourd’hui, il avalise ses valeurs et lui ouvre la route du pouvoir.
La légitimité offerte au RN par Macron l’ a porté au sommet des sondages.
Cette capitulation en rase campagne n’est pas un acte isolé, elle
s’inscrit dans une ligne politique globale. Jamais sans doute depuis des
décennies, on n’a connu en France une telle politique de régression
sociale et de violences policières. Il faut aligner la réforme de
l’assurance chômage, celle des retraites et aujourd’hui celle de
l’enseignement, la répression d’une extrême violence du mouvement des
gilets jaunes et de celui des activistes écologistes, les « bavures »
dans les quartiers populaires, le tout accompagné par un incessant
mépris de classe.
Il faut insister sur la réforme de l’enseignement passée au second plan
au vu de l’actualité parlementaire. La décision du ministre de
l’Éducation nationale, Gabriel Attal de diviser les classes en « groupes
de niveaux » (les faibles, les moyens, les forts) et de rétablir le
redoublement a pour effet d’accentuer encore un peu plus la ségrégation
scolaire et sociale.
À cette politique de droite radicale, Macron a ajouté la reddition
idéologique à l’extrême droite. Cela ne le sauvera pas du naufrage
politique désormais inexorable.
Et pour toutes celles et ceux qui lui avaient apporté par deux fois leur
voix pour faire barrage au RN, il ne restera que le goût de la nausée.
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