Auto amnistie préventive de la macronie : technique du coup d’éponge
Toute la presse a répercuté les inquiétudes qui se sont fait
jour au plus haut sommet de l’État concernant la mise en cause de la
responsabilité pénale des décideurs publics de l’État (ministres et hauts
fonctionnaires) dans le traitement de la crise du Covid 19. Jusqu’au président
de la République qui a été jusqu’à fustiger, en les traitant d’irresponsables,
les victimes qui osaient d’ores et déjà saisir les tribunaux pour faire valoir
leur droit fondamental de s’adresser à la justice.
C’est chose normale, légitime et la marque d’un État de droit. Le
Parlement contrôle l’activité politique du gouvernement, le juge pénal
est saisi des fautes pénales commises par les personnes.
L’État de droit, pour quoi faire ?
Mais le respect de l’État de droit, c’est encore beaucoup trop
pour Emmanuel Macron et sa bande.
Il est clair, compte tenu de l’incurie et de la gabegie qui ont
caractérisé la gestion de la crise, et ce au plus haut niveau, que nous sommes
confrontés à un florilège d’infractions pénales. Dont seront saisies par les
victimes les juridictions compétentes, Cour de justice de la République
pour les ministres et Tribunal Correctionnel pour les hauts fonctionnaires. Et
cette perspective d’avoir à rendre des comptes est insupportable à l’équipe qui
entoure le chef de l’État.
Comme chacun sait, face à l’impréparation et au manque de
maîtrise de l’État dans le déconfinement, le gouvernement a décidé de faire
appel aux maires. En particulier pour une rentrée scolaire ingérable à laquelle
les communes seront nécessairement associées puisqu’elles ont la mission de
fournir les moyens matériels au service public de l’éducation nationale pour
les écoles primaires. Beaucoup d’élus ont simplement refusé, et d’autres ont
manifesté la crainte que leur responsabilité pénale soit mise en cause.
Alors, certains ont imaginé une entourloupe afin de mettre à
l’abri les amis exposés. En s’emparant de la légitime et réelle inquiétude d’un
certain nombre de maires et d’élus locaux face à la décision passablement
irresponsable de la rentrée scolaire le 11 mai. Ils ont imaginé une procédure
afin de faire voter par le Parlement une loi que l’on ne peut qualifier
autrement que de « loi d’amnistie préventive ». L’ineffable Aurore Bergé a
ingénument mangé le morceau dans un tweet publié à une heure du matin dimanche
et dont il faut s’infliger la lecture pour mesurer la duplicité : « Nous proposerons une adaptation de la
législation pour effectivement protéger les maires pénalement mais aussi toutes les personnes
dépositaires d’une mission de service public dans le cadre des opérations de
déconfinement. Des
propositions que je porterai avec LAREM ».
Avant de décrire le mécanisme du coup d’éponge envisagé, revenons sur
la façon dont se pose le problème en l’état actuel du droit. Ce qui permettra de démontrer que si l’inquiétude des maires est compréhensible, elle est juridiquement infondée.
Et la prétention des parlementaires LREM de vouloir les protéger
simplement une imposture. Destinée à permettre un coup d’éponge
salvateur pour les incapables, les désinvoltes, les menteurs, les
cyniques et les amateurs à qui Emmanuel Macron a confié la gestion de la
pandémie.
Protection des maires : que dit le droit ?
La principale infraction qui sera reprochée à ces décideurs
publics défaillants sera celle d’homicides et blessures involontaires prévue et
réprimée par tout d’abord l’article 221–6 du code
pénal :
« Le
fait de causer, dans les conditions et selon les distinctions prévues à
l’article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou
manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le
règlement, la mort d’autrui constitue un homicide involontaire puni de trois
ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
En cas de violation manifestement délibérée d’une obligation
particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, les
peines encourues sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros
d’amende. »
C’est une infraction à caractère général,
c’est-à-dire qu’elle concerne tous les citoyens quel que soit leur statut
juridique. Il faut savoir que pour définir qui sont les personnes qui
peuvent être incriminées, la France applique depuis toujours ce que l’on
appelle la « théorie de
l’équivalence des conditions » qui veut que tous ceux qui ont
commis le dommage ou CONTRIBUÉ à sa réalisation sont pénalement responsables.
C’est ce que l’on appelle les « auteurs
directs » et les « auteurs
indirects ».
Dans les années 90, après la mise en œuvre des
lois de décentralisation, et en raison de mises en cause massives des maires
dans l’exercice de leurs fonctions, le législateur a précisé les contours de
cette responsabilité qui sont aujourd’hui définis dans l’article 121-3 du code
pénal :
« Il y a
également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d’imprudence, de
négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue
par la loi ou le règlement, s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas
accompli les DILIGENCES NORMALES compte tenu, le cas échéant, de la nature de
ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et
des moyens dont il disposait.
Dans le cas prévu par l’alinéa qui précède, les personnes
physiques qui n’ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou
contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui
n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter, sont responsables
pénalement s’il est établi qu’elles ont, soit
violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence
ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une FAUTE
CARACTÉRISÉE et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles
ne pouvaient ignorer. »
Ce texte, fruit d’une élaboration particulière dans les années
90 à laquelle l’auteur de ces lignes a participé, avait évidemment un caractère
général applicable à tous les citoyens, mais c’est bien la nécessité de préciser
le périmètre de la responsabilité personnelle des maires en matière d’homicide
et de coups et blessures involontaires, qui en était l’objectif premier.
Retenons bien les deux nouvelles conditions exigées pour que l’auteur indirect
du dommage puisse être condamné : d’abord n’avoir pas accompli les diligences
normales en fonction des moyens dont on disposait, et ensuite commis une faute
caractérisée exposant autrui à un risque grave qu’on ne pouvait ignorer.
Alors, il faut insister sur ce point, les maires chargés de
mettre en œuvre les décisions irresponsables du gouvernement avec le manque
criant de moyens qui caractérise la gestion macronienne de la crise seront
protégés des mises en cause pénales par la notion de « diligences normales […] en
fonction du pouvoir et des moyens dont ils disposaient » contenue dans le
code pénal.
État d’urgence sanitaire ou pas, si l’État envoie les maires au
casse-pipe sans leur donner les moyens d’appliquer la politique qu’il a
décidée, ceux-ci ne pourront pas être poursuivis. Ils sont d’ores et
déjà protégés. Et ce d’autant que le Conseil d’État vient de rappeler
dans son ordonnance d’annulation de la décision du maire de Sceaux
imposant le port obligatoire du masque sur le territoire de sa commune,
que les pouvoirs des maires en état d’urgence sanitaire étaient
strictement limités, sans pouvoir d’initiative, à la mise en œuvre des
décisions de l’État.
Les parlementaires LREM en mode blanchisseurs
Mais dans certains crânes a germé l’idée que l’expression de
cette inquiétude infondée des maires et des élus locaux permettrait de réaliser
l’opération d’auto-blanchiment dont ils rêvent. La démagogie électoraliste d’un
certain nombre de sénateurs dans la perspective des prochaines élections
sénatoriales affirmant la main sur le cœur leur volonté de protéger leurs
futurs électeurs en a fourni l’occasion.
« Profitons de la discussion et du vote de la loi de
prolongation de l’état d’urgence, pour faire passer un texte salvateur sous
forme d’amendement ». Dans la confusion actuelle, avec un Parlement
godillot une modification des textes en forme d’amnistie préventive pourrait
être adoptée subrepticement et mettre à l’abri tous ceux qui craignent que leur
impéritie, leur négligence, leur désinvolture, leur amateurisme et l’ampleur de
la catastrophe qu’ils ont tant aggravée les emmènent dans le box des accusés.
Premier leurre envoyé par le sénateur Hervé Maurey annonçant à
grand son de trompe le dépôt d’une proposition de loi destinée prétendait-il à
protéger les maires. Ce texte est à la fois inconstitutionnel et juridiquement
inepte :
« La responsabilité,
civile ou pénale, d’un maire ou d’un élu municipal le suppléant ou ayant reçu
une délégation, appelé à mettre en œuvre une décision prise, durant l’état
d’urgence sanitaire, et en lien avec celui-ci, par l’État ou d’autres
collectivités territoriales que la commune, ne peut être engagée que s’il est
établi qu’il disposait des moyens de la mettre en œuvre entièrement et qu’il a
commis de façon manifestement délibérée une faute caractérisée. »
Tout d’abord, faire un régime spécial pour un élu afin de
l’exonérer de l’application d’une infraction à caractère général concernant
tous les citoyens, n’est pas possible. Ensuite la simple lecture de cette
proposition démontre qu’elle n’est qu’une paraphrase du texte déjà existant.
Pour un acte en lien avec l’état d’urgence sanitaire, l’élu ne pourra pour être
condamné que « s’il disposait des moyens de la mettre en œuvre entièrement
». Formidable innovation ! C’est précisément la définition des
diligences normales déjà prévues à l’article 121-3 du code pénal (voir plus
haut). Et la proposition de poursuivre : « l’élu ne pourra être condamné que
s’il a commis une faute caractérisée
» !
Alors pourquoi cette énormité
juridique inutile ? La suite nous l’apprend lorsque la presse publie une
tribune de 138 députés de la majorité annonçant, la main sur le cœur leur
soudaine sollicitude pour les élus locaux et leur volonté de déposer une
proposition de loi destinée à les protéger.
Mais là patatras, Aurore Bergé mange le morceau. Et
confirme dans son intervention calamiteuse que bien sûr il s’agit de protéger
les maires (dont on sait
qu’ils sont déjà juridiquement couverts) mais
c’est pour ajouter : « mais aussi toutes les personnes dépositaires d’une
mission de service public ». Mais quelle surprise ! Parce que qu’est-ce
qu’une personne dépositaire d’une mission de service public ? On va en citer
quelques-unes, comme ça au hasard : Édouard Philippe, Christophe Castaner, Laurent
Nuñez Sibeth Ndiaye, Olivier Véran, Agnès Buzyn, Jérôme Salomon, les directeurs
des ARS, etc. etc.
Et voilà, passez muscade ! La
proposition concoctée et présentée à la dernière minute lors du débat à
l’assemblée sera votée dans les bruits de l’orchestre comme un amendement à la
loi de prolongation de l’état d’urgence. Et les amis d’Emmanuel Macron blanchis
seront ainsi tranquilles. Et la fête sera complète car tranquille, ils le
seront pour l’avenir mais également pour le passé. Car s’il existe un principe
de non rétroactivité de la loi pénale, affirmé dans
l’article 112–1 du code, on trouve
dans son alinéa 3 la seule exception, celle de la loi pénale plus douce : «
Toutefois, les dispositions nouvelles s’appliquent aux infractions commises
avant leur entrée en vigueur et n’ayant pas donné lieu à une condamnation
passée en force de chose jugée lorsqu’elles sont moins sévères que les
dispositions anciennes. » Ce qui serait bien le cas si ce texte était voté.
Le tour étant joué, ministres et fonctionnaires défaillants pourraient alors
respirer….
Ainsi, sous la fausse raison de
vouloir protéger les maires, on veut voter une amnistie préventive pour mettre
à l’abri le petit monde des défaillants, des incapables des cyniques et des
inconséquents. Ils n’ont déjà aucun compte à rendre à un Parlement caporalisé,
ils veulent en plus une immunité et un privilège pénal.
Il est un devoir de s’opposer à cette
scandaleuse manipulation. Qui est aussi un aveu : celui que les plaintes des
victimes qui viennent et qui viendront sont fondées.
Ces gens-là nous auront tout fait.
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