Covid 19 : mutualisons pour casser les monopoles et socialiser la production
Les futurs vaccins et les traitements contre le corona virus doivent être accessibles à tous. Les
entreprises pharmaceutiques qui les produisent avec l’aide de l’argent
public doivent renoncer à faire sur ces médicaments des profits. Ils doivent être mutualisés, pour le bien de tous, dans tous les pays
Sanofi
est en première ligne des programmes de recherche d’un vaccin contre le
Covid-19, en collaboration avec les autorités de santé et des
partenaires internationaux. La grande multinationale pharmaceutique
deviendrait-elle philanthrope ? « Il faut vraiment observer le geste
soi-disant philanthropique de Sanofi avec méfiance. Pour Sanofi, 300 000
boîtes de chloroquine, ce n’est rien en termes financiers »,
tempère Jérôme Martin, ancien président d’Act Up-Paris et cofondateur de
l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament.
Comme expliqué dans un de nos précédents articles (voir «comment les entreprises pharmaceutiques comptent faire de l’argent »,
du 17 avril 2020), la firme américaine Gilead a commencé par essayer
d’obtenir pour un de ses anti-viraux le statut de « traitement contre
maladie rare », qui lui donnait droit à des crédits d’impôts et à des
avantages commerciaux. Cette tentative fait craindre le pire : les
laboratoires pharmaceutiques agiront sûrement sans scrupule pour faire
des profits.
Comment obliger les industries pharmaceutiques à ne pas profiter de la crise sanitaire pour renflouer leurs caisses ?
Il
faut que ces entreprises renoncent à leurs droits exclusifs sur les
traitements. Il faut poser des conditions aux laboratoires qui voient
leurs recherches financés par l’argent public. Les états investissent
depuis janvier de grosses sommes pour les recherches sur le Covid.
Lorsque des molécules efficaces sont identifiées dans le cadre de
soutien à la recherche, il est parfaitement anormal que les traitements
soient brevetés par des entreprises privées. En effet, si c’est le cas,
ces laboratoires en détiennent le monopole de production, et les vendent
très cher.
Il
est légalement possible, lorsqu’un laboratoire a été financé par des
fonds publics, d’exiger par exemple un plafonnement des prix de vente. Mais, pour l’instant, aucun des programmes lancés par l’Union Européenne ne fait état de ces garanties.
Actuellement,
une même entreprise pharmaceutique peur recevoir des fonds de la
France, de l’Allemagne, de l’UE. Il est alors compliqué d’avoir une
vision exhaustive de l’argent public investi dans telle ou telle
recherche. Ce qui complique la situation, car il est alors difficile
d’avoir du poids pour négocier les prix.
Il faut ouvrir des licences pour la fabrication de médicaments génériques.
Le marché du médicament est régi par les règles de la propriété
intellectuelle : les traitements et les vaccins sont couverts par des
licences, un peu comme des logiciels ou les œuvres culturelles. Les
licences exclusives assurent aux laboratoires le monopole d’un
traitement. Il est évident qu’en cas de pandémie, une seule entreprise
ne peut faire face à une forte production. Il faut alors permettre que
d’autres acteurs entrent en jeu. Et pour ce faire, il faut mettre en
commun les droits sur les technologies nécessaires à la détection, à la
prévention au contrôle et au traitement de la pandémie, mettre un terme
au profit exclusif d’intérêts privés.
En
2010, à l’initiative du Costa Rica, les communautés de brevets-
appelées « médecines patent pool »- visaient à améliorer les traitements
antirétroviraux, contre le sida, dans les pays à faibles revenus. Les
entreprises détentrices de brevets, entreprises implantées dans des pays
riches, ont donné leur accord aux pays du Sud pour produire des
médicaments génériques et les distribuer localement.
Le Costa Rica va plus loin. Il demande, pour assurer une production suffisante dans le monde entier à un prix abordable, une mutualisation au niveau de l’Organisation Mondiale de la Santé. L’OMS pourrait redistribuer les droits de licence ou les secrets de fabrication à d’autres producteurs là où il y en a besoin ».
Ce serait une sorte de socialisation globale de la production de
traitements. Les industries détentrices d’un brevet, seule à pouvoir le
produire, pourraient autoriser d’elles-mêmes d’autres industries à
produire le médicament.
Sans
cette mutualisation, le risque est grand que l’accès aux traitements
dépende de capacités financières des états et des malades.
Les
états sont en capacité d’opter pour des licences « d’office » ou
« obligatoires ». Si un laboratoire refuse de distribuer volontairement
des licences pour permettre à d’autres la production de médicaments
génériques, les pays peuvent décider que l’accès à ce traitement est
d’intérêt général. L’état casse alors le brevet et autorise d’autres
laboratoires à produire le médicament. De nombreux états du Sud ont déjà
utilisé cette procédure (Brésil, Inde, Colombie...).
En
France, cette possibilité a été évoquée en 2014 pour le traitement
contre l’hépatite C de l’entreprise Gilead, commercialisé à un prix exorbitant,
mais sans suite. « L’État français n’a jamais utilisé de licence
d’office. En fait, les États, en particulier du Nord, ont plutôt
tendance à protéger les grands groupes pharmaceutiques, surtout ceux
qu’elle héberge.
Il
faudrait éviter les politiques protectionnistes. En effet, on le voit
aujourd’hui, avec le problème des masques, si on ne pense pas la
coordination et la solidarité en amont, on se retrouve avec des états qui ne cherchent qu’à protéger leurs intérêts nationaux.
Nous assistons déjà à un phénomène concernant la chloroquine : certains
pays font des stocks, ce qui pourrait faire augmenter les prix. La
chloroquine est un médicament contre le paludisme. Si la demande
augmente et que la production ne suit pas, des pays atteints de
paludisme pourraient se retrouver sans traitement. Car les fournisseurs
préfèreront vendre à des pays riches qu’à des pays pauvres
Sans solidarité internationale, les écarts, les inégalités face à l’accès aux traitements vont se creuser.
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