La gauche, les ouvriers, l’extrême droite, et les droits de l’homme
La gauche, les ouvriers, l’extrême droite, et les droits de l’homme
Les militants de gauche se disputent en ce moment sur la question de savoir quel candidat il faut soutenir et s’accusent mutuellement de trahison. Mais pendant ce temps là, les ouvriers sont de plus en plus à droite.
La gauche toutes tendances confondues malgré quelques nuances est favorable aux migrants, indulgente avec les délinquants, et propose d’attribuer des revenus à vie à ceux qui ne travaillent pas.
Or sauf erreur, on dirait que la classe ouvrière est opposée à l’immigration, excédée par la délinquance et contre l’assistanat. C’est en tout cas ce que semble montrer la prégnance du vote d’extrême droite dans la classe ouvrière (voir illustration).
Si c’est bien le cas on voit que le divorce est profond.
Sur l’insécurité, on ne reviendra pas sur le sujet sauf pour rappeler qu’au bout du compte c’est la classe ouvrière qui en paye le prix.
Sur l’assistanat, s’il n’est pas carrément rejeté, il est perçu souvent dans les classes populaires comme une entreprise de dévalorisation du travail, qui est au cœur de la fierté ouvrière.
Incidemment, la classe ouvrière n’aime pas qu’on remette en cause les normes morales en cours. La gauche à ce sujet est dans le chamboule-tout permanent et dans un irrespect de principe des traditions qui est une sorte de tradition en soi, la culture « Charlie ».
Le rejet de l’immigration dans la classe ouvrière est imputable sans doute en partie à la prégnance des idéologies racistes profondément diffusées dans les sociétés occidentales dans les générations précédentes pour justifier la colonisation et diviser la classe ouvrière, enseignées à l’école et propagées par les médias. L’inertie idéologique joue un rôle.
Mais il y a peu de suprématistes blancs ou de militants de la civilisation judéo-chrétienne à trouver dans les rangs des ouvriers. La survivance d’un discours raciste traditionnel dans la culture européenne (et qui se conserve pour l'essentiel bien qu’on refuse obstinément à l’admettre dans l’idée européenne) joue son rôle mais il n’explique pas le succès croissant actuel de la droite conservatrice et de l'extrême droite xénophobe dans leurs rangs .
Le fait que la tolérance sous toutes ses formes soit devenue un élément central du devoir-être bourgeois peut certes susciter des réactions de contradiction. Les discours comminatoires et méprisant de l’extrême gauche bourgeoise y contribuent aussi. Mais ça ne suffit pas pour expliquer ce phénomène.
On peut faire l’hypothèse principale que le rejet de l’immigration provient du fait qu’elle a été imposée à la classe ouvrière par la bourgeoisie, dans son besoin insatiable de main d’œuvre exploitable. Fondamentalement le fait migratoire tourne le dos à la démocratie et continue l’œuvre de division de la classe ouvrière par d’autres moyens.
Et aussi qu’il a introduit dans la vie quotidienne du plus grand nombre des situations de stress que les bourgeois tout de bonté et de tolérance pour leur prochain ignorent.
Moins on est riche, plus on a besoin pour vivre sa vie de l’espace urbain et des services publics, et c’est justement ces domaines qui sont impactés négativement par les effets des migrations.
La gauche est fondamentalement humaniste, fondamentalement chrétienne laïcisée. La classe ouvrière est fondamentalement matérialiste. Elle se pose ce genre de question : avons-nous intérêt à l’immigration ? Comme la question ne peut pas être posée par les participants aux débats politiques, sous peine d’acquérir une très mauvaise réputation, on n’en sait toujours rien au fond et les questions auxquelles on n’apporte jamais de réponse travaillent en profondeur.
C’est d’ailleurs parfois le cas ou plus exactement l’immigration permet dans certains cas la sortie individuelle de la classe ouvrière. Des ouvriers peuvent profiter de l’immigration, mais en cessant d’être ouvriers et en devenant des cadres pour les travailleurs immigrés. C’est d’ailleurs aussi ce qu’il advient des militants ouvriers bureaucratisés. D’où l’extraordinaire différence d’appréciation entre les syndicats et leurs mandants sur ces questions.
On observera avec justesse que la classe ouvrière est précisément cette partie de la société qui intègre ou qui assimile le plus d’immigrés. Mais cela est loin de faciliter les choses car la manière la plus simple de s’assimiler à un groupe consiste à épouser ses préjugés, ses coutumes, ses goûts vestimentaires et alimentaires, et tout cela est sous le feu des nouveaux récits du nouvel âge du capitalisme.
Il advient que face au rejet dont ils font l’objet ces ouvriers immigrés, ou plutôt leurs enfants, sous l'influence de la petite bourgeoisie de gauche radicale ne s’assimilent pas, ou pour mieux dire : s'assimilent en prétendant refuser cette assimilation en bon gaulois frondeurs qu’ils sont devenus sans s’en apercevoir. Mais ils sont alors condamnés à s’ethniciser superficiellement et à revendiquer une considération sociale qui ne sera utile que pour une nouvelle bourgeoisie cooptée dans leurs rangs par la discrimination positive.
Bref les militants de gauche sont-ils des humanistes vibrants au service des migrants, des prisonniers et des pauvres ou des représentants des intérêts de la classe ouvrière, matérialistes et froids ?
La tyrannie des bons sentiments fait bon ménage avec la poursuite et l’aggravation de l’exploitation des ouvriers. Qu’ils soient français ou étrangers.
Le corps des militants de gauche ne peut ni ne veut comprendre tout cela car il est fondamentalement attaché à l’idéologie bourgeoise des droits de l’homme et de la République, et à ses déclinaisons modernistes post mai 68. On peut sans doute estimer que l’extension de cette croyance a représenté dans le passé un progrès par rapport aux récits religieux patriarcaux qui l’on précédée, mais il n’en reste pas moins qu’il ne s’agit que de croyances et d'idéaux métaphysiques, sans plus de fondement scientifique que les religions. Et dès l’origine du mouvement ouvrier indépendant, en juin 1848 et en mai 1871 la bourgeoisie en massacrant les ouvriers en masse a fait dans les rues de Paris la démonstration de ce que valait véritablement sa nouvelle religion humaniste.
Et il est significatif que la gauche n’a jamais eu tant d’influence sur la classe ouvrière que lorsqu’elle ne professait aucun respect particulier pour les droits de l’homme, au-delà de ce qui était nécessaire pour construire un front antifasciste.
Lorsque les ouvriers sont massivement de gauche ils pratiquent la tolérance zéro pour leurs ennemis de classe.
En conclusion, pour voir les mouvements de gauche regagner la confiance des masses ouvrières, il faudrait qu’elles abandonnent des slogans comme « l’humain d’abord » qui tout en ayant l’air de mots creux sont en fait des mots d’ordre significatifs réactionnaires.
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