Crise du monde agricole, retour sur l'histoire.
Publié le 27 Janvier 2024 par Canaille Lerouge
Les petits et moyens paysans
ne peuvent se reconnaître
dans la FNSEA
dirigée par des millionnaires
de l’agro-business et
responsables directes de la situation.
La Confédération CGT vient de rendre public un communiqué appelant ses
militants "d’aller là où s’est possible" pour construire les
convergences revendicatives indispensables pour combattre une politique
agricole au service des grands agrariens, forme française des
latifundiaires, qui protège la grande distribution et les grands groupes
agro-industriels.
https://snjcgt.fr/2024/01/25/la-cgt-appelle-ses-militant·es-a-aller-rencontrer-les-travailleuses-travailleurs-agricoles-les-agricultrices-et-agriculteurs/
La Fédération CGT de l'agriculture et de la forêt a rendu public un
communiqué qui explique bien le contexte et propose aux professionnels
de la branche des solutions pour sortir de ce carcan.
Le "aller là où s’est possible" mérite un approfondissement qui renvoie à
qui est sur quels barrages, pour quelles revendications ?
Il est évident que les relations avec les militants du MODEF et nombre
de ceux de la Coordination Paysanne qui savent se mobiliser pour
apporter une solidarité concrète aux travailleurs en lutte ou (et) venir
avec leur production dans les cités populaires pour que grévistes ou
(et) habitants profitent de leurs productions ne sont pas de même nature
qu’avec les accapareurs des aides publiques (PAC et autres indemnités,
prêts bonifiés, service privilégiés du système bancaire etc.).
Il est bien clair que sont visés ici la FNSEA et ses appendices du CNJA et autres.
Cela demande de procéder à quelques rappels historiques Les évènements
d’avant hier et d’hier permettant d’éclairer aujourd’hui et d’aider à
tracer une autre route pour demain.
En cette année du 80e anniversaire de la Libération il faut se tourner
vers les années de la collaboration avec l’occupant et ses
organisations. L’organisation pétainiste de l’agriculture est structurée
par la "Corporation Paysanne" dont les origines remontent à
l'agrarisme,idéologie et mouvement social rural de la fin du XIXe siècle
porté par un catholicisme intransigeant -aujourd’hui on dit intégriste -
fondamentalement antirépublicain, et prônant le rassemblement du
"journalier au châtelain" autour de la terre. Ce mouvement trouvera son
aboutissement dans l’État français installé à Vichy. C’est la fameuse
phrase de Pétain depuis l’hôtel du parc pour prôner ce "retour à la
terre" et cette Corporation Paysanne en proclamant "La Terre, elle ne
ment pas".
Pour s’y opposer, la résistance paysanne s’organise, alimentant et
renforçant les maquis, accueillant les réfractaires au STO, faisant
étapes des filières d’évasion, fournissant nombre de FTP et autres
combattants. Un ex député SFIO du Finistère élu de 1936 qui en 40 a
refusé de voter les pleins pouvoirs à Pétain (qui le fera emprisonner en
septembre 40 et démettre de ses mandats), François Tanguy Prigent est
un des organisateurs de Libération Nord dans le Finistère, une
organisation qui se propose de rassembler les ex confédéré de la CGT et
des militants socialistes rejetant le pétainisme. Il participera
activement à la Résistance au titre du Comité d’Action socialiste
(officier FFI dans la libération de la Bretagne). Tanguy Prigent va
créer dans la clandestinité la Confédération Générale de l’Agriculture
(CGA), un syndicalisme agricole proche du syndicalisme ouvrier.
Rappelons qu’historiquement les salariés de l’agriculture et des forêts
sont syndiqués à la CGT, l’agro-industrie n’avait pas la dimension
d’aujourd’hui.
Il sera ministre de l’agriculture et du ravitaillement à la Libération,
il prononcera la dissolution de la Corporation Paysanne plus que
largement compromise dans la collaboration.
C’est lui qui publiera les décrets d’application de la loi portée par
Waldeck Rochet donnant un statut au fermage et au métayage sortant
l’immense majorité des paysans et leur famille de la soumission aux
hobereaux massivement regroupés dans l’ex Corporation Paysanne promis à
une épuration qui sera loin d’être réalisée.
La liberté syndicale est rétablie en France par la loi du 12 mars 1946 .
La CGA convoque un congrès qui sera constitutif de la FNSEA. Il se
déroule dans la nuit du 13 au 14 mars 1946. seuls les agriculteurs
exploitant peuvent alors y être adhérents. Lors des élections
départementales désignant les délégués à ce tout premier congrès, les
moins compromis des anciens de la Corpo Paysanne sont poussés comme
candidats de l’ex appareil pétainiste. Ils obtiennent un tiers des
places.
Dès 1947, avec l’aide appuyée des agrariens des grandes plaines
céréalières, l’appui de l’église et du MRP (parti conservateur néo
chrétien de droite), l’aide discrète de la partie la plus à droite du
RPF de De Gaulle, les anciens de la Corporation Paysanne non épurée
ressurgissent massivement avec l'aide financière du CNPF (MEDEF
d’alors). Ils vont avec tous leur relais politiques et religieux isoler
les "rouges" et s’emparer de l’organisation.
Ce processus va conduire à ce que le congrès de 1953 autorise les
propriétaires fonciers non exploitants à adhérer à la FNSEA et y prendre
des responsabilités. Cela toujours avec l'aide active des gros
céréaliers en particulier d'Île de France pour prendre en main les
leviers du syndicalisme agricole afin d'en faire des outils du
libéralisme agraire. Cette marginalisation des petits agriculteurs du
sud et du centre de la France surtout des métayers et fermiers va les
conduire en 1959 à fonder le MODEF organisation calé sur des bases
progressiste où cohabitent des militants communistes socialistes et
anarchisants.
Si l’Église a eu un rôle idéologique décisif au coté des partis de
droite pour faire revenir les non épurés de collaboration, n’oublions
pas le Crédit Agricole, bras séculier financier tenu par l’agro
industrie et les grands propriétaires fonciers, chargé de l'étranglement
des petits et de ceux qui refusaient de se plier au dogme qui se
construisait autour du marché commun, du libre-échangisme et l'arrivée
de la PAC captée pour 80 % de ses aides par 20 % des plus riches
agrariens.
Comble de duplicité ceux qui stérilisent la production vivrière de leurs
terres pour faire du fioul de colza qui alimentent leurs engins ou pour
spéculer avec la bourse de Chicago se servent de la détresse de ceux
qu’ils ont exclus du tour de table et que l’UE tente de finir de
liquider pour le plus grand profits des Auchan Leclerc etc, des grands
groupes de l’agro industrie et leurs méthode quasi terroriste de gestion
de leur salariés et les petits producteurs. Ces petits producteurs au
bord de la ruine sociale et économique que tentent de sauver le MODEF et
la Coordination Paysanne avec pour cette dernière les limites des
comportements et déclarations parfois surprenantes face à l’UE et la PAC.
Voilà qui donne un éclairage pour regarder avec qui construire et éclaire sur ce "aller là où s’est possible".
Le MODEF, oui à coup sûr. La Coordination Paysanne oui ; mais là où sont
les héritiers de la pétainiste Corpo Paysanne et le MEDEF, pas
question.
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