mercredi 20 mars 2024

 

Des élections inhabituelles pour le Donbass, par Serguei Mirkine

Voici le témoignage de ce jour de vote dans le Donbass. A l’inverse des habitants d’Odessa et de Kherson considérés comme particulièrement expansifs, des méridionaux, les habitants du Donbass sont des taiseux, un peu comme le sont les mineurs du Pas de Calais. Ils ne se bercent pas de mots et obtenir leur confiance est difficile, la description de cet accès enfin à la citoyenneté russe reflète une profonde vérité pour qui a côtoyé ce monde-là. Nous vous renvoyons à ce texte dans notre livre : “l’homo sovieticus ne fait plus de politique” il décrit déjà ce mode d’être du Donbass. Il n’y a pas que le Donbass, on retrouve partout dans toute l’ex-Union soviétique mais aussi dans les ex-pays du pacte de Varsovie, ce profil, chez ceux qui partout se considèrent comme russes, voire soviétiques cette ténacité sans illusion, rien ni personne n’a pu les faire plier. Ils sont plus ou moins majoritaires, mais dans le Donbass il n’y a pas de doute. L’afflux dans les bureaux de vote ne s’invente pas et la propagande occidentale n’a pas pu ignorer à quel point du côté de Donetsk, ville martyrisée depuis tant d’années le refus de l’Ukraine qui leur a envoyé des bombes et des troupes nazies est profond dans une terre qui n’avait accepté son rattachement à l’Ukraine que sur la demande de Lénine qui souhaitait donner une base ouvrière à cette “marche” (traduction de “Ukraine”) tiraillée entre les influences impériales diverses. (Note de Danielle Bleitrach, traduction de Marianne Dunlop)

https://vz.ru/opinions/2024/3/18/1258683.html

Texte : Serguei Mirkine, journaliste, Donetsk

Le dernier jour de vote coïncidait avec le dernier jour de la Maslenitsa [la Chandeleur russe, NdT], de sorte que des crêpes ont été offertes aux électeurs dans de nombreux bureaux de vote de Donetsk. Dans le bureau de vote où j’ai voté, on ne m’a pas offert de crêpes et, en général, tout s’est déroulé comme d’habitude : je suis entré, j’ai obtenu un bulletin de vote en fonction de mon adresse d’inscription, j’ai voté et je suis parti. Il n’en reste pas moins qu’il s’agissait d’une élection inhabituelle. La première élection présidentielle russe dans le Donbass.
Presque toutes les personnes que je connais sont allées voter, même celles qui ne s’étaient jamais rendues aux urnes. Mon ami, qui n’a toujours pas de tampon d’enregistrement dans son passeport russe, n’a pas eu le temps d’en mettre un. Pour voter, il a pris deux passeports : un passeport russe et un passeport de la DNR – avant que la République populaire de Donetsk ne fasse partie de la Russie, de nombreux résidents de la république obtenaient leur passeport auprès des services de migration de la région de Rostov, qui leur délivraient un document dépourvu de tampon d’enregistrement. Cela a créé un conflit juridique : nous sommes devenus citoyens de la Russie, mais comme nous ne vivions pas sur le territoire russe, nous n’étions pas enregistrés. De jure, en vertu des accords de Minsk, les LDNR était toujours considérée comme un territoire ukrainien. Pourquoi cette excursion dans l’histoire récente ?
Sans le mentionner, il est difficile de comprendre l’importance de ces élections de mars pour les habitants du Donbas. Lorsque j’étais enfant, j’ai lu une histoire dans laquelle un garçon s’était perdu, avait erré pendant de nombreuses années et avait souffert d’épreuves. Puis sa famille le retrouvait. Mais il a caché de la nourriture pendant longtemps, car il n’était pas sûr que ses parents le nourriraient tous les jours. Ce n’est que lorsque sa mère a préparé un gâteau pour son anniversaire et qu’il a reçu des cadeaux qu’il a compris qu’il s’agissait de sa famille. Pour beaucoup de gens dans le Donbass, les élections sont comme cet anniversaire pour le petit garçon, un gâteau d’anniversaire. Mon ami m’a dit qu’après avoir voté, il s’est enfin senti citoyen russe à part entière, même s’il a reçu son passeport en 2020.
On se rend compte de la véritable importance d’une chose lorsqu’on l’obtient non pas facilement, mais à la suite d’un travail acharné ou d’une lutte. C’est pourquoi, contrairement à de nombreux citoyens russes des anciennes régions, qui ont reçu la citoyenneté russe par droit de naissance, dans le Donbass, nous considérons le passeport russe non pas comme un acquis, mais comme une valeur. Et la participation aux élections confirme que vous êtes un citoyen non seulement au sens juridique, non seulement par votre passeport, mais aussi par essence. Vous exprimez votre opinion sur l’avenir du pays dont vous êtes désormais citoyen.
Pour les habitants du Donbass qui ont voté en faveur de l’indépendance des républiques en mai 2014, espérant qu’il s’agissait du premier pas vers la réunification avec la Russie, pour ceux qui ont reçu ces mêmes passeports sans propiska – c’est très important, c’est l’étape finale pour devenir des citoyens de la Russie.
Le taux de participation dans la DNR et la LNR a atteint près de 90 %, dans les régions de Zaporizhzhia et de Kherson, plus de 80 %. Étant donné qu’il n’y a pas eu et qu’il ne pouvait pas y avoir d’intrigues dans les élections, que toutes les enquêtes sociologiques ont donné sans équivoque la victoire à Vladimir Poutine, et avec une large marge sur ses concurrents, un tel taux de participation est la preuve du soutien des habitants du Donbass et de la Tauride à la politique du président.
Les nouvelles régions ont des trajectoires historiques différentes et la mentalité de leurs habitants est différente, mais il existe une compréhension commune de la nécessité de vaincre le régime issu du Maidan. Tant que la racaille nazie sera à la tête de Kiev, il n’y aura pas de paix pour les nouvelles régions, tout le monde le comprend. Bien sûr, certains individus attendent toujours le retour de l’Ukraine. Mais soit ils devront changer leur vision de la vie, soit ils n’auront pas de place dans la société.
La vie dans les régions de la ligne de front est difficile. À Donetsk, quand on sort de chez soi, on n’est jamais sûr de rentrer et de ne pas être victime d’un missile ukrainien. La libération d’Avdeevka et des villages proches a certainement facilité la situation des habitants de la ville, mais elle n’a pas complètement éliminé le problème du bombardement de la capitale du Donbass. Il est d’autant plus important que les gens se soient rendus dans les bureaux de vote, car le vote à distance n’était pas prévu dans le Donbass.
Ils sont également venus parce qu’ils voient comment la vie change. Par exemple, les autorités ukrainiennes n’avaient pas pris la peine de terminer l’hôpital d’urgence dans le quartier de Goluboy depuis plus de 20 ans. La construction du bâtiment de dix étages avait débuté sous l’Union soviétique, mais sous le régime ukrainien, elle avait été gelée. Lorsque le Donbass a été rattaché à la Russie, malgré les hostilités, une construction à grande échelle a commencé dans toute la république. De nouveaux bâtiments sont construits et ceux qui ont souffert des bombardements sont réparés. Des quartiers entiers sont en train d’être construits à Marioupol. Un nouveau centre périnatal a été construit à Donetsk. Une nouvelle conduite d’eau a été construite et mise en service, qui approvisionne la DNR en eau provenant du Don [pendant des années, il n’y avait d’eau courante que quelques heures par semaine, et l’armée ukrainienne prenait bien soin d’empêcher toute réparation des conduits; les habitants devaient se rendre à des points de distribution d’eau, régulièrement bombardés, NdT]. Et tout cela dans des conditions de guerre. Les gens le voient et les habitants du Donbass ne peuvent pas être accusés d’ingratitude.
D’une part, ces élections ont confirmé le droit des habitants des nouvelles régions à participer à l’élaboration de l’avenir de toute la Russie. Elles leur ont permis de se sentir citoyens russes à part entière. D’autre part, le taux de participation élevé montre que les habitants des nouvelles régions reconnaissent la justesse de la démarche des autorités fédérales.

Un communiste français, observateur à Donetsk, sauve l’honneur

André Fadda m’écrit [à Marianne] de Donetsk :

Je suis présent avec des camarades communistes et antifascistes de plusieurs pays
Le secrétaire général du DKP de Berlin est avec moi. Je le connais depuis 1984. On était à l’époque au Nicaragua avec les sandinistes.

Je faisais partie de la caravane antifasciste organisée par la Banda Bassotti, groupe de musique italien communiste, et avec des camarades du DKP allemand, des communistes portugais, une palestinienne, des communistes et antifascistes espagnols, un Basque… Nous étions 15 et moi le seul de France.

Cette « brigade » est organisée tous les ans. On ramasse du matériel scolaire pour les orphelinats du Donbass. J’ai assisté à des témoignages très durs sur les massacres des nazis. J’ai rencontré des élus, des citoyens et des combattants. Ainsi que Stanislav Retinsky du PC de Lougansk et Alexey Albou (1), survivant  de la Maison des syndicats et ex-élu d’Odessa. Également Oleg Akimov, des syndicats de Lougansk.

Les tirs d’artillerie ont les entend tous les jours. Ce matin, ils tiraient encore à 7 h. Sans doute,  avec les munitions envoyées par Macron ces derniers jours. La ligne de front est à seulement 6 km d’où je me trouve. Honte à eux !!
 Kiev et ses bataillons nazis ont menacé, par des tracts et des émissions radios, les électeurs de les assassiner s’ils participaient au vote.
J’ai pu assister à une participation massive aux élections. Tant à Donetsk comme à Berdiansk et ce soir à Melitopol. Les fascistes ont tiré au canon sur des bureaux de vote dans l’oblast de Zaporozhie. À Berdiansk un commando de saboteurs à fait exploser un engin. J’ai pu constater les dégâts. Je t’enverrai les photos.
Malgré cela les gens sont allés voter. Certains m’ont dit que peu importe le candidat, ils exerçaient le droit de vote pour manifester leur attachement à la Russie. Des vieux mais aussi des jeunes.

J’ai été également présent dans des bureaux de vote et j’ai pu constater l’affluence et la tenue d’élections propres et calmes malgré des attaques lancés par les nazis. Plusieurs morts et blessés lors d’attentats et tirs d’artillerie sur les bureaux de vote.


André m’envoie une vidéo sur mon téléphone : Marina, enterre ses trois enfants, âgés de 2, 9 et 16 ans, victimes de l’attentat criminel de l’armée ukrainienne vendredi 15 mars 2024 contre le quartier Petrovsky de Donetsk.
Le père de sa plus jeune fille, tuée au combat à l’âge de 34 ans, a également été inhumé dans ce même cimetière en janvier 2023.
Je suis présent avec des camarades communistes et antifascistes de plusieurs pays
Le secrétaire général du DKP de Berlin est avec moi. Je le connais depuis 1984. On était à l’époque au Nicaragua avec les sandinistes.

(1) Voir l’article https://histoireetsociete.com/2024/03/18/odessa-nous-navons-compris-que-nous-etions-dans-le-faux-que-lorsquils-sont-venus-pour-nous-tuer-par-dmitri-rodionov/

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