lundi 11 mai 2020

Publié par El Diablo

Par Stéphane SIROT, historien du syndicalisme


Suite à une procédure en référé lancée par la CGT, la justice a ordonné l’arrêt de la production à l’usine Renault de Sandouville.

Pourquoi ? D’une part, insiste l’ordonnance de référé, « la commission santé, sécurité et conditions de travail de l’établissement n’a pas été convoquée ». De plus, « la convocation du Comité social et économique est irrégulière » et il « n’a pas (été) remis aux membres du CSE l’ensemble des éléments portant sur les modalités opérationnelles de l’activité en vue de la reprise de la production ». Autrement dit, le processus légal de consultation des instances représentatives du personnel n’a pas été respecté.

D’autre part, estime le jugement, les modalités de reprise ne permettent « pas d’assurer la santé et la sécurité des travailleurs de l'usine face au risque lié au COVID-19 ».

C’est pour toutes ces raisons, stipule le jugement, que Renault devra convoquer un nouveau CSE en bonne et due forme, revoir son évaluation des risques, ou encore organiser une formation « pratique et appropriée » pour ses salariés, notamment pour les « matériels de protection », tels les masques ou les visières.

Si l’on résume, la justice demande donc à l’entreprise de prendre davantage en considération la protection de la santé de ses salariés et les élus du personnel.

Cela ne devrait-il pas réjouir tout responsable syndical ? Apparemment non.

FO Métaux a fustigé une CGT qui, avec la justice, a « pris en otages » les salariés. Surtout, interrogé il y a quelques heures et comme d’habitude abondamment relayé par les médias, le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a dénoncé « la posture de la CGT » qui « est irresponsable et infondée ».

Rien de moins ! Drôle de raisonnement. Est-ce la CGT qui a décidé de fermer l’usine ? Sur des bases « infondées » ? Le n° 1 de la CFDT semble oublier qu’il critique là une décision de justice qui, au demeurant, a estimé la démarche de la CGT parfaitement fondée !

Emporté par son élan, Laurent Berger a même vanté « un dialogue social assez exemplaire sur la reprise d’activité en toute sécurité pour les travailleurs ». Bizarrement, l’ordonnance du tribunal dit très exactement le contraire !! Qui plus est en donnant moult détails.

Il y a donc un problème. Soit le dirigeant cédétiste n’a pas lu l’ordonnance de la justice. Soit il en a eu connaissance et il privilégie la reprise de la production sur la protection des travailleurs (qui, faut-il le lui rappeler, est la fonction première d’un syndicat…). Cette dernière hypothèse paraît cohérente. La sentence de Laurent Berger intervient en effet une semaine à peine après la « déclaration commune » du MEDEF, de la CFDT et de la CFTC sur « le maintien ou la reprise des activités économiques dans des conditions sanitaires optimales », si peu contraignante pour les employeurs en matière sanitaire.

Arrivé à ce stade, une phrase célèbre me vient à l’esprit : « Mon dieu, gardez-moi de mes amis. Quant à mes ennemis, je m’en charge ! ».
Stéphane SIROT

Aucun commentaire: