jeudi 23 juin 2022

Législatives de juin 2022 : la roue n’a pas encore tourné

Législatives de juin 2022 : la roue n’a pas encore tourné.

 

Malgré le résultat du deuxième tour des élections législatives qui s’analyserait pour certains en une « gifle », E. Macron va continuer sa carrière de président de la République. Comme ceux de ses prédécesseurs ( F. Mitterrand, J. Chirac) qui n’ont pas tiré la conséquence de leur désaveu à la suite d’une consultation électorale dans laquelle leur personne et ou leur action avait une importance déterminante.

Situation inédite sous un autre rapport. Puisque E. Macron a été désavoué alors que le système était fait pour qu’il gagne une majorité (1).

 

Mais sans conséquences notables.

 

Sur les bancs de l’Assemblée, E. Macron n’a plus assez de ce que les esprits critiques appelaient des « béni-oui-oui » pour voter comme on le leur prescrivait ces cinq dernières années. 

E. Macron a besoin de quelques dizaines de débauchés ou d’intérimaires pour lui donner un coup de main dans les années à venir. Il dispose de réservoirs de main d’œuvreau sein de ce qu’il reste du « parti socialiste » et se ses satellites et du « parti républicain ». Puisque c’est justement avec des transfuges de ces organisations politiques, - acquises depuis longtemps à l’idéologie et au système de gouvernement traduits dans les dispositions des traités à vocation mercantile ( Maastricht, Lisbonne, OMC, et autres) et à la soumission aux USA ( OTAN et les mêmes que ci-dessus) - qu’E. Macron a fabriqué ses gouvernements.

Il suffit donc, comme à la belle époque du régime des partis, de « consulter » ( ce que fait E. Macron ces 21 et 22 juin) pour voir comment on peut manoeuvrer. Soit en signant un accord de gouvernement, soit en obtenant le soutien sans participation, soit en organisant pour la suite des votes texte par texte. Par exemple, en proposant des postes au sein du gouvernement ou en promettant quelques subventions facilitant l’amour des électeurs pour leurs députés.

On verra à ce sujet, si Olivier Véran qui a fait merveille pour la vente de vaccins, fera montre d’une même efficacité pour ramasser les bonnes volontés.

En tous cas on commence déjà à entendre quelques argumentaires de dignitaires des partis sus nommés pour faire « avaler » à leurs électeurs, qu’ils étaient certes « contre » Macron quand ils sollicitaient leurs suffrages, mais qu’il leur faut bien, maintenant qu’ils sont élus, penser à faire fonctionner les institutions …

 

Quant aux députés susceptibles d’être, au moins en apparence, les moins « Macron-compatibles » ( RN et LFI) ils pratiquent la détestation réciproque des boutiquiers, qui les neutralise. Et, en tout état de cause, ils ne sont pas en nombre suffisant, pour le cas où ils mélangeraient leurs voix, pour renverser le gouvernement.

 

Et puis, le texte de la constitution a été rédigé pour faire face à ce type de cas de figure. Quand les Sénateurs ne sont pas d’accord, on peut se passer de leur vote (art. 45). Quand l’électorat des députés risque de n’être pas content que les députés votent une réforme particulière, on s’arrange pour que la réforme soit faite par ordonnance ( art 38). Quand les députés risquent de n’être pas assez nombreux pour voter la réforme, on les invite à engager la responsabilité du gouvernement : s’ils n’y arrivent pas, le texte ( y compris les projets de lois d’habilitation à prendre des ordonnances) est considéré comme adopté ( art. 49 al. 3). S’ils renversent d’aventure le gouvernement - à supposer qu’ils arrivent à être 289 pour ce faire - ils risquent de retourner devant les électeurs sur la seule volonté du président de la République (art 12). Ce qu’ils n’aiment traditionnellement pas. Parce qu’une campagne électorale coûte cher, et qu’on n’est jamais certain d’être réélu. Et puis, de nombreuses réformes n’ont pas besoin de l’intervention des parlementaires (art. 37). Etc… (2)

 

Enfin, et surtout, l’essentiel des réformes qui intéressent la vie des Français, comme celles qui concernent l’avenir du pays, a été enlevé à la connaissance des citoyens et de leurs représentants. Puisque le programme financier, économique et social qui détermine (et continuera à le faire sauf sursaut) les conditions de vie des citoyens a été fixée (grâce à certains politiciens français qui ont su y faire, comme F. Mitterrand ou N. Sarkozy) dans des textes ( des traités) hors de portée des institutions représentatives. Et puisque la feuille de route de sa mise en œuvre est arrêtée par des organismes qui ne sont non plus, ni le président de la République, ni le parlement, ni le peuple ( « Commission » etc… de l’ « Union européenne »).

Puisque des présidents de la République (E. Macron n’est pas le premier), qui utilisent les pouvoirs que la constitution donne à l’institution présidentielle pour assurer la souveraineté et la dignité de la France, font preuve d’un zèle touchant pour participer à des guerres déclenchées ou provoquées par les USA en fonction des propres intérêts stratégiques et commerciaux de ces derniers.

Le tout avec l’aimable passivité, quand ce n’est pas avec le soutien militant, de la classe politique. 

 

Bref, le deuxième tour des élections législatives ne change rien sur l’essentiel. Ni même sur le détail.

 

La seule chose que l’on peut noter, c’est que même parmi les citoyens qui ne sont pas restés chez eux, il y en a « pas mal » qui ont montré, - malgré l’intense « communication » 24 h s/ 24 des principaux médias favorables à l’idéologie sociétale, à la politique, à la personne d’E. Macron (v. le processus de fabrication de ce candidat en 2017), et à sa manière de gérer la population - , que la partie n’est pas forcément gagnée par des adeptes du système de gouvernance actuellement pratiqué. Et que le traitement ( très efficace) réservé aux gilets jaunes n’a fait disparaître, ni les souffrances, ni la peur du lendemain, ni le ressentiment, ni l’aspiration existant au cœur de la population de mettre fin au dit système.

 

Il arrive toujours un moment où la roue tourne.

Lorsque les puissants quittent leur poste, ils perdent alors l’arme de la menace.

Les juges ont toujours des intérêts de carrière, mais avec d’autres chefs. Et ils ont en plus des lois nouvelles et de circonstance à appliquer. Sans compter qu’ils peuvent être remplacés.

Les membres de la classe politique, ceux qui ne se sont pas trop « mouillés » continuent à percevoir leurs indemnités, mais dans le sens dans lequel le vent a tourné.

 

L’histoire enseigne aussi que lorsque c’est un mouvement des citoyens qui est à l’origine de la perte des postes, les partants, qui sont alors des déchus, deviennent encore plus vulnérables.

 

Il sera donc intéressant de suivre le travail de ceux qui continueront à rassembler les faits, à donner -comme ils le peuvent- de l’information. Mais qui, aussi, prépareront les bilans et les comptes, pour le jour où les citoyens donneront le cas échéant de la voix.

 

 

Marcel-M. MONIN

m. de conf. hon. des universités

constitutionnaliste

 

 

(1) Il est intéressant de constater que si les sondages faisaient apparaître l’existence d’un rejet majoritaire de la personnalité et de l’action d’E. Macron, ce désaveu de fait, ne s’était pas, pour les raisons que l’on sait, traduit dans les urnes le 24 avril dernier.

(2) sur ces questions, v. notre « Textes et documents constitutionnel depuis 1958. Analyses et commentaires. Dalloz - Armand Colin)

 

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