Les travailleurs ne doivent pas payer la crise
Face à la vie chère et au mépris du gouvernement : construire le rapport de force pour les salaires
Derrière l’écran de fumée de la loi « pouvoir d’achat », une fois de plus, Macron a choisi de faire payer la crise aux travailleurs et aux classes populaires. L’urgence est à la construction d’un plan de bataille pour les salaires et contre la vie chère.
Nathan Erderof blog El diablo
« Loi pouvoir d’achat ». Derrière l’écran de fumée, une attaque contre les travailleurs
Après un remaniement difficile, la macronie cherche à incarner son « gouvernement d’action » autour de la « Loi pouvoir d’achat ». Annoncé au lendemain de l’élection, le projet de loi vise à calmer la colère, dans le contexte d’une inflation galopante qui rogne fortement les salaires réels et d’une colère grandissante comme l’illustre la multiplication de grèves locales dans de nombreux secteurs. Mais derrière l’écran de fumée, se joue, une fois de plus, une offensive de grande ampleur pour faire payer la crise aux travailleurs, aux retraités et à la jeunesse.
On notera parmi les mesures « phares » annoncées, la revalorisation des prestations sociales à 4%, des prestations versées à la CAF à hauteur de 5%, des allocations au logement à 3,5%, du point d’indice des fonctionnaires à hauteur de 3,5% également ainsi que la prolongation du bouclier tarifaire sur l’énergie et un chèque alimentation d’un montant de 100 euros versé à 9 millions de foyers. Des revalorisations en forme de peau de chagrin qui ne couvrent même pas l’inflation annuelle en juin, estimée à 5,8%, et qui devrait attendre les 7% d’ici la fin de l’année. En résumé : entre deux caresses dans le sens du poil et quelques triturations là où ça ne fait pas mal, garde à ne pas toucher aux intérêts du patronat. Car c’est bien là que réside la logique de ce projet, avancer quelques mesures palliatives très ponctuelles et limitées dans le temps pour ne pas poser la question des salaires et ne pas s’attaquer aux profits des patrons.
Qui va payer la crise ?
L’actualité fait parfois preuve d’ironie. Quelques heures après que le gouvernement ait choisi de dévoiler en grande pompe son projet de loi, le magazine « Challenges » publiait son classement annuel sur l’état de santé des plus 500 grandes fortunes made in France. Un check-up resplendissant puisque, pour la première fois, leurs patrimoines professionnels cumulés dépasse les 1000 milliards d’euros. Il faut dire que pour les patrons l’année 2021 s’est avérée particulièrement fructueuse. Spéculation, dividendes historiques et actions en hausses, les sociétés du CAC 40 ont réalisé, une fois de plus, des profits records. Et elles comptent bien poursuivre sur leur lancée en 2022.
Dès les premiers signes d’inflation, les capitalistes n’ont pas manqué d’invoquer la boucle prix-salaires comme un « monstre qui dort » expliquant qu’augmenter les salaires accoucherait d’une nouvelle augmentation des prix, et ainsi de suite, jusqu’à créer une spirale infernale menaçant toute l’économie. En réalité, dans bien des cas, si les prix montent c’est que lorsque les entreprises le peuvent, pour préserver leurs profits, elles augmentent leurs prix pour faire face à la hausse de certains coûts (énergie matière première, composants). Autrement dit, si la hausse des salaires est à ce point présentée comme un danger, c’est que la vraie question de l’inflation est en réalité celle de la répartition. Derrière l’inflation, la lutte des classes donc et les mécanismes de l’exploitation.
Dans ce contexte, au lieu de proposer des augmentations salariales, la macronie se contente donc de donner quelques os à ronger aux travailleurs. Sa priorité est ailleurs : c’est de sauvegarder les positions du capital et des créanciers en continuant à mener la guerre contre le monde du travail. L’inflation est une arme importante dans ce combat. Cependant, alors que la loi « pour le pouvoir d’achat » était censée donner des gages sociaux avant le passage des grandes contre-réformes du quinquennat -en tête desquelles la réforme des retraites- l’aggravation de la crise politique et sa combinaison avec la crise sociale sous-jacente font de ces quelques miettes lâchées par le gouvernement une entreprise à haut risque pour la macronie.
Construire un plan de bataille pour les salaires
La vague de grèves pour les salaires qui touche boîte par boîte de nombreux secteurs, à commencer par l’aéronautique, l’énergie ou des services précarisés, témoigne bien que la centralité de la question des salaires en même temps qu’elle devient une nécessité vitale pourrait offrir un renouveau à la lutte des classes quelque peu ralentie par la pandémie ces deux dernières années. Fait intéressant, depuis plusieurs mois, le phénomène touche des secteurs de notre classe, notamment du privé, jusqu’alors peu habitués à la contestation sociale, comme à Safran, Sephora, Thalès, Decathlon ou encore Chronodrive, aussi bien que des travailleurs de la fonction publique, traditionnellement plus syndiqués et qui ont été à l’avant-garde de la bataille contre la réforme des retraites, comme à la RATP ou à la SNCF.
Si ces grèves restent pour le moment isolées les unes des autres, certaines revendications commencent à émerger, à l’image de la hausse des salaires de 300 euros indexée sur l’inflation revendiquée par les grévistes de Roissy pour les travailleurs des donneurs d’ordre comme des sous-traitants, et reprise par les grévistes de Total. Autant d’indices de la nécessité de faire entendre des mesures d’urgence à la haute de la crise sociale. Dans ce contexte, le silence des directions syndicales est particulièrement frappant. Depuis le premier confinement de mars 2020, les directions des principaux syndicats n’ont jamais cherché à organiser la colère de quelque manière que ce soit. Plus récemment, celles-ci ont concentré l’essentiel de leurs discours à appeler à renouer avec le « dialogue social ». Ce jeudi, la CGT et Solidaires se sont décidés à appeler à une journée de grève … le 29 septembre prochain. Plus que jamais la temporisation des directions syndicales est frein à l’expansion du mouvement.
L’urgence est donc de construire un plan de bataille capable d’unir les différents secteurs de notre classe dans une lutte offensive. Un tel plan de bataille devrait partir de la réalité concrète des luttes en cours, en s’appuyant directement sur les grèves existantes et en tentant de les renforcer au maximum, d’abord en les soutenant de toutes les manières possibles, y compris financières. Sur ce premier élan, des formes de coordination de grévistes pourraient se mettre en place en poussant à généraliser les grèves indépendamment du calendrier de NAO. Une telle stratégie, couplée à des revendications qui valent la peine de se battre et qui fassent le lien entre différents secteurs, pourrait permettre de développer et d’approfondir le mouvement. À commencer par :
> La hausse immédiate des salaires de 300 € minimum,
>Le rétablissement de l’indexation des salaires sur l’inflation,
>Le
gel des prix des produits de première nécessité, mais aussi des loyers
et des services essentiels comme le gaz et l’électricité,
>La mise en place de comités de contrôles des prix pour mesurer par nous-mêmes l’inflation réelle que nous subissons,
>La
hausse immédiate et l’indexation sur l’inflation de toutes les
pensions, pour s’unir avec ceux qui ne travaillent pas ou ne travaillent
plus.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire