Maître Castor, perché sur son Assemblée
Au XXe siècle le 18 juillet est l’anniversaire de la naissance de Nelson Mandela, et celui du déclenchement de la guerre civile espagnole.
Au XXIe, le 18 juillet 2024 sera celui du dévoilement définitif de la dépravation de la « gauche » petite-bourgeoise pleurnichant sur l’ingratitude de la bourgeoisie. « Comment ça, nous nous sommes prostitués pour sauver les fesses de Macron son fondé de pouvoir, et voilà qu’elle refuse de nous payer la passe ! »
La réélection de Yael Braun-Pivet au perchoir de l’Assemblée nationale et celle d’Ursula von der Leyen la tête de la Commission européenne sont pourtant les conséquences de la stratégie du NFP. Comme l’image de Manon Aubry exultant en donnant l’accolade à la néofasciste allemande corrompue démontre une connivence qui va loin.
J’ai demandé au philosophe Victor Sarkis ce qu’il en pensait.
Son regard est grinçant.
Régis de Castelnau Blog El Diablo
L’Histoire se rit des castors qui chérissent les barrages dont ils pleurent les effets. Sans véritable surprise, Yaël Braun-Pivet aura été réélue le jeudi 18 juillet dernier à la présidence de l’Assemblée nationale, poste surnommé dans le milieu « le perchoir ». Non pas en raison bien sûr de ses compétences politiques exceptionnelles, de ses qualités d’analyses des situations, de son charisme particulier, ou de sa probité à juger les déboires de l’Assemblée : non, encore et toujours, par la stupidité et la cécité coupable de la gauche « NFP », comme il faut désormais la labelliser, telle une marque infamante, toujours prompte à falsifier l’Histoire et les symboles.
Un Disneyland sociologique
Car enfin, après avoir appelé de toute la force dont est capable ses petits poumons bien malingres à voter pour des macronistes contre le RN, et avoir fait passer la projection de seulement 60 députés Ensemble ! au soir du premier tour aux 166 actuels, de quel droit osent-ils faire les étonnés, et hurler au « déni de démocratie », au « vol de l’élection », et au « mépris des électeurs » ? Il n’y a là que la conséquence parfaitement logique de leurs actions : quelle lâcheté de ne pas les assumer ! Faut-il avoir perdu tout contact avec la réalité pour oser affirmer comme A. Chassaigne que l’alliance entre les macronistes et LR est une « alliance contre-nature[1] » ? Quelle « contre-nature » ? Il s’agit de la même classe sociale, avec le même programme économique et géopolitique, et la même vision du monde. On aimerait pouvoir invoquer à la décharge du NFP un état psychiatrique dément, qui au moins aurait le mérite de susciter de la compassion chez le lecteur bienveillant envers les aliénés, qui depuis le juriste romain Ulpien sait pourquoi ils ne sont pas responsables juridiquement de leurs actes.
Mais non : las, il faut bien reconnaître que ce non-contact avec la réalité est le produit de leur classe sociale – la petite-bourgeoisie intellectuelle, et les couches moyennes qui se sont trouvées un moyen de se créer un Disneyland sociologique. Dans ce pays de cocagne, nulle trace d’ouvriers, de pauvres sales et mal-élevés : on y vit bien dans l’entre-soi de la bien-pensance. On peut penser avoir gagné une élection en ayant rassemblé 25 % des suffrages en réunissant plus de 6 organisations politiques, et gouverner légitimement le pays avec 30 % des sièges au parlement. On peut même penser demander aux marchés financiers et à la BCE de financer le SMIC à 1600€ et payer davantage les fonctionnaires dans un pays désindustrialisé, et qui ne produit plus ce qu’il consomme.
Ce n’est plus de la politique à ce niveau-là : c’est le Journal de Mickey mis en scène – mais avec Caroline de Haas en rédactrice en chef, des fois que Dingo veuille faire preuve de « masculinité toxique » à l’égard de Minnie. Leur délire est donc totalement politique, et en rien psychiatrique : la classe sociale qu’ils représentent a perdu tout pouvoir et capacité d’action réelle, et en est donc réduite à s’agiter vainement, en poussant toujours plus loin le délire de séparation avec la réalité.
Et que dire du spectacle puéril qu’ont offert les insoumis, en érigeant comme sommet de la résistance anti-fasciste le fait de refuser de serrer la main aux députés RN ? Ils trahissent bien d’ailleurs là leur conception des choses : ils ne font même plus semblant d’essayer d’aller chercher l’électorat ouvrier du RN pour le faire changer de vote – ils lui crachent à la figure, en se drapant dans de la morale, au sens le plus abstrait et méprisable du mot. Il faudra un jour que les communistes sincères et les hommes de gauche honnêtes l’admettent : cette gauche « NFP » n’est pas simplement stupide, ni mal orientée – elle défend férocement ses intérêts de classe, qui exigent que rien dans le fond ne change. Elle veut l’UE, elle veut l’OTAN, elle veut le système économique actuel, elle veut même Macron dans le fond, même si elle ne l’admet pas : elle veut tout cela, mais avec plus de dépenses publiques, pour que son Disneyland soit un peu plus fun. C’est vrai qu’on s’ennuie un peu au pays de l’OTAN, quand on a moins de moyens (c’est-à-dire pour eux, le travail des autres) pour s’amuser.
Les suites de cette farce sont donc prévisibles à l’avance : Macron macronera, Yaël Braun-Pivet braunpivera, et peut-être même que Attal attallera. Et la gauche, toujours la gauche, fera son manège bouffon, in seculum seculorum si on la laisse faire. Cette gauche aime à répéter que Macron a perdu le 7 juillet : peut-être est-il temps de se rendre compte que probablement non, si tout peut continuer comme avant ?
Il y a aussi la farce morbide.
Mais derrière la farce grotesque, il y a aussi la farce morbide. On se souviendra longtemps que cette même journée, l’infâme Ursula Von Der Leyen a été réélue à la tête de la commission européenne pour 5 ans de plus. Vu le caractère réactionnaire de ce qu’est l’UE, cela n’est pas surprenant, mais après le désastre de son mandat précédent, et les horizons de guerre et de désolation où cette femme veut emmener les peuples européens, l’événement devrait terroriser tout honnête citoyen. La guerre et la misère sont ses seules ambitions pour les masses.
Et de cette farce morbide, une image restera néanmoins : celle de Manon Aubry, tout sourire, embrassant avec un plaisir visiblement non-feint Usurla Von Der Leyen, pour la féliciter de sa réélection. Et là, les masques de la comédie sont éventés, et la vérité, la dure, la froide et cruelle vérité, vient percer à jour le théâtre, et en montrer l’abjection politique et morale – la vraie cette fois – sous son jour le plus cru : on peut embrasser avec plaisir la sanguinaire Von Der Leyen, qui a mené tant d’ukrainiens et de russes à la mort, qui a soutenu tant de massacres immondes à Gaza et en Cisjordanie, mais on ne peut pas, au grand jamais, serrer la main d’un député RN. Mais l’électeur moyen du RN ou le député du RN ont-t-ils jamais contribué, même indirectement, à tuer un seul ukrainien, ni même un seul gazaoui ?
Un jour, cette gauche sera réveillée par les masses laborieuses, et ce jour-là, elle se rendra compte que le sang que Von Der Leyen a sur les mains a déteint sur les siennes, qu’elle croyait immaculées.
Et il sera trop tard pour dire qu’elle ne la lui a jamais serrée. Il n’est pas sûr que d’avoir refusé de serrer celles du RN lui serve d’excuse ce jour-là.
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